Croisade


(a) Le mot <croisade> ne date que du XV ème siècle. Il remplace l'ancien mot français <croisée>. Son sens est alors synonyme de "croisée" (fenêtre) ou de "croisement" (croisée des routes).


(b) C'est l'usage historique (et rétrospectif) qui lui a donné un sens bien particulier.


- expédition guerrière en Terre Sainte, au Moyen-âge, pour tenter d'en chasser les Musulmans.


- large mouvement d'opinion ou violente campagne de presse.


(c) Le mot croisade est déjà "employé" par Rutebeuf en 1260 (du moins dans la traduction de Michel Zink, en 1989) :


- <<On prêcha la croisade :

on pensait vendre le paradis,

le livrer au nom du pape.

On écouta les sermons,

mais prendre la croix, nul ne le voulut,

malgré les discours émouvants.

On nous interdit maintenant la danse :

c'est ce qui perd la Terre Sainte.

Voilà ce que les Frères veulent nous apprendre.

Mais Fausseté, qui partout vole

et fait des chrétiens ses élèves,

elle, nous la fera rendre.

(Rutebeuf, "Poèmes de l'infortune", 1260, La complainte de Constantinople)>>.


(d) L'usage du mot se généralise au siècle de Louis XIV, avec Jean de La Bruyère et la Marquise de Sévigné. Il devient une habitude chez Châteaubriand :


- <<Un homme de la cour qui n'a pas un assez beau nom, doit l'ensevelir sous un meilleur ; mais s'il l'a tel qu'il ose le porter, il doit alors insinuer qu'il est de tous les noms le plus illustre, comme sa maison de toutes les maisons la plus ancienne : il doit tenir aux Princes Lorrains, aux Rohans, aux Chastillons, aux Montmorencis, et, s'il se peut, aux Princes Du Sang ; ne parler que de ducs, de cardinaux et de ministres ; faire entrer dans toutes les conversations ses aïeuls paternels et maternels, et y trouver place pour l'oriflamme et pour les croisades ; avoir des salles parées d'arbres généalogiques, d'écussons chargés de seize quartiers, et de tableaux de ses ancêtres et des alliés de ses ancêtres ; se piquer d'avoir un ancien château à tourelles, à créneaux et à mâchecoulis ; dire en toute rencontre : ma race, ma branche, mon nom et mes armes ; dire de celui-ci qu'il n'est pas homme de qualité ; de celle-là, qu'elle n'est pas demoiselle ; ou si on lui dit qu'Hyacinthe a eu le gros lot, demander s'il est gentilhomme. Quelques-uns riront de ces contre-temps, mais il les laissera rire ; d'autres en feront des contes, et il leur permettra de conter : il dira toujours qu'il marche après la maison régnante ; et à force de le dire, il sera cru. (Jean de La Bruyère, "Les Caractères", 1688, De la cour)>>.


- <<"L'Histoire des Croisades" est très belle, surtout à ceux qui ont lu Le Tasse et qui revoient leurs vieux amis en prose et en histoire, mais je suis servante du style du jésuite. "La Vie d'Origène" est divine. (Marquise de Sévigné, "Lettres", 1646, Lettre à Madame de Grignan, septembre 1675)>>.


- <<Admettons néanmoins, en dépit de toute vraisemblance, que nos efforts fassent couronnés d'un plein succès dans cette triple alliance contre nature, supposons que la Prusse demeurât neutre pendant tout ce démêlé, ainsi que les Pays-Bas, et que, libres de porter nos forces au dehors, nous ne fussions pas obligés de nous battre à 600 lieues de Paris : eh bien ! quel profit retirerions-nous de notre croisade pour la délivrance du tombeau de Mahomet ? Chevaliers des Turcs, nous reviendrions du Levant avec une pelisse d'honneur ; nous aurions la gloire d'avoir sacrifié un milliard et deux cent mille hommes pour calmer les terreurs de l'Autriche, pour satisfaire aux jalousies de l'Angleterre, pour conserver dans la plus belle partie du monde la peste et la barbarie attachées à l'empire ottoman. L'Autriche aurait peut-être augmenté ses Etats du côté de la Valachie et de la Moldavie, et l'Angleterre aurait peut-être obtenu de la Porte quelques privilèges commerciaux, privilèges pour nous d'un faible intérêt si nous y participions, puisque nous n'avons ni le même nombre de navires marchands que les Anglais, ni les mêmes ouvrages manufacturés à répandre dans le Levant. Nous serions complètement dupes de cette triple alliance qui pourrait manquer son but, et qui, si elle l'atteignait, ne l'atteindrait qu'à nos dépens. (François-René de Châteaubriand, "Mémoires d'outre-tombe", 1850, Partie 2, Mémoire)>>.


- <<Impossible de placer notre cathédrale dans cette autre famille d'églises hautes, aériennes, riches de vitraux et de sculptures ; aiguës de formes, hardies d'attitudes ; communales et bourgeoises comme symboles politiques libres, capricieuses, effrénées, comme oeuvre d'art ; seconde transformation de l'architecture, non plus hiéroglyphique, immuable et sacerdotale, mais artiste, progressive et populaire, qui commence au retour des croisades et finit à Louis XI. Notre-Dame de Paris n'est pas de pure race romaine comme les premières, ni de pure race arabe comme les secondes. C'est un édifice de la transition. L'architecte saxon achevait de dresser les premiers piliers de la nef, lorsque l'ogive qui arrivait de la croisade est venue se poser en conquérante sur ces larges chapiteaux romans qui ne devaient porter que des pleins cintres. (Victor Hugo, "Notre-Dame de Paris", 1831, Livre 3, Chapitre 1, Notre-Dame)>>.


(e) Le terme générique de <croisade> couvre des réalités politiques, militaires, économiques et sociologiques très différentes. Mais toutes manifestent et concrétisent, par le fer et le sang, l'idée de Chrétienté.


(f) Voir André de Longjumeau. Changchun. Contacts entre Orient et Occident. Croisade de renfort. Croisades. Gengis khan. Guillaume de Rubruck. Guy II de Forez. Guy III de Forez. Guy III d'Outre-Mer. Jean de Mont-Corvin. Jean du Plan Carpin. Julien de Hongrie. Kubilay khan. L'épopée des Croisades. Nicolas Anselme. Odoric de Pordenone.



Nota Bene. Les mots en gras sont tous définis dans le cédérom encyclopédique.