Guy II de Forez


(a) Élevé à la cour des rois de France, par la volonté de son père, Guy I er de Forez, Guy II est comte de Forez en 1137. A cet occasion, il confirme l'affectation de la leyde de la ville à l'entretien de l'hôpital de Montbrison. Guy II de Forez épouse Arnemonde, la fille d'Amé de Savoie. Malgré une volonté de retraite monastique, il sera encore comte, à sa mort, en 1206.


(b) En 1154, Guy II crée deux commanderies de Templiers, une à Chazelles-sur-Lyon, l'autre à l'extérieur de Montbrison, près du Vizézy, dans l'actuel quartier Saint-Jean.


(c) En 1157, Bernard, abbé de Clairveaux, s'efforce en vain d'empêcher un conflit entre Guy II de Forez et Guillaume II de Nevers. Mais le comte de Nevers ne veut rien entendre et envahit le Forez. Sa chevauchée tourne au désastre et il est fait prisonnier.


(d) Ensuite, à propos du Lyonnais, Guy II s'oppose à l'archevêque de Lyon, Héracle de Montboissier, jusqu'à la mort de celui-ci, en 1663. En 1157, Frédéric Barberousse avait donné à l'archevêque le titre d'exarque de Bourgogne. Lyon et le Forez risquaient de passer en terre d'empire.


- <<Pendant ces troubles, Louis-le-Jeune s'était vu forcé de venir réprimer l'insolence du vicomte de Polignac et de son fils, dont les brigandages continuaient dans l'Auvergne et le Velais, et qui non contents des concessions du roi, ou plutôt encouragés par ces concessions, n'avaient cessé de voler et piller. Guy II, pressé par Gérard, écrivit au roi cette lettre rapportée par Du Chesne :

Sire,

Je m'étonne qu'étant votre homme par tant de titres, qu'ayant été fait chevalier par votre majesté, que mon père m'ayant laissé sous votre conduite et en votre garde, que toute ma terre d'ailleurs vous appartenant (tota terra mea ad te pertineat), vous ne m'ayez rien marqué de votre arrivée en Auvergne. Malgré cela je serais actuellement dans votre armée, si le comte Gérard et les schismatiques de Lyon ne fussent entrés à main armée dans ma terre. Or ils y sont venus non seulement pour me dépouiller, s'ils le pouvaient, mais encore pour transporter mon comté, qui relève de votre couronne, à l'empire Teutonique (imperii Teutonici). S'ils y réussissaienti ce serait un outrage sanglant qu'ils vous feraient en face, et au mépris des armes que vous avez actuellement entre les mains. Que votre majesté prenne donc des mesures convenables pour mettre son honneur à couvert, et mes domaines en sûreté. Je la supplie de vouloir bien donner une créance entière au porteur de la présente lettre, et en lui ajoutant foi, de vouloir bien exaucer ma prière.»

Ce cri de merci, où on retouve toutes les formules actuelles, fut entendu de Louis, qui avait été en effet chargé de l'enfance de Guy, et l'aimait comme un père : Il passa par Montbrison, emmenant prisonnier Ponce et Héracle de Polignac, brigands, qui avaient poussé leurs excursions jusque dans le midi de notre province. (Auguste Bernard, "Histoire du Forez", Chapitre VII, "Moyen-âge. Seconde race des comtes")>>.


(d) L'histoire bégaye. Guy I avait profité d'un passage de Louis-le-Gros à Montbrison, lors d'une chevauchée guerrière, pour lui rendre hommage et lui confier son fils. A la génération suivante, les comtes d'Auvergne et les vicomtes de Polignac ne sont guère plus sages.


- <<Les Polignac, dix fois parjures, se rient de l'évêque et du roi qui pensent les enchaîner par des serments, et reviennent en toute hâte dans leur châtellenie, où les attendent des soldats aguerris. Cette fois, il ne s'agit plus d'une embuscade au détour d'un chemin, pour arrêter un convoi de marchandises ou de paisibles voyageurs qui se rendent au Puy-Sainte-Marie ; c'est la province entière qu'ils vont parcourir et piller. Les deux Guillaume d'Auvergne sont, avec Pons et Héracle de Polignac, en tête de l'expédition ; ils partent... Puis, quelques jours après, on apprend qu'ils ont ravagé la ville de Brioude et sa noble abbaye. Vainement les plaintes éclatent de toutes parts ; ils n'y prennent pas garde, et s'en retournent, «publiant, dit frère Théodore, que c'étoit un abus insupportable que des moines, gens si inutiles à l'Etat, égalassent les princes en richesses». Tout le pays était dans l'épouvante ; on écrivait chaque jour au Souverain Pontife, chaque jour on envoyait des émissaires au roi ; car lui seul pouvait, non plus par des négociations mais par la force des armes, mettre un terme aux sanglantes déprédations de ses vassaux. Alexandre III, indigné de tant d'audace, excommunie les traîtres et les dénonce en ces termes à la juste colère de Louis VII ... (Francisque Mandet, "Histoire du Velay", Chapitre V, "Les Polignac, chefs des routiers")>>.


(c) De retour d'une expédition punitive (entre 1163 et 1171, car il y en eut plusieurs), encombré de prisonniers, le roi Louis VII (roi de 1137 à 1180) fait halte à Montbrison.


- <<Quelques temps après, Guillaume VIII, l'oncle usurpateur, son fils Robert, & le vicomte de Polignac se rendirent coupables de graves exactions dans le brivadois, contre le chapitre de Brioude. Malgré excommunications & repentirs plus ou moins sincères, la situation perdura, & à l'appel des évêques, Louis le jeune leva une armée, qui parvint devant Brioude en 1166. Le comte Guillaume, au caractère décidément peu accomodant, résista, mais fût battu et emprisonné. Il fit appel à Henri Plantagenêt, duc d'Aquitaine & roi d'Angleterre, son suzerain, mais le roi Louis ne les libéra, lui & ses complices, qu'après avoir obtenu de leur part serments & promesses de bonne conduite. (Comté d'Auvergne, "Les chevauchées royales")>>.


(d) En 1163, Guy II reçoit le roi Louis VII. Diplomate, il demande son arbitrage pour un différent qui l'oppose au sire de Beaujeu et à l'abbé de Savigny. Un seigneur des environs, Pons I er de Rochebaron, est témoin de l'accord. Plusieurs adversaires du comte dépendaient de l'empereur germanique.


(e) En 1167, à Bourges, Guy II rend hommage lige au roi de France pour ses fiefs de Montarcher, de Saint-Chamond, de La Tour et de Chamousset. En outre, il inféode des domaines pour lesquels aucun hommage n'avait jamais été rendu : Montbrison et Montsupt. En échange, il obtient les droits royaux sur les fiefs de Marcilly, Donzy, Cleppé, Saint-Priest, Lavieu et Saint-Romain.


(f) Guy II semble un excellent stratège. Il est conscient des détails concrets du terrain. Il équipe la montagne de Garnier, en faisant creuser le béal qui draine et irrigue ces "alpages". Le béal comtal, la clairière de Regardière (tenu par les moines de la Bénisson-Dieu qui y ont une grange monastique, c'est un point d'observation surveillant le château de Couzan) et la traverse de Courreau, correspondent au même objectif de <containment> ("endiguement"). En effet, avec l'adversité des sires de Couzan, le Forez risque un encerclement entre le Beaujolais et l'Auvergne. D'où l'importance des traités avec Hugues de Rochefort (à l'occasion de la construction du château de Cervières) et Thiers.


(g) Politique. Guy II est l'auteur de la permutation de 1173, avec l'archevêque de Lyon. Par chance, son fils Renaud de Forez est élu archevêque de Lyon. Cet accord, préparé et garanti par le pape et le roi de France, ratifié par l'empereur, rompt l'alliance des archevêques de Lyon et des sires de Beaujeu, au profit de l'Empire. Guichard de Beaujeu se soumet bientôt au comte Guy.


(h) Guy II participe à une Croisade en Esclavonie. Il se croise à Cîteaux en 1182 et revient en 1184. Avec son fils, il approuve la fondation de l'abbaye de Valbenoîte, sise dans le comté.


(i) Puis Guy II transmet le comté à son fils, Guy III de Forez.


(j) En 1199, il se retire à l'abbaye de La Bénisson-Dieu, dont il était le fondateur, ainsi que de celle de Bonlieu (Bonus locus). En effet, en 1138, Guy II de Forez donne aux moines de La Bénisson-Dieu le domaine allant de la maison forte de La Brosse (paroisse de Sauvain) jusqu'au sommet maintenant dénommé Pierre-sur-Haute. Cette donation est un de ses premiers actes officiels, après la mort de son père.


(k) Son fils, aussi nommé Guy III d'Outre-Mer, meurt au siège d'Acre en 1204. Son fils est beaucoup trop jeune pour lui succéder.


(l) Alors, Guy II de Forez reprend du service comtal. Il confie à ses "frères" moines les essarts de Roche-en-Forez. Le comte Guy II est probablement l'instigateur du frayage de la Goutte de l'Oule et du béal comtal(1201). Ce canal détourne les eaux du ruisseau de Chorsin vers celles du Vizézy. La raison initiale est probablement la fortification de la traverse de Courreau, contre les ambitions des seigneurs de Couzan.


(m) Après avoir eu pour tuteur son oncle, l'excellent Renaud de Forez, Guy IV de Forez succède dignement à son grand-père.


(n) Voir Fromage de Roche. Jasseries de la Goutte de l'Oule. Maison de Savoie. Zacharie de Chorsin.



Nota Bene. Les mots en gras sont tous définis dans le cédérom encyclopédique.