Fondement


(a) Le fondement est la base, le principal appui :


- d'une construction (les fondations),


- d'un objet (le fond),


- d'une théorie (la crise des fondements),


- d'une philosophie (qui prétend fonder le réel),


- d'une religion (puisque "Dieu invisible a créé le monde visible").


(b) Le fondement est la cause, le mobile ou le motif d'une action, d'une fondation ou d'une institution.


(c) <Fondement> est un terme familier pour désigner le postérieur, les fesses, l'anus ou le cul, au sens restreint.


(d) Chez certains héros rabelaisiens, le fond de la pensée se confond avec la pensée de leur fond de culotte.


- <<Je me torchay une foys d'un cachelet de velours de une damoiselle, et le trouvay bon, car la mollice de sa soye me causoit au fondement une volupté bien grande ; (François Rabelais, "Gargantua", 1534, Chapitre 13. Comment Grandgousier congneut l'esprit merveilleux de Gargantua à l'invention d'un torchecul)>>.


(e) Les Mathématiques illustrent la difficulté des fondements. Les idéalités mathématiques ne peuvent ni se réduire à la logique ni se réduire à un langage formel. D'où des points de vue différents sur l'ontologie de ces idéalités mathématiques :


- logicisme nominaliste (Russell, Ludwig Wittgenstein, Carnap),


- philosophie du concept en mathématiques (Cavaillès, Albert Lautman),


- version platonicienne du formalisme (Kurt Gödel),


- néo-intuitionnisme de l'analyse non standard (Reeb, Harthong, Salanskis).


- <<Bourbaki, c'était une réaction contre les mathématiques d'avant. C'était un renouveau de la rigueur ; mais la rigueur pour la rigueur ! ? Autrement dit, ce qui les fascinait, c'était les fondements des mathématiques, et maintenant je suis d'accord avec ceux qui disent que les mathématiques n'ont pas de fondements. L'existence des mathématiques, c'est le comportement des mathématiciens. (Jean-Marie Souriau, interwiev, "Le journal de math des éléves", 1995, document du web)>>.


(f) Tant et si bien que l'édifice des sciences dites exactes n'a pas de fondement :


- <<Sciences exactes : ces deux mots évoquent un fier et solide édifice, abritant les trésors du savoir, la promesse d'une révélation définitive pour l'humanité avide de connaissance. Et comme savoir signifie toujours pouvoir, la connaissance des lois de la nature nous ouvre la perspective de dominer celles-ci et de les asservir à notre profit. Plus encore : l'homme ne désire pas seulement la connaissance et la puissance, il veut être éclairé sur la conduite qu'il doit observer, être à même de distinguer ce qui est valide de ce qui ne l'est pas ; il aspire à une vision du monde qui lui apporte cette sécurité intérieure dans laquelle il voit le plus précieux des biens. Si la religion ne le satisfait pas, il cherche auprès des sciences exactes un succédané de la foi. Mais lorsque nous considérons de plus près cet édifice des sciences exactes, nous nous apercevons qu'il comporte un point faible qui n'est autre que son fondement. En d'autres termes : il manque aux sciences exactes un principe assez général et d'un contenu assez riche pour leur servir de base suffisante. Sans doute calculent-elles avec des chiffres et des mesures, et portent-elles à juste titre leur nom, car nous devons à coup sûr tenir pour vraies les lois de la logique et des mathématiques. Mais la logique la plus aiguë, les mathématiques les plus rigoureuses ne peuvent produire de résultat fécond si elles ne reposent pas sur une base solide. Rien ne peut sortir de rien. Il n'est peut-être pas de terme qui ait suscité autant de malentendus et de contresens que celui de «science sans préjugé». L'expression a été lancée par Theodor Mommsen pour souligner que la recherche scientifique se tient à l'écart des idées préconçues ; mais elle ne peut ni ne doit signifier que la recherche scientifique n'ait besoin d'aucun a priori. Elle doit nécessairement partir d'un point quelconque et la question de savoir quel est ce point a préoccupé les penseurs de tous les temps et de tous les pays, de Thalès à Hegel ; elle a mis en branle la raison et l'imagination humaines mais il est toujours apparu qu'il n'existe pas de réponse définitive. La preuve la plus éclatante nous en est fournie par le fait que, jusqu'à nos jours, nous ne sommes pas parvenus à dégager une vision du monde qui, au moins dans ses grandes lignes, rencontre l'adhésion de tous les esprits qualifiés. De cette constatation nous ne pouvons tirer qu'une seule conséquence, à savoir qu'il est impossible de fonder les sciences exactes sur un principe général d'un contenu définitif. (Max Planck, "L'Image du monde dans la physique moderne", 1933, traduction Cornélius Heim, Gonthier, 1963, page 65)>>.


- <<Thibault Damour : Qu'est-ce qui détermine la valeur des coefficients de couplage aux diverses bifurcations de ligne que nous connaissons à ce jour ? L'ensemble des particules a quelque chose de baroque.

Jean-Claude Carrière - Qui vous dérange ?

Thibault Damour - Nous aimerions trouver un fondement théorique plus approfondi. Inutile de le nier. (Thibault Damour et Jean-Claude Carrière, "Entretiens sur la multitude du monde", paru en chez Odile Jacob, septembre 2002, chapitre 5)>>.


(g) Ouvrages construisant des fondements :


- "Grundlagen der Mathematik", "Fondements des mathématiques", David Hilbert et Paul Bernays.


- Les "Fondements d'une critique de l'économie politique" sont, pour Karl Marx, une sorte de brouillon pour le "Capital".


(h) L'emploi du terme <fondement> relève d'un certain logicisme ou de toute croyance qui met la raison au premier plan. En réalité, quand émerge (provisoirement et par intermittence) une pensée organisatrice, elle est précédée et supportée par un chaos structurant.


(i) Le principe de Lavoisier, <rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme> illustre bien cette situation, car, s'il est au fondement du raisonnement en Physique et en Chimie, il est indémontrable. Il est à la base de la théorie de la mesure elle-même. Il ne peut donc, sans cercle vicieux, être justifié ni vérifié par une mesure. Il introduit un cadre de pensée commun pour ceux qui, sur cette base admise, veulent participer à un projet d'intelligibilité.


(j) La logique et la société prétendent se fonder sur l'exclusion et l'inclusion (ou l'appartenance des restants).


- <<La troisième personne indexe donc le tour ou la synthèse du savoir et de ses objets. Qui aurait ce jour seulement rêvé d'une telle somme ? Tenir d'une main les fils d'une telle totalité ? Le Tiers et sa loi vibrante d'exclusion et d'inclusion fondent donc les sciences, exactes et humaines, les premières se réglant sur la seule démonstration rigoureuse, fondée sur le principe du tiers exclu (nous voyons, à l'évidence et, sans doute, pour la première fois, combien aisément l'on passe du démonstratif linguistique, pronom et adjectif, simple geste de l'index tendu qui montre l'extérieur, le menace ou l'admire - l'iste latin de mépris devient l'ille de gloire -, à la démonstration qui conclut en rigueur, par le fonctionnement bien réglé de l'exclusion), et les deuxièmes sur le devenir global de l'exclusion locale, qui définit ou désigne, d'abord, un individu donné, puis, soudain, la totalité de l'inclusion sociale ; il s'agit, dans les deux cas, du même fondement, et, de plus, ils se fondent l'un l'autre. De l'exclusion sociale et humaine, on passe au tiers exclu qui, à son tour, rend rigoureuse - beau double sens - la conduite collective et l'ensemble de ses conséquences. Voici enfin découvert un passage du Nord-Ouest où l'on naît dans les deux sens, où les commencements l'un à l'autre se substituent et s'engendrent donc l'un l'autre. Ils fondent métaphysiquement, tout en la liant à la démonstration, la physique, en donnant à la nature son objectivité générale, comme en faisant fonctionner les phénomènes naturels hors de l'intention des personnes concernées par le discours et dans son appartenance. Ils fondent l'ontologie de l'être même, mais, de plus, le temps et l'histoire, en fournissant l'opérateur des transformations. Ils fondent enfin la morale, en découvrant une loi de conduite non référée à aucune volonté particulière, extérieure à la sphère de communication. La troisième personne donne donc une fondation de tout le réel extérieur, de l'objectivité dans son ensemble, unique et universelle, en dehors de tout sujet en première ou deuxième personne. Voilà, hors de tout logos, la raison du réalisme, philosophie indémontrable sans cette troisième personne, et maintenant, grâce à elle, plus que démontrable, puisque présente à la racine de toute démonstration. Voilà le but et la fin de la philosophie de la communication que porte le message d'Hermès, en tiers entre la première et la seconde personne, circulant parmi leurs relations : ni elle ni son dieu ne peuvent se passer de ce qui n'est ni elle ni lui. (Michel Serres, "Le Tiers-Instruit", François Bourin, 1991, pages 84-85)>>.


(k) Dès 1587, dans son "Histoire du docteur Johann Faust, très célèbre magicien et nécromant", imprimé à Francfort par Johann Spiesz, il est affirmé que Faust veut, par sa science, <donner un fondement à la terre et au ciel>.


(l) Sens dessus dessous. En Philosophie, on s'élève à partir du vulgaire pour atteindre les fondements qui sont en haut, comme les Idées de Platon.


- <<J'ai suivi dans cet écrit la méthode que j'ai jugée la plus convenable, lorsqu'on veut s'élever analytiquement de la connaissance vulgaire à la détermination du principe suprême sur lequel elle se fonde, et ensuite redescendre synthétiquement de l'examen de ce principe et de ses sources à la connaissance vulgaire, où l'on en trouve l'application. (Emmanuel Kant, "Fondements de la métaphysique des mœurs", in "Critique de la raison pratique", 1788, traduction française de J. Barni, édition Ladrange, 1848, page 12)>>.


(m) Voir A partir d'un mot. Logique du contradictoire. Monde des sens. Monde réel. Monde de la physique. Ontologique. Réel voilé.


Nota Bene. Les mots en gras sont tous définis sur le cédérom encyclopédique.