Les Ecuries d'Augias


(a) Nettoyer les écuries du roi Augias (roi d'Elide), en une seule journée, après des années d'accumulation de fumier, est un des 12 Travaux d'Héraclès. Pour cela, il détourna ni plus ni moins le cours de deux fleuves, Alphée et Pénée, pour les faire couler dans les écuries. L'exploit herculéen est évoqué par Pausanias dans sa "Description de la Grèce".


- <<On voit aussi dans Olympie la plupart des actions d'Héraclès ; on a représenté sur les portes du temple la chasse du sanglier d'Érymanthe en Arcadie, son expédition contre Diomède roi de Thrace, et celle qu'il entreprit contre Géryon, dans l'Erythie ; on le voit aussi se disposant à prendre sur ses épaules le fardeau d'Atlas, et nettoyant le pays des Éléens du fumier qui l'encombrait. On a sculpté sur les portes de l'opisthodome, ce héros enlevant le bouclier de l'Amazone, et celles de ses actions qui ont rapport à la biche Cérynite, au taureau de Cnosse, aux oiseaux stymphalides ; de plus ses combats contre l'hydre de l'Erne et contre le lion de l'Argolide. En entrant dans le temple par les portes de bronze, vous voyez à droite, devant une colonne, Iphitos couronné par Ecéchiria, comme l'indique l'inscription en vers élégiaques qu'on y lit. Il y a dans l'intérieur du temple des colonnes qui soutiennent des portiques par lesquels on va à la statue. Il y a aussi un escalier tournant pour monter sur le faîte. (Pausanias, "Description de la Grèce", Livre V, "L'Elide", Chapitre X).


- <<Cet Augée avait une si prodigieuse quantité de boeufs et de chèvres, que toutes les terres du pays étaient couvertes du fumier de ses troupeaux et qu'elles en devenaient incultes : il engagea Hercule à nettoyer le pays, et lui promit une partie de l'Elide, ou telle autre récompense qu'il lui plairait, s'il en venait à bout. Hercule trouva le moyen de faire passer le Minyée par l'Elide ; et ce fleuve venant à se déborder, emporta tous les fumiers qui infectaient la campagne. Mais Augée, après un si grand service, manqua de parole à Hercule, sous prétexte que l'art et l'industrie y avaient eu plus de part que le travail et la peine ; il chassa même Phyléüs, son fils aîné, parce qu'il blâmait son ingratitude. (Pausanias)>>.


- <<Son cinquième travail consista à nettoyer du fumier, en un seul jour, toutes les étables d'Augias. Augias était roi d'Élis, fils d'Hélios selon les uns, ou de Poséidon selon les autres, ou bien, selon d'autres encore, de Phorbas. Il possédait de très grands troupeaux de bétail. Héraclès alla le voir et, sans lui révéler l'ordre d'Eurysthée, il lui dit qu'en un seul jour il nettoierait tout le fumier si Augias lui donnait la dixième partie du bétail. Et le roi, considérant l'entreprise impossible, lui donna sa parole. Héraclès prit à témoin Philée, le fils d'Augias ; puis il ouvrit une brèche dans l'enclos des étables, dévia le cours des deux fleuves voisins, l'Alphée et le Pénée, et, après avoir ouvert une autre brèche afin que l'eau puisse s'évacuer, il canalisa leurs eaux vers l'intérieur des étables. Il révéla alors à Augias qu'il avait accompli cette entreprise sur l'ordre d'Eurysthée ; le roi refusa de lui donner la rémunération convenue, niant même la lui avoir jamais promise, et il déclara qu'il était tout à fait prêt à aller devant les tribunaux. Face aux juges, Héraclès appela Philée afin qu'il témoigne contre son père, et le jeune homme confirma que la rémunération lui était due. Augias, furieux, avant même que le verdict ne fût émis, ordonna à Héraclès et à Philée de quitter l'Élide. Philée, alors, gagna Doulichion et s'y établit ; tandis qu'Héraclès se rendit à Olénos, auprès du roi Dexaménos. Il le trouva sur le point de donner en mariage, contre sa volonté, sa fille Mnésimaché au Centaure Eurytion. Alors le roi demanda l'aide d'Héraclès, et le héros tua Eurytion comme il rejoignait son épouse. Par la suite, Eurysthée refusa de prendre en compte ce travail, prétextant qu'il l'avait accompli pour de l'argent. (Apollodore d'Athènes, "Bibliothèque", Livre II, tTraduction Ugo Bratelli, novembre 2001)>>.


- <<Les Écuries d'Augias

Augias, roi d'Élis, avait trois mille bœufs.

Plein d'aise en les voyant, il chérissait en eux

Le bien qu'avaient accru ses longs jours économes.

Mais le Destin jaloux en veut au bien des hommes :

Les murs où s'abritait le mugissant bétail,

Désertés, n'étaient plus qu'un vaste épouvantail,

Car des ruisseaux vaseux de la vieille écurie

Surgissait une blême et terrible Furie,

La peste ! Et la campagne était lugubre à voir :

Plus de sillons, partout le gazon sec et noir

Sous un rayonnement qui semblait immobile.

Les pâtres ayant fui vers l'ombre de la ville,

On voyait çà et là des bœufs maigres errer.

Seul au ciel, Apollon, glorieux d'éclairer,

Mais irrité souvent des choses qu'il éclaire,

Dardait de longs traits d'or tout brûlants de colère.

Le roi, dans son palais enfermé tout le jour,

Laissait gronder le peuple et s'étourdir la cour,

Et, pendant que ses fils, beaux, et fiers de leur âge,

Présomptueux, traitant la mort avec outrage,

Se gorgeaient à grand bruit de viande et de boisson

Et dévoraient d'un coup la dernière moisson,

Inutile témoin du mal qui l'environne,

Il pesait tristement ses trésors, la couronne

Qui ne conserve pas ce qu'un fléau détruit,

Et l'or qui n'est plus rien quand la terre est sans fruit.

Ainsi se lamentait sa vieillesse frustrée,

Quand il apprit qu'Alcide explorait la contrée.

Il l'envoya quérir et lui dit son malheur :

«Vois les maux que nous font la peste et la chaleur,

Le soc abandonné par des mains misérables,

L'air infect et la mort. Lave donc mes étables,

Et je t'offre une part de mon bien le plus cher,

Un dixième des bœufs.» Le fils de Jupiter,

Trois fois grand par le cœur, la force et la stature,

Sourit au seul penser d'une utile aventure ;

Mais comme il voyait là les nombreux fils du roi :

«Le péril tout entier ne sera pas pour moi ;

N'ayant droit qu'à mon lot, jeunes gens, je m'étonne

Que le reste n'en soit réclamé de personne.»

— «Moi, dit Crès, je suis brave à dompter les chevaux,

Seul je confie un char à des couples nouveaux

Que le fouet exaspère et qu'une ombre effarouche ;

Nul ne sait d'une main plus légère à la bouche

Contenir à la fois l'ardeur et l'exciter,

En côtoyant la borne à propos l'éviter,

Et faire bien tourner quatre étalons ensemble.

j'aime un ferme terrain qui résonne et qui tremble,

Et je n'irai jamais, au prix de trois cents bœufs,

M'embarrasser les pieds dans ce fumier bourbeux.»

Phémios dit : «Je reste et ne suis point un lâche,

Mais je n'ai pas le cœur à cette indigne tâche.

Les chiens tumultueux au plus profond des bois,

Sur la piste allongés, hurlant tous à la fois,

La trompe, l'arc vibrant, le poil où le sang coule,

Le sanglier lancé comme un rocher qui roule,

C'est mon plaisir ! Il vaut un périlleux labeur :

Souvent l'énorme me bête, et je n'ai pas eu peur,

M'a fait, en s'acculant, sentir ses crocs d'ivoire.

Qu'un autre à se salir triomphe ! j'ai ma gloire.»

Alors Mégas : «Hercule, apprends-moi qui je crains.

D'un lutteur colossal je fais crier les reins ;

Mes bras en le serrant d'une immobile étreinte

L'étouffent, et sa chair garde ma forte empreinte

Je cours, je lance un disque aussi loin que je veux,

J'excelle au pugilat, je suis le roi des jeux ;

Mais depuis quand fait-on d'une étable un gymnase ?»

— «Pétrir la grasse argile, y façonner un vase

Dont la rondeur soit ample et le profil heureux ;

Ménager avec art les reliefs et les creux ;

Alentour enchaîner des nymphes par les danses,

Et courber savamment la spirale des anses :

Je ne sais rien de plus, je ne veux rien de plus ;

Les exploits me sont vains et les biens superflus :

J'aime.» Philée ainsi parla le quatrième.

— «Qui n'ose pas lutter avec le dégoût même

Connaît encor la crainte et n'est pas vraiment fort,

Dit Hercule ; pour moi, j'affronterai la mort,

Qu'on la nomme lion ou qu'on la nomme peste.

Chasseur, lutteur, restez ; dompteur de chevaux, reste ;

Et toi surtout demeure, ami des beaux contours,

Enfant qu'un peu de glaise amuse, aime toujours ;

Dans le temps de rapine et de meurtre où nous sommes,

Il en faut comme toi pour adoucir les hommes.

J'irai seul.» Il partit, laissant les orgueilleux

Lui lancer par dépit d'ironiques adieux ;

Et seul Philée en pleurs sentait pour tous la honte.

Le vieux roi, qui trouvait au dévoûment son compte,

Sourit : «Va,» lui dit-il. Et le long du chemin

Le peuple saluait l'aventurier divin.


Les étables dormaient dans l'imposant silence

Des choses que la mort détruit sans violence,

Et calmes poursuivaient au. jour leur œuvre impur :

Tel un corps de Titan qui pourrit sous l'azur.

Hercule, mesurant à sa vigueur la peine,

Espérait en finir sur l'heure et d'une haleine :

La porte était fermée, il en tord les vieux fers,

Et dans le noir cloaque entre comme aux enfers.

Aussitôt l'araignée en son gîte surprise

Se sauve en l'aveuglant de son écharpe grise ;

Il descend jusqu'aux reins dans un marais profond,

Et se heurte la tête aux poutres du plafond ;

L'air plein d'acres odeurs le suffoque et l'oppresse ;

Des taureaux morts, croupis dans une ordure épaisse,

Encombrent le chemin, l'un sur l'autre couchés ;

Des reptiles luisants glissent effarouchés ;

Il sent sous ses talons fuir des vivants funèbres ;

Et la chauve-souris, prêtresse des ténèbres,

Sous le toit en criant trace de noirs éclairs ;

Les mouches au vol lourd qui rôdent sur les chairs

Font luire et palpiter l'or douteux de. leurs ailes.

— Les horreurs de ce lieu lui devenaient mortelles.

Il chancela bientôt, et ses puissants poumons,

Faits à l'air pur et sain des forêts et des monts,

Se gonflaient, réclamant cet air avec des râles,

Et ses tempes battaient, ses lèvres étaient pâles :

«Je yeux sortir d'ici !» Mais il se sentit choir,

Et connut ce que c'est que de ne pas pouvoir

Quand on a dit : Je veux, «Il faut bien que je sorte,

«Je ne veux pas mourir...» Et jusques à la porte

Par, un effort suprême il parvint à tâtons :

«Air sacré, jour sacré, lorsque nous vous goûtons,

Nous ignorons, dit-il, quels bienfaiteurs vous êtes,

Gaîté des vagabonds et force des athlètes !»

Il se leva, songeant comme il est doux de voir

Et doux de respirer ! et combien le devoir

Est dur, et qu'on n'a plus d'air ni de jour sans trouble

Quand on a préféré, devant le chemin double

Du facile bonheur et de l'âpre vertu,

L'étroit sentier qui monte et qui n'est point battu ;

Et que pourtant, s'il dût recommencer sa vie,

C'est le plus rude encor qui lui ferait envie !

Et, plein de ces pensers, comme il allait errant,

Il vit l'Alphée, un fleuve au rapide courant,

Une subite joie éclaira son visage :

Il rêva, de cette onde un gigantesque usage,

Et, mesurant des yeux la courbe de son lit,

Sa profondeur, sa pente et sa force, il lui dit :

«Tu m'es, fleuve propice, envoyé par mon père.

Ces étables m'ont fait reculer, mais j'espère

Avec tes flots les vaincre en te prêtant mon bras ;

Viens, je vais t'y conduire et tu les balaîras.»


Il n'emprunta d'outils qu'à la forêt prochaine :

Avec un pieu taillé dans le plus dur d'un chêne

Dont le tronc dégrossi lui servait de maillet,

Comme un grand ciseleur le héros travaillait.

Sous la braise du ciel et les pieds dans la terre,

Il travaillait sans plainte, ouvrier solitaire,

Jusqu'à l'heure où, trahi du jour, mais non lassé,

Il dormait sous la lune au revers du fossé.

Bientôt dans la profonde et large déchirure

L'onde précipitée accourt, bondit, murmure,

Sur l'étable se rue et, grossissant toujours,

En fait sonner les toits de ses battements sourds ;

Les piliers sont rompus, et, pêle-mêle, en foule,

Taureaux, serpents, fumiers, soulevés par la houle,

Débouchent en formant de monstrueux îlots.

Alcide les reçoit, debout parmi les flots ;

De l'épaule, du dos, des mains et de la tête

Accélérant leur fuite, il aide la tempête.

Ah ! la vague sinistre aux gorges de Scylla

Hurle moins haut l'hiver que ce déluge-là,

Et les coques des nefs que froissent les tourmentes

S'entre-choquent moins fort que ces vastes charpentes.

La mer Ionienne, où roulent les débris,

Semble au loin toute noire à ses Tritons surpris ;

Et sur cette débâcle aux bienfaisants désastres

Se lèvent quatre fois et se couchent les astres.

Enfin l'eau sans effort lèche les noirs pavés,

Et les laisse en passant derrière elle lavés.


Alors, comme un vainqueur dans la ville en alarmes

Court annoncer la paix, tout en sang sous les armes,

Il ne secoua pas sa fange, et sans délais,

Suivi du peuple, en fête, alla droit au palais.

Ses cheveux dégouttaient sur son front et ses joues,

Et, dans sa joie, Alcide enveloppé de boues

Ressemblait, non moins beau mais plus terrible encor,

A l'ébauche d'un dieu de marbre noir et d'or.

Il parut ; la hauteur de ses regards farouches

Déconcerta le rire éveillé sur les bouches,

Car les fils d'Augias, de sa gloire envieux,

Raillant son front souillé rencontrèrent ses yeux,

Et le regard suffit au châtiment du rire.

«Tu seras, dit le roi, célébré par la lyre.»

Le sublime ouvrier lui demanda son prix,

Trois cents bœufs. Augias, d'un air simple et surpris :

«Je n'en dois pas trois cents. — Par les Dieux je l'atteste.

— De mes trois mille bœufs, c'est plus qu'il ne me reste.

— L'injustice m'émeut plus que la perte, ô roi !

— Ce que tu viens de faire était un jeu pour toi.

— Un jeu ! dispute-moi mon lucre et non ma gloire !

— Qu'avais-je donc promis ?—J'aiderai ta mémoire :

Un dixième des bœufs. — Mais lesquels ? — Ceux d'alors.

— Ceux d'aujourd'hui. — Tu mens ! — Paye-toi sur les morts.»

Le fils de Jupiter n'y put tenir : «Ah ! fourbe,

Je laverai du moins dans ton sang cette bourbe ;

Et vous tous qui trouvez mes labeurs si plaisants !

O lutteur, j'étouffais des lions à seize ans ;

Dompteur fier de courber les fronts de quatre bêtes,

Moi j'ai maîtrisé l'hydre aux innombrables têtes ;

Coureur, j'ai mieux que toi précipité mes pas,

La biche aux pieds d'airain ne me fatiguait pas ;

Chasseur, sans le secours de la flèche volante,

J'ai pris au poil du cou le monstre d'Érymanthe ;

Et, n'eussé-je purgé ni les monts ni les bois,

Je me croirais meilleur que vous tous à la fois,

Si, sur votre parole, au plus ignoble ouvrage

J'ai pour le bien d'un peuple exercé mon courage.»


Il dit, et, saisissant de son poing souverain

Par l'un des quatre pieds le lourd trône d'airain,

Le lança tournoyant comme un caillou de fronde

Sur le traître et ses fils ; et, justicier du monde,

Couronna le plus jeune, épris de l'art sacré,

Parce qu'au lieu de rire il avait admiré.

Il sortit du palais, rouge et plein de colère,

En criant : «Je suis las des peines sans salaire !»

Et les femmes en foule avec des linges blancs

Essuyaient le limon qui coulait de ses flancs,

Les enfants s'attachaient à sa cuisse robuste,

Et les hommes serraient sa main puissante et juste.

(Sully Prudhomme, "Les Écuries d'Augias", 1870)>>.


(b) Henri Pourrat nous explique que les habitants des monts du Forez et de Limagne font de même dans les burons ou les loges de leurs jasseries.


(c) On peut voir un béal et une vanne rudimentaire, prévus à cet effet, au lieu-dit Les Chambons près de Roche-en-Forez.


(d) Voir Béal d'alimentation. Béal d'irrigation. Burons de la Richarde. Descendé. Fumade. Fumées. Garnier. Hautes-Chaumes. Jas. Les Jasseries des monts du Forez. Levées.


(e) "Les Ecuries d'Augias" est un roman d'Agatha Christie.


(f) Parmi les randonnées photographiques sur les Hauts des monts du Forez :


- "L'Eau des Jasseries", à Garnier.




* * *


Auteur.

Hubert Houdoy

Mis en ligne le Dimanche 13 Juillet 2008.



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