Pins tordus
(a) Dans les monts du Forez, à l'étage des pinèdes, sous la hêtraie, la sapinière et les Hautes-Chaumes, on rencontre parfois de merveilleux bosquets de pins tordus, les garnasses. Leurs formes tourmentées aiguillonnent l'imagination des passants.
- <<Elle vivait vraiment un rêve, celui qu'elle avait eu une nuit, deux années auparavant, où elle avait vu Thunderhead triomphant, gagnant des courses. Ils allaient avoir de l'argent ; ce serait la fin de ses soucis et de ses craintes !
- Il sera cheval de course, n'est-ce pas, Dad ?
- Ça m'en a l'air, mon fils.
- Et nous n'aurons plus jamais d'ennuis.
- Que feras-tu de tout cet argent, Ken ?
- Il me remboursera tout ce qu'il me doit !
- Et il pourra payer lui-même les frais de son éducation !
- Et lever l'hypothèque prise sur le ranch !
- Et faire mettre des clôtures en bois... Il me l'a promis !
- Mère, il faut que vous me disiez ce que vous désirez ! Je vous l'ai demandé et redemandé et vous ne me l'avez jamais dit.
- Est-ce que je peux formuler trois souhaits ?
- Oui, demandez, trois choses, mère, trois grandes choses!
- Je voudrais un traîneau en forme de cygne tout couvert de grelots; je voudrais un arbre-singe et je voudrais une petite fille !
- Oh ! ce n'est pas de jeu !
- Que diable est-ce qu'un arbre-singe ?
Nell récita :
Vieux pin tordu, je vois bien
Que tu me fais la grimace.
Tu ploies un genou et tu clignes d'un oeil,
C'est pourquoi je t'appelle arbre-singe.
- Je ne sais toujours pas ce que c'est qu'un arbre-singe, dit Charley, ni pourquoi Nell a envie d'en avoir un ni ce qu'elle en fera quand elle l'aura.
- Elle le plantera sur la pelouse, dit Howard. C'est une espèce de grand vieux pin - il n'y en a qu'une vingtaine sur le ranch. Ils ont une forme bizarre, avec des branches qui se tordent dans tous les sens; mère a dit, un jour que nous en regardions un, qu'il avait la figure d'un vieil homme, et elle a composé ce quatrain ; alors, pour rire, Dad s'est mis à ployer un genou et à fermer un oeil... (Mary O'Hara, "Le Fils de Flicka", traduction Hélène Claireau, Calmann-Lévy, 1948, page 221)>>.
(b) Etages de la végétation. Sur les pentes du mont Sémiol, au-dessus de la route montant de Châtelneuf à la chapelle comtale de Fraisse, un bosquet de pins tordus a le charme verdoyant des pâturages forestiers. Ils témoignent de ce que nos ancêtres ne faisaient pas une séparation radicale des activités pastorales et de l'exploitation forestière. La sapinière moderne et l'élevage intensif ont bien changé les choses.
(c) Sur les pentes du vallon de la Trézaillette, entre le bourg d'Essertines-en-Châtelneuf et le hameau de l'Ollagneraie, vers 790 m d'altitude, à la limite d'une hêtraie, les pins tordus se mêlent à un chaos rocheux pour produire un paysage fantomatique à la nuit tombée.
(c) On pourrait multiplier les exemples. Ces pins tordus peuvent avoir des aptitudes génétiques. Chaque arbre se caractérise par un taux de fractalité et un angle de bifurcation de ses branches. Mais les pins tordus le sont de mains d'hommes. Ces pins ordinaires sont régulièrement élagués pour produire des fagots. Plus on empêche le tronc initial de pousser, plus l'arbre développe de branches substitutives. Il suffit alors d'élaguer les branches qui restent à portée de main. La production de fagots de pin contribuait à la cuisson du pain. Achetés par le boulanger pour chauffer son four, les fagots de pins tordus étaient un complément dans les ressources paysannes.
(d) Élaguer ou ébrancher un arbre se dit <ecotô> en patois local. Écotay pourrait tenir son nom d'un élagage radical, le défrichement des essarts. Mais, sur la route qui monte du vieil Écotay à Quérézieux, on trouvera encore un beau bois de pins tordus.
(e) Voir Essarts d'Essertines. Le pain et le vin.
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Mis en ligne le Dimanche 13 Juillet 2008.
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