(a) Le projet d'intelligibilité du monde (l'essai de compréhension de l'Univers) est le projet de la science. Contrairement au subjectivisme pur du solipsisme, uniquement basé sur le monde des sens, et sans dialogue, le projet scientifique suppose une élaboration d'un monde réel, une sorte d'objet permanent qui serait intersubjectif.
(b) Ce projet peut être présenté soit comme un projet de domination (ou de mystification) soit comme un projet d'amour (ou de partage, y compris avec et pour les générations suivantes).
(c) Alors que la science prétend trop souvent, comme sa concurrente la religion, dévoiler un sens qui serait déjà-là (ou prouver l'absence de tout sens), elle ne peut nier être, par elle-même, un projet d'intelligibilité du monde.
(d) La science vise donc à construire un sens au réel qui nous englobe. Si elle suppose que le sens est déjà-là et qu'elle se doit de le découvrir, elle reprend le projet de domination de la religion, mais avec d'autres méthodes.
- <<La relation d'enseignement ne peut cesser d'être inégale. Jusqu'à présent, le critère didactique d'enseignabilité est resté grevé par un vice fondamental, par un manquement : rester juge et partie, cumuler les rôles de fournisseur, et de contrôleur qualité de ce que l'on fournit. Jusqu'à présent, la seule situation pédagogique qui ait su séparer le pouvoir de contrôler du pouvoir d'enseigner, est la situation de l'autodidacte – au moins autodidacte partiel. L'ingénieur ou le technicien qui va chercher en librairie ou en bibliothèque les morceaux de science qui lui manquent pour résoudre tel problème terriblement réel, sont en mesure d'apprécier si le livre est clair, si l'article est compréhensible, si les prérequis sont correctement énumérés et clairement détaillés, si la discipline de respect de la définition initiale est tenue ou est trahie. Alors que l'étudiant d'université qui oserait remarquer une contradiction dans le discours professoral va au devant de graves ennuis : on trouve qu'il agresse le narcissisme de celui qui est juge et partie, et qui s'est habillé du costume "La science, c'est moi !". En conséquence l'audacieux contradicteur sera promptement éliminé, au plus tard à la fin de l'année. L'enseignement de masse est doublement grevé par un double étage de juge-et-partie : d'une part l'enseignant est juge et partie de ses élèves, et au dessus de lui, l'inspecteur est juge et partie. Ainsi du reste qu'à l'entrée dans la carrière par concours : le jury d'inspecteurs est juge et partie dans toutes controverses sur la non-qualité de la doctrine officielle du jour, que l'enseignant devra flagorner sous peine de graves ennuis. Il ne faut donc point s'ébahir si le rendement de l'enseignement est si mauvais : Le chef a raison, le chef a toujours raison. Personne n'ose évaluer les erreurs du chef, et encore moins sa corruption éventuelle. Et pourtant, il existe bien des preuves que des fautes graves se reproduisent de génération en génération, cela même dans l'enseignement des sciences, et qu'elles coûtent un prix énorme à l'enseigné, qui doit s'accommoder d'illogismes ahurissants, renoncer à comprendre, exhiber sa docilité. C'est que l'enseignement des sciences échappe à tout critère scientifique d'exactitude, ni même d'efficacité : il est dominé d'abord par la loi du chef, juge-et-partie. Aussi quelques années plus tard, faut-il détruire les notions erronées que nos élèves ont été contraints de croire, par exemple le produit « vectoriel ». Il aurait été préférable de ne jamais les tromper, dès le début. En particulier, l'enseignant de mathématiques méprise ses dettes envers l'expérience millénaire qui a dégagé les notions qu'il tient maintenant pour « évidentes ». C'est le mépris envers ses fournisseurs. Or presque aucune des notions actuellement axiomatisées n'a été dégagée par cette démarche condescendante, mais bien par une expérience sensorielle et motrice. Nos élèves ont besoin d'abstraire à partir de leur corps, de leurs mains, de leurs muscles et de leurs sens. Chaque fois que nous les brimons dans cet ancrage sensoriel et concret, nous les handicapons. Certes l'enseignement des sciences passe par de nombreuses étapes de désensorialisation ; c'est intrinsèque à la science. Toutefois, actuellement ce mouvement est unilatéral, autoritaire, et sa justification est escamotée. Il s'accompagne d'un mépris inadmissible envers l'ancrage concret. La santé des sciences exige que celui qui propose l'abstraction assume le fardeau de la preuve : il doit prouver que tout ce qu'il a négligé, pour ne retenir que quelques traits, est bien négligeable, et il doit fournir les moyens de vérifier ce qu'il tient pour preuve. Autrement dit, je propose que le contrat de désensorialisation dans l'enseignement des sciences devienne un contrat synallagmatique, c'est à dire qu'il tienne compte des volontés des deux parties, l'enseignant et l'enseigné. (Jacques Lavau, "Les quatre contrats qui lient les objets mathématiques", document du web, "Le contrat de respect intergénérationnel : ce doit être enseignable avec un rendement correct")>>.
(e) Pour que le discours de la science puisse être reçu par les autres acteurs de la société, il importe que son projet d'intelligibilité ne se présente pas comme la découverte de l'ultime explication. Son projet d'intelligibilité est une participation à un projet plus vaste. Ce projet englobant ne saurait guère se définir que comme la survie et le développement durable de l'humanité et des espèces vivantes associées. En particulier, les disciplines doivent passer des contrats de transferabilité des concepts d'une discipline à l'autre.
(f) Citation :
- <<Soyons satisfaits de ce que l'on a déjà découvert et permettons à nos descendants d'apporter aussi leur contribution à la connaissance de la vérité... Ne nous étonnons d'ailleurs pas que l'on amène si lentement à la lumière ce qui est caché si profondément... La génération qui vient saura beaucoup de choses qui nous sont inconnues. Bien des découvertes sont réservées aux siècles futurs, à des âges où tout souvenir de nous sera effacé. Le monde serait une pauvre petite chose, si tous les temps à venir n'y trouvaient matière à leurs recherches. (Sénèque, "Questions naturelles")>>.
(g) Voir Projet de l'organisation Crusoé. Refus de voir. Refus du réel.
(h) Lire "Réalité Représentations".
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Auteur. Hubert Houdoy Mis en ligne le Samedi 24 Mai 2008
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