(A) Geste symbolique.
(a) Dans un édifice, le début de la construction est marqué par la cérémonie de la "pose de la première pierre". Ainsi fait le jeune Guy V de Forez, pour l'église Notre-Dame d'Espérance de Montbrison, en présence de son père, fondateur du chapitre de la collégiale.
(b) La locution peut être employée dans un usage métaphorique.
- <<Hernani n'est jusqu'ici que la première pierre d'un édifice qui existe tout construit dans la tête de son auteur, mais dont l'ensemble peut seul donner quelque valeur à ce drame. Peut-être ne trouvera-t-on pas mauvaise un jour la fantaisie qui lui a pris de mettre, comme l'architecte de Bourges, une porte presque moresque à sa cathédrale gothique. (Victor Hugo, "Hernani", 1830, Préface)>>.
(c) Références littéraires :
- <<Le 21 janvier on posa la première pierre des bases de la statue qui devait être élevée sur la place Louis XV, et qui ne l'a jamais été. J'écrivis la pompe funèbre du 21 janvier... (François-René de Châteaubriand, "Mémoires d'outre-tombe", 1850, Partie II, Premier 21 janvier à Saint-Denis.)>>.
- <<Sans doute c'est encore aujourd'hui un majestueux et sublime édifice que l'église de Notre-Dame de Paris. Mais, si belle qu'elle se soit conservée en vieillissant, il est difficile de ne pas soupirer, de ne pas s'indigner devant les dégradations, les mutilations sans nombre que simultanément le temps et les hommes ont fait subir au vénérable monument, sans respect pour Charlemagne qui en avait posé la première pierre, pour Philippe Auguste qui en avait posé la dernière. (Victor Hugo, "Notre-Dame de Paris", 1831, Livre III, Chapitre I, Notre-Dame)>>.
- <<- Puisque vous n'avez pas voulu dîner avec nous, Ors' Anton', lui dit-il, je vous conseille de ne pas faire attendre plus longtemps mademoiselle Colomba. Et puis il ne fait pas toujours bon à courir les chemins quand le soleil est couché. Pourquoi donc sortez-vous sans fusil ? Il y a de mauvaises gens dans ces environs prenez-y garde. Aujourd'hui vous n'avez rien à craindre ; les Barricini amènent le préfet chez eux ; ils l'ont rencontré sur la route, et il s'arrête un jour à Pietranera avant d'aller poser à Corte une première pierre, comme on dit..., une bêtise ! Il couche ce soir chez les Barricini ; mais demain ils seront libres. Il y a Vincentello, qui est un mauvais garnement, et Orlanduccio, qui ne vaut guère mieux... Tâchez de les trouver séparés, aujourd'hui l'un, demain l'autre ; mais méfiez-vous, je ne vous dis que cela. (Prosper Mérimée, "Colomba", 1840, Chapitre 11)>>.
- <<Ce fut le vingt-cinq septembre que commencèrent les travaux de la nouvelle façade du Bonheur des dames. Le baron Hartmann, selon sa promesse, avait enlevé l'affaire, dans la dernière réunion générale du Crédit Immobilier. Et Mouret touchait enfin à la réalisation de son rêve : cette façade qui allait grandir sur la rue du Dix-Décembre, était comme l'épanouissement même de sa fortune. Aussi voulut-il fêter la pose de la première pierre. Il en fit une cérémonie, distribua des gratifications à ses vendeurs, leur donna le soir du gibier et du champagne. (Emile Zola, "Au Bonheur des dames", 1883, Chapitre XII)>>.
(d) Des expressions, maintenant proverbiales, comme <si le grain ne meurt> ou <si le grain de blé>, témoignent encore du fait que, dans la tradition ancienne des sacrifices humains, la pose de la première pierre accompagnait ou clôturait une mise à mort rituelle. Un texte français semble exprimer le retour du refoulé.
- <<Qu'un sang impur abreuve nos sillons ("La Marseillaise")>>.
(e) Ce rituel se rapproche donc de la lapidation ci-dessous. Michel Serres en fait l'hypothèse pour la fondation de Rome.
(f) Il est certain que, parmi les jumeaux de la louve (dont la tradition des Lupercales s'est longtemps maintenue), Romulus a sacrifié Remus.
- Michel Serres, "Rome, le livre des fondations", Paris, Grasset, 1983.
(g) Si on prend à la lettre le texte de la légende de l'Urbs, la première pierre (tombale) de Rome a pratiquement été posée sur le cadavre de Remus. D'une certaine manière, dans la lapidation rituelle, <on fait d'une pierre deux coups>.
- <<Quant à Romulus et Rémus, le désir les prit de fonder une ville sur les lieux mêmes où ils avaient été abandonnés, puis éduqués. Albains et Latins étaient en surnombre et des bergers étaient venus les rejoindre, ce qui laissait facilement deviner qu'Albe, tout comme Lavinium, serait bien petite en comparaison de la ville qu'on allait fonder. Mais ce projet fut entaché d'un mal atavique, la passion du pouvoir royal. Ainsi une rivalité funeste naquit de cette initiative plutôt pacifique. L'âge ne pouvait être pris considération pour faire la différence entre des jumeaux. Alors, ils s'en remirent aux présages des dieux protecteurs de ces lieux, pour désigner celui dont la nouvelle ville porterait le nom. Romulus choisit le Palatin, et Rémus l'Aventin comme observatoires pour prendre les auspices. C'est à Rémus le premier que, dit-on, se présenta le présage de six vautours en vol ; à peine était-il annoncé qu'un nombre double de vautours se montra à Romulus. Chacun des deux groupes alors de saluer son propre meneur comme roi. Pour les uns, la priorité entrait seule en ligne de compte. Mais les autres revendiquaient le titre de roi à cause du nombre d'oiseaux. Au cours de la discussion la colère monta, ils en vinrent aux mains et la bagarre tourna au massacre. Dans la mêlée, Rémus fut mortellement blessé. On s'en tient plus souvent à une autre version : pour narguer son frère, Rémus avait sauté par dessus les remparts en construction. Romulus, en colère, l'injuria et le tua, en ajoutant : "Voilà le sort de quiconque voudra sauter au-dessus de mon rempart !" Ainsi, Romulus détint seul le pouvoir et donna son nom à la ville qu'il avait fondée. Il édifia d'abord une citadelle sur le Palatin, lieu où lui-même avait grandi. Il offrit des sacrifices aux dieux en observant le rituel albain tandis que pour Hercule il s'en tint au rituel grec établi par Évandre. (Tite-Live, "Histoire de Rome depuis sa fondation", Livre I, chapitres VI et VII, Traduction nouvelle de Danielle De Clercq, Bruxelles, 2001)>>.
(h) Voir A partir d'un mot. Ab Urbe condita. La Ville-l'Evêque. Marie de Sève. Pont-Neuf. Ruine. Sahara. Saint-Galmier. Valbenoîte. Wahnfried. Wegener.
(B) Arme de jet dans un meurtre collectif.
(a) Dans une lapidation, l'instant crucial de la mise à mort collective est le jet de la première pierre.
(b) Un lapideur occasionnel est capable de réaliser ce jet, mais peut-être pas de l'assumer. Par la suite, il dira volontiers qu'il est arrivé à la fin du drame. Pour la mise à mort de saint Etienne ou Stéphane, Saül (le futur saint Paul) gardait les vêtements des lapideurs.
(c) A l'inverse, le lapideur structurel est un mythomane en symbiose. Il est capable de jeter la première pierre. Capable de s'imposer comme leader, il est aussi capable de produire et de soutenir l'idéologie qui "justifie" ses actes.
(d) Dans "Mein Kampf", rédigé en prison, Adolf Hitler a théorisé et annoncé la solution finale du problème juif avant de la mettre en oeuvre, méthodiquement, à l'allemande.
(e) Jeter la pierre est devenu une expression toute faite ou proverbiale. Théoricien du mimétisme, deux millénaires avant René Girard, un rabbi juif, connu sous le nom de Jésus de Nazareth, joue sur cette condition sine qua non de la première pierre. La leçon est présentée dans l'épisode de la femme adultère, raconté par l'Evangile de Jean.
(f) Dans l'intention de mettre le rabbi en défaut, les scribes et les Pharisiens lui amènent une femme prise en flagrant délit d'adultère. Ils disent à Jésus :
- <<«Maître, cette femme a été surprise en flagrant délit d'adultère. Moïse nous a prescrit dans la Loi de lapider ces femmes-là. Et toi, qu'en dis-tu ?» Ils disaient cela pour lui tendre un piège, afin de pouvoir l'accuser. Mais Jésus, se baissant, se mit à écrire avec son doigt sur le sol. Comme ils insistaient, il se redressa et leur dit : «Que celui qui est sans péché lui jette la première pierre !» Et, se baissant à nouveau, il se remit à écrire sur le sol. A ces mots, ils se retirèrent un à un, à commencer par les plus vieux ; et Jésus resta seul avec la femme, qui était toujours là. Alors, se redressant, il lui dit : «Femme, où sont-ils ? Personne ne t'a condamnée ?» «Personne, Seigneur», répondit-elle. «Moi non plus, lui dit Jésus, je ne te condamne pas. Va, désormais, ne pêche plus.» (Jean, 8, 3-11)>>.
(g) En attirant l'attention sur la première pierre et sur son porteur, Jésus fait tout pour que personne n'ose assumer ce rôle. Au contraire, deux siècles plus tard, à en croire la version de Philostrate d'Athènes, le sage Apollonius de Tyane pousse les Ephésiens à lapider un innocent mendiant.
- <<Contrairement aux Ephésiens qui, au départ sont d'humeur pacifique, défavorable à la lapidation, la foule qui amène la femme adultère à Jésus est d'humeur combative. Dans les deux textes, toute l'action pivote autour d'un problème que la phrase unique de Jésus rend explicite alors qu'au contraire il n'est jamais clairement formulé par Philostrate, celui de la première pierre. Dans le «miracle» d'Apollonius, la première pierre est le souci principal du gourou visiblement, puisque aucun Ephésien ne peut se décider à la lancer. Ce souci est facile à repérer bien qu'il ne devienne jamais explicite. Apollonius finit par résoudre la difficulté dans le sens qu'il souhaite, mais il lui faut se démener comme le beau diable qu'il est. Jésus aussi triomphe des difficultés auxquelles il est confronté mais, en sens contraire du gourou, il fait jouer son influence contre la violence. (René Girard, "Je vois Satan tomber comme l'éclair", Éditions Grasset & Fasquelle, 1999, page 91)>>.
- <<La lapidation légale, si archaïque soit-elle, ne ressemble jamais à l'assassinat arbitraire manigancé par Apollonius. La Loi prévoit la lapidation pour des délits bien déterminés et, parce qu'elle redoute les fausses dénonciations, pour les rendre plus difficiles, elle oblige les délateurs, qui doivent être deux au minimum, à jeter eux-mêmes les deux premières pierres. Jésus transcende la Loi mais dans le sens même de la Loi, en s'appuyant sur ce que la prescription légale comporte de plus humain, de plus étranger au mimétisme de la violence, l'obligation faite aux deux premiers accusateurs de jeter les deux premières pierres. La Loi prive les délateurs de modèles mimétiques. (René Girard, "Je vois Satan tomber comme l'éclair", Éditions Grasset & Fasquelle, 1999, page 96)>>.
(h) C'est pour ses qualités mimétiques que Jésus choisit Simon, comme la "première pierre" de son Eglise. Pour ce faire, il le surnomme Pierre. "Tu es Pierre et sur cette pierre, je bâtirai mon église". C'est à lui qu'il dit "Vade retro Satanas", quand son mimétisme n'est pas le bon. Il le prévient que le mimétisme qui le pousse à trancher l'oreille d'un valet le poussera aussi à trahir son maître avant le chant du coq.
(i) Le leader est choisi pour ses vertus mimétiques :
- <<Dans la phrase unique de son intervention Jésus mentionne explicitement la première pierre, il met l'accent sur elle puisqu'il la nomme en dernier lieu, pour prolonger son écho aussi longtemps que possible, dirait-on, dans la mémoire de ses auditeurs : «Que celui qui est sans péché lui jette la première pierre !» Toujours sceptique et fier de son scepticisme, le lecteur moderne soupçonne un effet purement rhétorique : la première pierre est proverbiale. Jeter la pierre, jeter la première pierre : c'est là une de ces expressions que tout le monde répète. S'agit-il vraiment ici d'un simple effet de langage ? C'est le texte que nous lisons, il ne faut pas l'oublier, c'est l'histoire de la femme adultère sauvée de la lapidation qui a rendu la première pierre proverbiale. Si aujourd'hui encore cette phrase est partout répétée, dans toutes les langues des peuples christianisés, c'est à cause de notre texte, certes, mais c'est aussi à cause de son extraordinaire pertinence, soulignée justement par le parallélisme de nos deux récits. Lorsque Apollonius ordonne aux Ephésiens de jeter sur le mendiant les pierres qu'il leur a demandé de ramasser, ces braves gens s'y refusent et Philostrate a la simplicité de nous avouer non seulement ce refus mais les arguments qui le justifient. Les Ephésiens ne peuvent pas se résoudre, froidement, à massacrer un de leurs semblables, si misérable, dégoûtant et insignifiant qu'il soit. Les arguments qui justifient ce refus ont leur contrepartie dans la phrase de Jésus. Ils sont l'équivalent non pas des derniers mots cette fois mais des premiers : «Que celui qui est sans péché...» Les Ephésiens ne se reconnaissent pas le droit d'assassiner froidement une créature humaine à laquelle ils n'ont rien à reprocher. Pour arriver à ses fins, Apollonius doit distraire les Ephésiens de l'action qu'il leur demande de commettre, il cherche à leur faire oublier la réalité physique de la lapidation. Avec une grandiloquence ridicule il dénonce dans le mendiant un «ennemi des dieux». Pour rendre la violence possible il faut démoniser celui dont on veut faire une victime. Et finalement le gourou réussit, il obtient ce qu'il désire, la première pierre. Une fois qu'elle est jetée, Apollonius peut dormir sur ses deux oreilles, la partie est gagnée pour la violence et le mensonge. Les mêmes Ephésiens qui, un moment plus tôt, avaient pitié du mendiant font preuve dans l'émulation violente d'un acharnement si contraire à leur attitude initiale que notre surprise égale notre tristesse. Loin d'être purement rhétorique, la première pierre est décisive parce qu'elle est la plus difficile à jeter. Mais pourquoi est-elle si difficile à jeter ? Parce qu'elle est la seule à ne pas avoir de modèle. Lorsque Jésus lance sa phrase, la première pierre est le dernier obstacle qui s'oppose à la lapidation. En attirant l'attention sur elle, en la mentionnant expressément, Jésus fait ce qu'il peut pour renforcer cet obstacle, pour le magnifier. Plus ceux qui songent à jeter la première pierre se rendent compte de la responsabilité qu'ils assumeraient en la jetant, plus il y a de chances pour qu'elle leur tombe des mains. (René Girard, "Je vois Satan tomber comme l'éclair", Éditions Grasset & Fasquelle, 1999, pages 92-93)>>.
(j) Le mimétisme est d'autant plus miraculeux que personne n'a conscience de lancer la première pierre et se persuade que "tout était déjà fini, quand je suis arrivé". Cette action inconsciente est typique du mécanisme qui permet de faire bouger les tables. Chaque spirite attribue à un esprit le mouvement imperceptible imprimé par chacun au pourtour de la table à trois pieds. Chacun est persuadé de "suivre le mouvement, de peur de le freiner".
(k) C'est ainsi que les micro-décisions (dites de simple adaptation) génèrent le terrorisme des marchés et les bulles spéculatives sur les marchés financiers.
(l) A l'inverse, "faire ma part" est le réflexe de l'oiseau-mouche (de la légende), pour lutter contre l'incendie de la forêt.
(m) Pour un délateur professionnel, ayant recours à un chantage, jeter la première pierre est fondamental. Mais il importe, ensuite, de se faire oublier et de ne pas assumer ce premier jet, comme le ferait le lapideur structurel. C'est ce qu'illustre très bien Barnaba, à Venise, après qu'il ait lancé ses calomnies sur le compte de l'Aveugle, la mère de Gioconda. Cela s'appelle <jeter la pierre et cacher le bras>.
- <<Barnaba (à voix basse) :
J'ai jeté ma pierre ; il est temps de fuir la curée.
(Amilcare Ponchielli, opéra, "La Gioconda", Acte I, traduction du livret italien de Tobia Gorrio)>>.
(n) De même, un agitateur stipendié ne doit pas se laisser photographier alors qu'il lance le premier pavé, sur le boulevard Saint-Michel ou dans la rue Gay-Lussac.
(o) Références littéraires :
- <<Enfin, au milieu des doutes et des combats qui renversaient et renouvelaient sans cesse le plan de Corinne, elle reçut une lettre d'Oswald, qui lui annonçait que son régiment devait s'embarquer dans six semaines, et qu'il ne pouvait profiter de ce temps pour aller à Venise, parce qu'un colonel qui s'éloignerait dans un pareil moment se perdrait de réputation. Il ne restait à Corinne que le temps d'arriver en Angleterre avant que lord Nelvil s'éloignât d'Europe, et peut-être pour toujours. Cette crainte acheva de décider son départ. Il faut plaindre Corinne, car elle n'ignorait pas tout ce qu'il y avait d'inconsidéré dans sa démarche : elle se jugeait plus sévèrement que personne ; mais quelle femme aurait le droit de jeter la première pierre à l'infortunée qui ne justifie point sa faute, qui n'en espère aucune jouissance, mais fuit d'un malheur à l'autre, comme si des fantômes effrayants la poursuivaient de toutes parts ? (Madame de Staël, "Corinne ou l'Italie", 1807, Livre XVII, Corinne en Ecosse, Chapitre II)>>.
- <<Il la trouve dans un lieu saint, où elle fait, depuis dix ans, des exercices de piété et de vertu. Le couvent de Sainte-Pélagie est la prison où, pour parler le langage de l'Écriture, elle mange le pain de tribulation et boit l'eau de douleur. Depuis ce long espace de temps, elle lave ses fautes passées dans les larmes qu'elle a continuellement versées, comme une véritable repentie. Les parents paternels jouent ici un rôle bien odieux ; ils oublient leur propre honneur, on peut dire leur religion, pour la sacrifier à la vengeance d'une injure qui les atteint de si loin, qu'elle ne les blesse
pas ; ils se présentent à la cour sous cette face. Ce qui est le plus surprenant, c'est qu'ils n'en rougissent point : voilà tout ce qu'on dira contre eux. On a vu autrefois, devant le plus grand juge qui ait jamais paru sur la terre, des accusateurs, pleins de chaleur et d'emportement, être obligés de prendre la fuite et n'oser jeter la première pierre contre la femme adultère, quoique le Seigneur leur en eût donné le pouvoir. Vous avez souffert que le sieur Gars, qui était le seul offensé, ait jeté la première pierre contre sa femme ; ne permettez pas que ses enfants, après sa mort, lui jettent une seconde pierre, qui lui serait une blessure plus cruelle que la première. (Arsène Houssaye, "L'amour comme il est", Lévy frères, Paris, 1858)>>.
(p) Voir Lynchage. Pardon. Pierre usée. Ruse divine. Stigmatiser. Violence unanime.
(C) Support des rêves.
(a) Pour poser sa tête et dormir, le vagabond doit se contenter de "la première pierre venue".
(b) Référence littéraire :
- <<- L'endroit n'est guère agréable, dit Landry, qui ne se souciait point trop de s'attarder avec elle et qui songeait toujours aux mauvais sorts qu'on l'accusait de jeter sur ceux qui ne s'en méfiaient point.
- Tu ne trouves point l'endroit agréable, reprit-elle, parce que vous autres riches vous êtes difficiles. Il vous faut du beau gazon pour vous asseoir dehors, et vous pouvez choisir dans vos prés et dans vos jardins les plus belles places et le meilleur ombrage. Mais ceux qui n'ont rien à eux n'en demandent pas si long au bon Dieu, et ils s'accommodent de la première pierre venue pour poser leur tête. Les épines ne blessent point leurs pieds, et là où ils se trouvent, ils observent tout ce qui est joli et avenant au ciel et sur la terre. Il n'y a point de vilain endroit, Landry, pour ceux qui connaissent la vertu et la douceur de toutes les choses que Dieu a faites. Moi, je sais, sans être sorcière, à quoi sont bonnes les moindres herbes que tu écrases sous tes pieds ; et quand je sais leur usage, je les regarde et ne méprise ni leur odeur ni leur figure. Je te dis cela, Landry, pour t'enseigner tout à l'heure une autre chose qui se rapporte aux âmes chrétiennes aussi bien qu'aux fleurs des jardins et aux ronces des carrières ; c'est que l'on méprise trop souvent ce qui ne paraît ni beau ni bon, et que, par là, on se prive de ce qui est secourable et salutaire. (George Sand, "La Petite Fadette", 1849, Chapitre XVIII)>>.
(c) A l'inverse, dans un objectif de christianisation des campagnes, pour en chasser le paganisme des paysans, l'Eglise installe ses croix non pas sur la première pierre venue mais sur celles (dolmen, menhir, pierre à cupules, pierre branlante) qui ont une longue tradition de rites pré-chrétiens et que, pour cette raison, il faut récupérer ou diaboliser.
(d) Un pont du Diable est construit par le Malin, de la première pierre à la dernière, en une nuit.
Nota Bene. Les mots en gras sont tous définis sur le cédérom encyclopédique.