Actéon


Personnage de la Mythologie Grecque.


(a) Actéon, petit-fils d'Apollon, fils d'Aristée (dont la poursuite est fatale à Eurydice) et d'Autonéo, est élevé par le Centaure Chiron. Actéon est un chasseur. Sur le Cithéron, funeste à plusieurs, il a le malheur de surprendre le bain de la déesse Diane (en latin) ou Artémis (en grec).


- <<C'est là que la déesse des forêts, fatiguée de la chasse, avait coutume de répandre une rosée limpide sur son corps virginal. Dès qu'elle est entrée dans la grotte, elle confie à la nymphe qui a soin de ses armes, son javelot, son carquois et son arc détendu ; une autre reçoit sur ses bras la robe que la déesse a posée ; deux autres détachent les chaussures de ses pieds ; (Ovide, "Les Métamorphoses", Livre III)>>.


(b) Pour ce crime de lèse majesté, Actéon est transformé en cerf et dévoré par ses propres chiens. On sait que pour avoir aperçu la nudité d'Athéna, le devin Tirésias est resté aveugle.


- <<Je meurs, et les soucis qui sortent du martyre

Que me donne l'absence, et les jours et les nuits

Font tant, qu'à tous moments je ne sais que je suis,

Si j'empire du tout ou bien si je respire.

Un chagrin survenant mille chagrins m'attire,

Et me croyant aider moi-même je me nuis ;

L'infini mouvement de mes roulants ennuis

M'emporte, et je le sens, mais je ne le puis dire.

Je suis cet Actéon de ses chiens déchiré !

Et l'éclat de mon âme est si bien altéré

Qu'elle, qui me devrait faire vivre, me tue :

Deux Déesses nous ont tramé tout notre sort,

Mais pour divers sujets nous trouvons même mort,

Moi de ne la voir point, et lui de l'avoir vue.

(Jean de Sponde, "Stances et sonnets sur la mort", 1597, Poèmes profanes, Chapitre V)>>.


(c) Toujours entourée de ses nymphes de compagnie, Diane était une vierge farouche, punissant toute nymphe ayant un commerce avec un homme.


- <<A peine Actéon est-il entré dans la grotte à la source ruisselante, que les nymphes qui se trouvaient nues, à la vue d'un homme frappèrent leurs poitrines et remplirent toute la forêt environnante de leurs cris subits ; pressées autour de Diane elles la protégèrent de leurs corps ; mais Diane est plus grande qu'elles. Ainsi, Diane prit de l'eau, la jeta à la face de l'homme et aspergeant sa chevelure avec l'eau vengeresse, elle ajouta ces paroles, annonciatrices du malheur à venir : "maintenant, va raconter que tu m'as vue sans voile, si tu le peux, je te l'accorde. Et sans proférer davantage de menaces, elle fait apparaître sur la tête ruisselante d'Actéon les cornes du cerf vivace (...) Elle couvre son corps d'une peau tachetée ; elle y ajoute même une nature craintive. (Ovide, "Les Métamorphoses", livre III)>>.


(d) Divinités jalouses. Selon Diodore de Sicile (dans sa "Bibliothèque historique") et Euripide (dans "Les Bacchantes"), Actéon se serait vanté d'être plus habile qu'Artémis à la chasse.


(e) Iconographie :


- Selon Pausanias ("Description de la Grèce"), Polygnote (V ème siècle avant Jésus-Christ) a réalisé un tableau sur ce thème.


- "Cerf attaqué par des chiens" est une sculpture antique, trouvée dans "la maison des cerfs", à Herculanum.


- "Paysage avec Diane et Actéon" est un tableau de l'atelier de Joachim Patenier (vers 1480-1524)


- "Le Bain de Diane" est attribué à François Clouet.


- "Diane et Actéon" (entre 1585 et 1592) de Jacopo da Ponte (Bassano del Grappa) est visible à l'Art Institute de Chicago.


- "Diane et Actéon", vers 1559, est une huile sur toile de Titien (1477-1576), à la National Gallery d'Ecosse, à Edimbourg.


- "Actéon déchiré par les chiens", de Titien, est à la National Gallery de Londres.


- "Paysage avec Diane et Actéon" (au Palais Pitti, Gallerie Palatine, à Florence), est un tableau d'Agostino Tassi (1580-1644).


- "Actéon métamorphosé en cerf" (vers 1617) est une huile sur cuivre de Francesco Albane.


- "Diane et Actéon" est une huile sur panneau (au Louvre) de Giuseppe Cesari, dit le Cavalier d'Arpin (1568-1640).


- Dans "La chasse de Diane", de Luca Giordano (1634-1705), la déesse chasse le cerf.


- "Diane et ses nymphes au bain surprises par Actéon, effet de soleil couchant" est un tableau de Jacques Antoine Vallin (1760-après 1831).


- "Diane et Actéon" (1836, collection Robert Lehman) est un tableau Jean-Baptiste-Camille Corot (1796–1875).


- "Diane et Actéon" (1840) est un tableau de Théodore Chasseriau.


- "Diane" (1952), "Diane" (1952) et "M. de Max et Mlle Glissant dans les rôles de Diane et Actéon" (1953-1973), "Diane et Actéon" (1954), "Diane et Actéon" (1955), sont des dessins de Pierre Klossowski.


- <<Nous Fées et gentilles nayades,

Etablissons ici notre séjour :

Nous nous plaisons au bruit de ces cascades

Mais nul mortel ne nous vit en plein jour

C'est seulement lorsque Diane amoureuse

Vient se mirer au cristal des eaux

Qu'un tendre poète a cru dans une verve heureuse

Entrevoir nos attraits à travers les roseaux.

(William Shenstone, 1714-1763, poème, repris à la grotte des cascades du marquis de Girardin, à Ermenonville)>>.


- "Diane et Actéon" de Romanelli Giovanni Francesco (1610-1662) orne la voûte du plafond des appartements d'Anne d'Autriche, dans la salle des Saisons, au Louvre.


- Sculpture. "Actéon attaqué par ses chiens" est un groupe en marbre du Musée britannique.


(f) Danse.


- Le ballet "Diane et Actéon" est une chorégraphie d'Agrippina Vaganova (1935) d'après Marius Petipa, sur une musique de Eugenio Riccardo Drigo (1846-1930) sur un thème de Cesare Pugni.


- "Diane et Actéon. Pas de Deux" est un extrait du ballet "Esmeralda" créé en 1844 par Jules Perrot, sur le thème de "Notre-Dame de Paris" de Victor Hugo.


(g) Musique.


- "Diane et Actéon est un opéra de Jean-Philippe Rameau (arias : "Quand le silence et le mystère", "Fuyez, fuyez faune sauvage").


- Un autre opéra est créé par Marc-Antoine Charpentier (1643-1704) à partir d'un livret resté anonyme. Il a été enregistré par les Arts Florissants, sous la direction de William Christie, et par l'Académie de musique baroque d'Ambronay, sous la direction de Christophe Rousset..


- <<JUNON

Chasseurs, n'appelez plus qui ne peut vous entendre.

Actéon, ce héros à Thèbes adoré,

Sous la peau de ce cerf a vos yeux déchiré et par ses chiens dévorés

Chez les morts vient de descendre.

Ainsi puissent périr les mortels odieux

Dont l'insolence extrême

Blessera désormais les Dieux,

La puissance suprême.

CHŒUR DES CHASSEURS

Hélas, déesse, hélas !

De quoy fut coupable

Ce héros aymable

Pour mériter l'horreur de si cruel trépas ?

JUNON

Son infortune est mon ouvrage

Et Diane en vangeant l'outrage

Qu'il fit à ses appas

N'a que presté sa main à ma jalouse rage.

Ouy Jupiter, perfide espous,

Que ta charmante Europe au ciel prenne ma place

Sans craindre mes transports jaloux.

Mais si jusqu'à son cœur n'arrivent pas mes coups,

Actéon fut son sang et je jure à sa race

Une implacable haine, un éternel courroux.

(Marc-Antoine Charpentier, "Actéon", opéra de chasse, Scène VI)>>.


(h) Références littéraires. De 1831 à 1877, peut-être sous l'influence des tableaux de Corot et de Chasseriau, Diane et Actéon font florès dans la littérature française.


- <<Cléopâtre trempa dans l'eau son talon vermeil et descendit quelques marches ; l'onde frissonnante lui faisait une ceinture et des bracelets d'argent, et roulait en perles sur sa poitrine et ses épaules comme un collier défait ; ses grands cheveux, soulevés par l'eau, s'étendaient derrière elle comme un manteau royal ; elle était reine même au bain. Elle allait et venait, plongeait et rapportait du fond dans ses mains des poignées de poudre d'or qu'elle lançait en riant à quelqu'une de ses femmes ; d'autres fois elle se suspendait à la balustrade du bassin, cachant et découvrant ses trésors, tantôt ne laissant voir que son dos poli et lustré, tantôt se montrant entière comme la Vénus Anadyomène, et variant sans cesse les aspects de sa beauté. Tout à coup elle poussa un cri plus aigu que Diane surprise par Actéon ; elle avait vu à travers le feuillage luire une prunelle ardente, jaune et phosphorique comme un oeil de crocodile ou de lion. C'était Meïamoun qui, tapi contre terre, derrière une touffe de feuilles, plus palpitant qu'un faon dans les blés, s'enivrait du dangereux bonheur de regarder la reine dans son bain. Quoiqu'il fût courageux jusqu'à la témérité, le cri de Cléopâtre lui entra dans le coeur plus froid qu'une lame d'épée ; une sueur mortelle lui couvrit tout le corps ; ses artères sifflaient dans ses tempes avec un bruit strident, la main de fer de l'anxiété lui serrait la gorge et l'étouffait. (Théophile Gautier, "Contes fantastiques", 1831, Une nuit de Cléopâtre)>>.


- <<O célestes créatures, belles vierges frêles et diaphanes qui penchez vos yeux de pervenche et joignez vos mains de lis sur les tableaux à fond d'or des vieux maîtres allemands, saintes des vitraux, martyres des missels qui souriez si doucement au milieu des enroulements des arabesques, et qui sortez si blondes et si fraîches de la cloche des fleurs ! - ô vous, belles courtisanes couchées toutes nues dans vos cheveux sur des lits semés de roses, sous de larges rideaux pourpres, avec vos bracelets et vos colliers de grosses perles, votre éventail et vos miroirs où le couchant accroche dans l'ombre une flamboyante paillette ! - brunes filles du Titien, qui nous étalez si voluptueusement vos hanches ondoyantes, vos cuisses fermes et dures, vos ventres polis et vos reins souples et musculeux ! - antiques déesses, qui dressez votre blanc fantôme sous les ombrages du jardin ! - vous faites partie de mon sérail ; je vous ai possédées tour à tour. - Sainte Ursule, j'ai baisé tes mains sur les belles mains de Rosette ; - j'ai joué avec les noirs cheveux de la Muranèse, et jamais Rosette n'a eu tant de peine à se recoiffer ; virginale Diane, j'ai été avec toi plus qu'Actéon, et je n'ai pas été changé en cerf : c'est moi qui ai remplacé ton bel Endymion ! - Que de rivales dont on ne se défie pas, et dont on ne peut se venger ! encore ne sont-elles pas toujours peintes ou sculptées ! (Théophile Gautier, "Mademoiselle de Maupin", 1835, Chapitre III)>>.


- <<Je passai quelques jours à Cordoue. On m'avait indiqué certain manuscrit de la bibliothèque des Dominicains, où je devais trouver des renseignements intéressants sur l'antique Munda. Fort bien accueilli par les bons Pères, je passais les journées dans leur couvent, et le soir je me promenais par la ville. A Cordoue, vers le coucher du soleil, il y a quantité d'oisifs sur le quai qui borde la rive droite du Guadalquivir. Là, on respire les émanations d'une tannerie qui conserve encore l'antique renommée du pays pour la préparation des cuirs; mais, en revanche, on y jouit d'un spectacle qui a bien son mérite. Quelques minutes avant l'angélus, un grand nombre de femmes se rassemblent sur le bord du fleuve, au bas du quai, lequel est assez élevé. Pas un homme n'oserait se mêler à cette troupe. Aussitôt que l'angélus sonne, il est censé qu'il fait nuit. Au dernier coup de cloche, toutes ces femmes se déshabillent et entrent dans l'eau. Alors ce sont des cris, des rires, un tapage infernal. Du haut du quai, les hommes contemplent les baigneuses, écarquillent les yeux, et ne voient pas grand-chose. Cependant ces formes blanches et incertaines qui se dessinent sur le sombre azur du fleuve, font travailler les esprits poétiques, et, avec un peu d'imagination, il n'est pas difficile de se représenter Diane et ses nymphes au bain, sans avoir à craindre le sort d'Actéon. - On m'a dit que quelques mauvais garnements se cotisèrent certain jour, pour graisser la patte au sonneur de la cathédrale et lui faire sonner l'angélus vingt minutes avant l'heure légale. Bien qu'il fit encore grand jour, les nymphes du Guadalquivir n'hésitèrent pas, et se fiant plus à l'angélus qu'au soleil elles firent en sûreté de conscience leur toilette de bain qui est toujours des plus simples. Je n'y étais pas. De mon temps le sonneur était incorruptible, le crépuscule peu clair et un chat seulement aurait pu distinguer la plus vieille marchande d'oranges de la plus jolie grisette de Cordoue. (Prosper Mérimée, "Carmen", nouvelle, 1845, Chapitre II)>>.


- <<Albert se retourna et ses yeux rencontrèrent effectivement ceux de la baronne Danglars, qui lui fit avec son éventail un petit salut. Quant à Mlle Eugénie, ce fut à peine si ses grands yeux noirs daignèrent s'abaisser jusqu'à l'orchestre.

"En vérité, mon cher, dit Château-Renaud, je ne comprends point, à part la mésalliance, et je ne crois point que ce soit cela qui vous préoccupe beaucoup ; je ne comprends pas, dis-je, à part la mésalliance, ce que vous pouvez avoir contre Mlle Danglars ; c'est en vérité une fort belle personne.

- Fort belle, certainement, dit Albert; mais je vous avoue qu'en fait de beauté j'aimerais mieux quelque chose de plus doux, de plus suave, de plus féminin, enfin.

- Voilà bien les jeunes gens, dit Château-Renaud qui, en sa qualité d'homme de trente ans, prenait avec Morcerf des airs paternels ; ils ne sont jamais satisfaits. Comment, mon cher ! on vous trouve une fiancée bâtie sur le modèle de la Diane chasseresse et vous n'êtes pas content !

- Eh bien, justement, j'aurais mieux aimé quelque chose dans le genre de la Vénus de Milo ou de Capoue. Cette Diane chasseresse, toujours au milieu de ses nymphes, m'épouvante un peu, j'ai peur qu'elle ne me traite en Actéon." (Alexandre Dumas père, "Le Comte de Monte-Cristo", 1845, Chapitre 53, Robert le diable)>>.


- <<Et Prométhée ! Hélas ! quels bandits que ces dieux !

Personne au fond ne sait le crime de Tantale ;

Pour avoir entrevu la baigneuse fatale,

Actéon fuit dans l'ombre ; et qu'a fait Adonis ?

(Victor Hugo, "La Légende des siècles", 1877, Partie IV, Le Titan)>>.


- <<Ces orfèvres du bois sont des rustres habiles

Qui font sur une écuelle ondoyer des jardins

Et des monts où l'on voit fuir des chasses aux daims ;

Sur une vasque d'or aux anses florentines,

Des actéons cornus et chaussés de bottines

Luttent, l'épée au poing, contre des lévriers ;

(Victor Hugo, "La Légende des siècles", 1877, Partie XV, Eviradnus)>>.


(i) Lecture philosophique. Dans "Degli eroici furori" (1585), Giordano Bruno explique que le mythe d'Actéon est une métaphore de la quête de la vérité.


- <<Actéon, ayant vu Diane nue pendant son bain, est rendu aveugle et pourchassé par ses chiens. Selon Bruno, le philosophe lui aussi doit devenir aveugle et se fermer au monde pour trouver la vérité ultime en lui même, coupé des sensations corporelles. On retrouve une représentation directe de ces idées dans la célèbre "Iconologia" de Cesare Ripa, où la métaphysique est représentée par une allégorie portant un bandeau sur les yeux. Une image comparable est associée au concept d' "âme" dans les travaux de l'humaniste tchèque Comenius (Jan Amos Komensky) dans son "Orbis sensualium pictus quadrilinguis" (1658), "la peinture et nomenclature des principaux objets du monde et des principales actions de la vie", en réalité, un dictionnaire multilingue en images. Les images sont "les symboles de toutes les choses visibles du monde, auxquelles, par des moyens appropriés, ont peut aussi réduire les choses invisibles". L'âme ainsi est représentée dans certaines éditions par une tête sous un voile. (Philippe Codognet, Paris-VI, "Nature artificielle et artifice naturel", document du web)>>.


(j) Dans une optique tirée de la théorie mimétique de René Girard, celui qui dévoile les mécanismes mimétiques (comme Socrate ou comme Jésus de Nazareth) risque fort de devenir lui-même un bouc émissaire et d'en mourir. De même, montrer le conformisme au sein d'une institution ou dénoncer un scandale (whistle-blower) conduit au harcèlement moral.


(k) Le mythe d'Actéon est étudié par Salomon Reinach en 1906.


(l) Voir Clôture. Diane chasseresse. Diane de Châteaumorand. Lêtô. Parc de Versailles. Pastorale. Portrait d'Honoré d'Urfé. Sertorius. Toujours vierge. Troylus et Cressida.




* * *


Auteur.

Hubert Houdoy

Mis en ligne le Mercredi 11 Juin 2008



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