Élasticité du discours
(a) L'expression <élasticité du discours> désigne la capacité de "faire court" (condenser) ou de "faire long" (développer ou délayer) pour dire la même chose.
(b) Une définition est une parfaite illustration de l'élasticité du discours, puisque pour remplacer un seul mot, on produit une phrase ou un paragraphe. Il en est de même pour une paraphrase et une périphrase (faire une longue période pour ne pas dire "je pense à Untel").
(c) Après une longue explication sur un thème, conclure en disant, <à partir de maintenant, j'évoquerai tout cela par le mot lambda>, est une manière de gérer cette propriété fondamentale de l'élasticité (soit en expansion, soit en condensation) du discours.
(d) Citation :
- <<l'élasticité du discours est probablement (et au moins autant que ce que l'on appelle la double articulation) une des propriétés spécifiques des langues naturelles. Elle consiste dans l'aptitude du discours à mettre à plat, linéairement, des hiérarchies sémiotiques, à disposer en succession des segments discursifs relevant de niveaux très divers d'une sémiotique donnée. La production du discours se trouve ainsi caractérisée par deux sortes d'activités apparemment contradictoires : l'expansion et la condensation (Algirdas Julien Greimas, Courtès, "Dictionaire raisonné de Sémiotique", page117)>>.
(e) Un texte se contracte dans un pathème (le thème propre à une passion, à un affect) et se dilate dans des parcours figuratifs.
(f) Référence d'usage de la locution :
- <<Particulièrement nets sur le plan du signifié, les phénomènes d'élasticité du discours, observables par exemple dans les cas de paraphrase, de dénomination et de définition, ont principalement donné lieu à des considérations sur la dimension métalinguistique du discours et ses conséquences sur l'organisation interne des théories sémantiques comme hiérarchie de niveaux (cf. Greimas, Courtés, 1979, p.58). Il revient à F. Rastier d'en avoir détaillé le fonctionnement proprement textuel en termes de diffusion de formes en fonds et de sommation des fonds en formes. Sans doute ces phénomènes sont-ils d'autant plus prégnants qu'ils sont appariés sur les deux plans du signifiant et du signifié ; prenons pour exemple ce passage d' Albertine Disparue :
"Après le déjeuner quand je n'allais pas errer seul dans Venise, je me préparais pour sortir avec ma mère et pour prendre des cahiers où je prendrais des notes, relatives à un travail que je faisais sur Ruskin, je montais dans ma chambre. Au coup brusque des coudes du mur qui lui faisaient rentrer ses angles, je sentais les restrictions édictées par la mer, la parcimonie du sol. Et en descendant pour rejoindre ma mère qui m'attendait, à cette heure où à Combray il faisait si bon goûter le soleil tout proche dans l'obscurité conservée par les volets clos, ici du haut en bas de l'escalier de marbre dont on ne savait pas plus que dans une peinture de la Renaissance s'il était dressé dans un palais ou sur une galère, la même fraîcheur et le même sentiment de la splendeur du dehors étaient donnés grâce au velum qui se mouvait devant les fenêtres perpétuellement ouvertes, et par lesquelles dans un incessant courant d'air l'ombre tiède et le soleil verdâtre filaient comme sur une surface flottante et évoquaient le voisinage mobile, l'illumination, la miroitante instabilité du flot".
Le constituant final «miroitante instabilité du flot» lexicalise de façon compacte
et structurée les sèmes /lumineux/, /intermittence/ et /liquide/, présents de manière diffuse dans la période. Cette lexicalisation compacte est progressive puisque "voisinage mobile" et "illumination" densifient les isotopies et amorcent la sommation de la forme. (Régis Missire, "Rythmes sémantiques et temporalité des parcours interprétatifs", document du web)>>.
(g) Voir A partir d'un mot. Définition.
Nota Bene. Les mots en gras sont tous définis sur le cédérom encyclopédique.