Définition


(a) Donner une définition est un double exercice d'élasticité du discours :


- extension : du terme vers la définition ;


- rétraction : de la définition vers le terme.


- <<Identifiée à la paraphrase, la définition correspond à une opération métalinguistique (ou son résultat) qui va soit d'un terme à sa définition (en expansion), soit d'un syntagme (ou d'une unité textuelle) à sa dénomination : ce mouvement, à double sens, est lié à l'activité du langage qui joue sur l'élasticité du discours grâce au rapport expansion / condensation (Greimas, Courtès, "Dictionnaire raisonné de Sémiotique", page 85)>>.


(b) Les définitions du Réseau d'Activités à Distance, sur le web d'Internet (http://rad2000.free.fr/glosalph.htm) ou sur le cédérom encyclopédique, sont surtout des outils de travail, des recueils d'idées, de thèmes et de citations. Leur but n'est pas celui d'une définition normalisatrice. Leur mise en forme, la plus sobre possible, entend faciliter (au plus au point) le copier-coller.


(c) Une définition ne prétend pas fonder un objet ex nihilo. Son but est de savoir, en gros, de quoi l'on parle, surtout si le mot a plusieurs acceptions. En Physique, une grandeur fait l'objet d'une mesure, d'une définition, reçoit un nom et une signification, mais elle est aussi en relation avec un événement du monde des sens et avec d'autres grandeurs du monde de la physique. Tous ces éléments jouent leur rôle, même si l'importance qu'on leur accorde varie avec le temps et les écoles (axiomaticien, positiviste, intuitionniste, métaphysicien).


(d) Certains mathématiciens, comme Benoît Mandelbrot, ont renoncé à l'idée de définir les objets sur lesquels ils travaillent.


- <<Le géomètre le plus expert ne saurait définir l'espace ; mais des hommes qui ont étudié, si peu que ce soit, à la Géométrie peuvent, entre eux, parler de l'espace sans crainte de ne point s'entendre ; ils savent tous ce qu'on peut affirmer de l'espace et ce qu'on en peut nier ; ils y conçoivent tous de la même manière des points, des lignes, des surfaces ; ils accordent tous que par deux points quelconques, on peut faire passer une ligne droite qui n'est bornée ni dans un sens ni dans l'autre ; ils savent aussi qu'il n'est pas de limite inférieure à la petitesse du segment que deux points peuvent marquer sur une telle ligne. Il en est du temps comme de l'espace. On demandait à Lagrange une définition du temps. «Savez-vous ce que c'est ?» répondit-il à son interlocuteur ; «si oui, parlons-en ; si non, n'en parlons pas.» Tous les géomètres donc savent ce que c'est que le temps, car ils en parlent ; ils considèrent tous des instants successifs ou simultanés, des durées égales ou inégales. L'union de la notion d'espace avec la notion de temps leur permet, d'ailleurs, de raisonner du mouvement. Dans l'espace, ils conçoivent des points, des lignes, des figures qui demeurent immobiles ou qui se meuvent, qui demeurent invariables de forme ou qui se déforment. Aussi longtemps, donc, que les géomètres suivent le conseil de Pascal, qu'ils discourent de l'espace, du temps et du mouvement sans essayer de les définir, ils s'entendent parfaitement entre eux. Le désaccord survient, et quel désaccord ! lorsque les hommes veulent philosopher sur ces choses, lorsqu'ils prétendent dire quelle en est la nature et quelle en est la réalité. Deux grands courants se dessinent alors en la pensée des philosophes. Les uns admettent que le temps et le mouvement dont les géomètres discourent n'existent point hors de notre raison ; soit qu'ils les regardent comme des idées abstraites que la raison a tirées des perceptions, soit qu'ils les considèrent comme des formes préexistant en la raison et par lesquelles elle impose un ordre aux perceptions. (Pierre Duhem, "Le Système du monde. Histoire des doctrines cosmologiques de Platon à Copernic", Hermann, Paris, Partie I, La cosmologie hellénique, Chapitre II, La cosmologie de Platon)>>.


- <<Est-ce bien utile de poser les problèmes fondamentaux ? Personne ne sait y répondre. Les physiciens ne savent pas ce qu'est la matière. Les biologistes ne savent pas ce qu'est la vie. Les mathématiciens ne savent pas définir le chiffre 1. Pourquoi veut-on que les psychiatres sachent ce qu'est la folie ? (Boris Cyrulnik, "Mémoire de singe et paroles d'homme", page 59)>>.


(e) Nominalisme ou réalisme ? En effet, une définition ne peut être purement théorique, comme l'illustrent la crise des fondement et le théorème de Gödel, dans un domaine qui n'est pourtant, en théorie, constitué que d'idéalités. Si abstraits que soient les "objets" des Mathématiques, ils sont le résultat d'une abstraction sur une expérience concrète préalable, plus ou moins lointaine.


(f) Cercle définitionnel. Bardolphe, compagnon d'arme et de beuverie de Falstaff, emploie le mot <accommodé> dans la définition qu'il cherche à en donner :


- <<BARDOLPHE. — Monsieur, mon capitaine se recommande à vous : mon capitaine, sir John Falstaff ; un gentilhomme de belle mine, par le ciel, et un fort vaillant officier.

SHALLOW. — Il m'honore grandement, monsieur ; je l'ai connu excellent homme d'épée ! Comment va le bon chevalier ? puis-je demander comment va madame son épouse ?

BARDOLPHE. — Monsieur, pardon ; un soldat est mieux accommodé quand il n'a pas d'épouse.

SHALLOW. — Ma foi, monsieur, voilà qui est bien dit ; et voilà qui est vraiment bien dit. Mieux accommodé ! c'est excellent ; oui, vraiment : les bonnes phrases sont certainement et ont toujours été fort recommandables.

Accommodé ! Cela vient d'accommodo : très bon ; bonne phrase !

BARDOLPHE. — Pardon, monsieur ; j'ai ouï dire ce mot-là. Vous appelez ça une phrase ! Jour de Dieu ! je ne connais pas la phrase ; mais je soutiendrai, l'épée à la main, que le mot est un mot soldatesque, et un mot d'excellente autorité. Accommodé ! c'est-à-dire quand un homme est ce qu'on appelle accommodé, ou quand il est... dans un état... où il peut être considéré comme accommodé ; ce qui est une excellente chose.

("Henry IV", Partie II, Acte IV, Scène III, in "Théâtre complet", William Shakespeare, traduction de François-Victor Hugo, Garnier, Paris, 1961, tome II, page 310)>>.


(g) L'intérêt de l'acte de définir dépasse la valeur d'usage obtenue avec une définition.


- <<L'ÉTRANGER.

C'est que, Socrate, ce que beaucoup d'habiles hommes déclarent, avec la persuasion d'énoncer une sage maxime, à savoir, que l'art de mesurer s'étend à tout ce qui devient dans l'univers, oui, cela est précisément ce que nous disons maintenant. Tous les ouvrages de l'art en effet participent en quelque manière de la mesure. Mais parce que ceux qui divisent n'ont pas l'habitude de procéder par la considération des espèces, ils se hâtent de réunir ensemble les choses les plus diverses, les jugeant semblables, et, par une erreur contraire, ils distinguent en plusieurs parties des choses qui ne diffèrent pas. Pour bien faire, il faudrait, quand on a reconnu dans une multitude d'objets des caractères communs, s'y arrêter jusqu'à ce qu'on ait aperçu sous cette ressemblance toutes les différences qui se rencontrent dans les espèces ; et il faudrait, quand on a constaté des dissemblances de toute sorte dans une multitude, n'en pouvoir pas détourner les regards avant d'avoir rassemblé tous les objets de même famille sous une ressemblance unique, et de les avoir enfermés dans l'essence d'un genre. Mais en voilà assez sur ces choses, comme aussi sur le défaut et l'excès. Prenons garde seulement que nous avons trouvé deux espèces de l'art de mesurer, et souvenons-nous de ce que nous en avons dit.

LE JEUNE SOCRATE.

Nous nous en souviendrons.

L'ÉTRANGER.

A ces réflexions, ajoutons-en une dernière sur l'objet de nos recherches, et généralement sur ce qui a lieu dans toutes les discussions analogues.

LE JEUNE SOCRATE.

Quoi donc ?

L'ÉTRANGER.

Si quelqu'un, au sujet des enfants qui se réunissent pour apprendre leurs lettres, nous demandait : lorsqu'on interroge l'un d'eux sur les lettres dont se compose un mot, n'a-t-il eu d'autre but en étudiant que de pouvoir satisfaire à cette question, ou a-t-il voulu se rendre capable de résoudre toutes les questions analogues ? que répondrions-nous ?

LE JEUNE SOCRATE.

Qu'il a évidemment voulu se rendre capable de résoudre toutes les questions analogues.

L'ÉTRANGER.

Mais quoi ? cette recherche sur le politique, nous y livrons-nous seulement pour apprendre quel est le politique, ou pour devenir plus habiles dialecticiens sur toutes choses ?

LE JEUNE SOCRATE.

C'est encore évidemment pour devenir plus habiles dialecticiens sur toutes choses.

L'ÉTRANGER.

Assurément, il n'est pas un homme sensé qui voulût rechercher la définition de l'art du tisserand pour elle-même. Mais ce qui, selon moi, échappe à la multitude, c'est que pour certaines choses facilement accessibles, il existe des images sensibles qu'il est commode de présenter à celui qui demande compte d'une chose, lorsqu'on veut la lui faire connaître sans travail ni recherche, comme aussi sans le secours du raisonnement ; tandis que, au contraire, pour les choses très grandes et très relevées, il n'est pas de simulacre qui porte l'évidence dans l'esprit des hommes, et qu'il suffise de montrer à celui qui interroge et auquel on veut répondre, pour le satisfaire, en parlant à tel ou tel de ses sens. C'est pourquoi il nous faut travailler à nous rendre capables d'expliquer et de comprendre chaque chose par le seul raisonnement. Car les choses incorporelles, les plus belles et les plus grandes qu'il y ait, c'est par le seul raisonnement, et par nul autre procédé, qu'on les peut clairement concevoir, et c'est à elles que se rapporte tout ce que nous disons ici. Mais en tout, il est plus aisé de s'exercer sur de petites choses que sur de grandes.

LE JEUNE SOCRATE.

Très bien parlé.

(Platon, "Le Politique", traduction Dacier et Grou, 1885)>>.


(h) Il n'est pas toujours possible de donner une définition d'un terme, même d'usage courant.


- <<Si personne me le demande, je le sais bien, mais si on me le demande, et que j'entreprenne de l'expliquer, je trouve que je l'ignore (Saint Augustin, "Les Confessions", Livre XI, à propos du temps)>>.


(i) Pourtant, depuis la théorie de la Relativité et dans l'optique d'une grande unification avec la Physique Quantique, les physiciens se doivent maintenant de donner des définitions cohérentes du temps et de l'espace (est-ce l'Univers ou l'espace qui est en expansion ?).


(j) Va comprendre Charles ! Comment s'y retrouver si les définitions "de base" changent tout le temps !


- En 1791 : "le mètre est la dix millionième partie du quart du méridien terrestre" ;


- En1867 : "le mètre est la longueur, à 0° Celsius, du prototype international en platine iridié" ;


- En 1962 : "le mètre est la longueur égale à 1 650 763,73 longueurs d'onde, dans le vide, de la radiation correspondant à la transition entre le niveau 2p10 et 5d5 de l'atome de krypton 86" ;


- En 1983 : "le mètre est la longueur du trajet parcouru, dans le vide, par la lumière pendant une durée de 1/299 792 458 de seconde".


(k) Voir A partir d'un mot. Définitions juridiques. Définition du travail. Définition fonctionnelle d'un produit de formation. Définition récursive. Synonyme. Terme propre. Toponyme.


(l) Lire "Economie Temps". "Souris Hommes".


(m) Où trouver les nouveautés du site : Quid novi.


Nota Bene. Les mots en gras sont tous définis sur le cédérom encyclopédique.


Mise à jour des liens hypertextuels le Samedi 12 Juillet 2008.