Acception


Nom féminin.


(a) Il s'agit des acceptions d'un mot ou d'une locution, c'est-à-dire du "sens que l'on donne à un mot" ou du "sens que l'on donne à une locution".


(b) L'usage du terme <acception> pour des personnes (attesté au début du XIII ème siècle) s'est progressivement perdu.


(c) L'usage du terme à propos des mots (c'est-à-dire en grammaire) est apparu au XVII ème siècle.


(d) Premier constat. Il apparaît ainsi que le mot <acception> ne fait pas exception à la règle qui veut qu'un mot ait, le plus souvent, plusieurs acceptions ou significations selon le contexte.


(e) Première leçon à tirer. Le mot <acception> n'est pas le mot à apprendre en premier dans sa langue maternelle !


(f) Etymon et évolution. Dérivé du verbe <accepter>, le nom <acception> (terme du début du XIII ème siècle) désigne une signification particulière ou un sens particulier de ce mot. Son usage dans ce sens-là est admis ou "accepté" par ces messieurs de l'Académie française et par chacun d'entre nous.


(g) C'est un peu pareil et c'est pas complètement pareil ! Le mot <acception> doit être distingué du mot <acceptation>. Pourtant, une acception est le sens avec lequel nous acceptons la lecture ou l'audition d'un mot. Si un mot est utilisé, c'est qu'il est accepté, avec son sens, sinon il disparaît ou change de sens. <Acception> et <acceptation> dérivent du même verbe français <accepter> et/ou du verbe latin <accipere>.


(h) La preuve ! Depuis l'ouvrage "Les Sept Sages de Rome" (début du XIII ème siècle) jusqu'au XVII ème siècle, le mot acception signifiait "action d'accepter".


(i) Etymologie. Le verbe <accepter> dérive du latin <accepto, as, avi, atum, acceptare>, "recevoir habituellement", "recevoir régulièrement", qui dérive lui-même du verbe <accipio, is, cepi, ceptum, accipere> signifiant "recevoir", prendre", "accepter", "accueillir", "traiter (bien ou mal)", "percevoir", "éprouver", "comprendre", "prendre (bien ou mal)", "apprendre", "entendre dire", "bien accueillir", "approuver", "admettre", "se charger de", "entreprendre".


- Le mot <acceptation> dérive du nom latin féminin <acceptatio, onis> qui a le même sens.


- Le mot <acception> dérive du nom latin féminin <acceptio, onis> signifiant "action de recevoir", "réception", "acceptation", "proposition acceptée par le contradicteur", "admission", "sens attribué à un mot", "interprétation", "acception", "estimation", "acception de personne", "préférence".


(j) Un seul mot, plusieurs acceptions ! Par exemple, le mot <mesure> n'a pas le même sens dans les expressions <être en mesure de> et <dans la mesure où>. On dit alors que le mot <mesure> a plusieurs acceptions. C'est souvent le cas dans les expressions toutes faites.


(k) Une illustration peut être donnée pour la locution <croyance collective>.


- Dans un certain contexte, la locution est synonyme de "croyance commune" ou de "croyance partagée".


- Dans un autre contexte, elle désigne l'émergence, quasi-magique, de ce qui pourrait être "la croyance du groupe" ou "la croyance du marché". On parle alors de croyance sociale.


- <<Par ailleurs, on a montré que la notion de croyances collectives renvoyait à deux réalités qu'il est bon de distinguer. Dans son acception la plus simple et la plus directe, il s'agit simplement du fait qu'une même croyance se trouve partagée par un ensemble d'individus. On peut ici être plus ou moins restrictif eu égard au nombre d'acteurs considérés et eu égard au degré des croyances partagées. La forme la plus absolue étant le savoir commun pour tous les individus du groupe considéré. C'est souvent ce cas que l'on a considéré dans le présent texte mais, en fonction des contextes étudiés, il est loisible de l'affaiblir tout en conservant la même notion de croyance collective. Il est cependant une deuxième acception de la croyance collective qui rapporte le qualificatif «collectif» non pas au nombre d'individus qui partagent cette croyance mais à l'entité dont on examine la croyance. C'est le cas par exemple lorsqu'on dit : «le marché croit à la baisse». On impute une croyance à une entité collective qui stricto sensu ne saurait croire à quoi que ce soit. Le point essentiel de notre discussion a été de démontrer que, dans certains contextes

d'interaction, la croyance attribuée à une entité collective pouvait s'autonomiser pour se différencier de la croyance des membres de cette entité. Cette capacité à imputer des croyances et des représentations à des entités est un phénomène important qui intervient dans de nombreux contextes économiques et qui, de ce fait, mérite d'occuper une place importante dans le programme de l'économie cognitive. Avec la notion de «saillance à la Schelling», on dispose d'une première approche pour en penser l'émergence qu'il s'agit d'approfondir. (André Orléan, "Les croyances et représentations collectives en économie", in "Économie cognitive", sous la direction de Bernard Walliser, éditions Ophrys et Maison des Sciences de l'Homme)>>.


(l) On peut parler d'une acception figurée, d'une acception dérivée, voire d'une acception métaphorique ou métonymique.


(m) Le théâtre, en particulier celui de Molière et de Shakespeare, utilise des erreurs dans l'acception des mots. Ainsi pour <décroître>, <antipathie>, <dissolu> et <dissolument>, dans "Les Joyeuses commère de Windsor".


- << SLENDER. - Je suis prêt à l'épouser, monsieur, à votre requête. Mais si l'amour n'est pas grand au commencement, le ciel pourra le faire décroître après une plus ample accointance, quand nous serons mariés et que nous aurons eu occasion de nous mieux connaître. J'espère qu'avec la familiarité grandira l'antipathie. Mais si vous me dites : "Epousez-la", je l'épouse ; s'y suis très dissolu, et fort dissolument.

EVANS. - Voilà une réponse fort sage ; sauf la faute dans le mot dissolument : selon l'acception reçue, c'est résolument qu'il faut dire... Son intention est bonne. (William Shakespeare, "Les Joyeuses commère de Windsor", Acte I, Scène I)>>.


(n) Shakespeare utilise ces erreurs comme des lapsus ("freudiens" avant la lettre). Ils expriment souvent un contenu latent, sous une convention littéraire manifeste. Ainsi, quand Mistress Quickly emploie le mot <spécieusement> pour signifier "spécialement".


(o) Deux acceptions du mot <yeux> sous la plume de Jean-Jacques Rousseau, lorsqu'il exprime sa solidarité envers la marquise du Deffand qui perd la vue.


- <<J'avais d'abord commencé par m'intéresser fort à Mme du Deffand, que la perte de ses yeux faisait aux miens un objet de commisération. (Jean-Jacques Rousseau, "Les Confessions", 1782, Livre XI)>>.


(p) Un humoriste comme Raymond Devos se fait un plaisir (et génère le nôtre) de jouer avec les acceptions multiples des mots ou des locutions (<Prenez la porte>).


(q) Voir A partir d'un mot. Comme il vous plaira. Métaphore. Métonymie. Théâtre dans le théâtre.


Nota Bene. Les mots en gras sont tous définis sur le cédérom encyclopédique.