Emergence


(a) L'émergence désigne "l'apparition de quelque chose de nouveau".


(b) On parlera de l'émergence du langage en un point, à préciser, du processus d'hominisation.


(c) Dans le cas de l'émergence d'un concept, on parle d'invention. Mais le phénomène pourrait-être identique.


(d) Idem pour le complexe d'Oedipe. Quelles sont les conditions historiques de son émergence ? A moins que le péché originel n'en soit déjà une manifestation. Adam aurait désobéi à Dieu par l'effet d'une haine inconsciente pour Le Créateur. Mais de quelle mère cet Oedipe avant l'heure était-il amoureux ? Il faudrait au moins attendre Caïn pour cela ! Reste-à-savoir pourquoi c'est Abel qu'il tue ! Tout ça n'est pas si simple.


(e) Phénomène d'émergence. Une tendance actuelle, dans diverses sciences, consiste à lier l'émergence à un certain seuil de complexité.


- <<De nos jours on discute beaucoup à propos d'un phénomène d'émergence. C'est l'idée que quand un système atteint un certain niveau de complexité "quelque chose de nouveau apparaît". Cette idée est évidemment très difficile à illustrer. Mais Damour le fait en évoquant le concept de température (la mesure de l'énergie cinétique moyenne d'agitation thermique de constituants). Ce concept, par exemple pour un gaz, ne vaut que si on a un nombre suffisant de molécules. Si on est face à une, deux, cinq molécules on ne peut parler que des énergies cinétiques individuelles de celles-ci, qui peuvent changer si ces molécules peuvent entrer en collision. Confronté à un milliard de molécules ont peut faire apparaître des quantités macroscopiques comme la densité, la température, etc... Le passage au macroscopique correspond à la manifestation d'un phénomène d'émergence. Il en est de même en psychologie. Trois personnes forment un ensemble d'individus. Cent mille constituent "une société". (Site de Jean-Pierre Petit, analyse de l'ouvrage de Thibault Damour et Jean-Claude Carrière, "Entretiens sur la multitude du monde", paru en sept 2002 chez Odile Jacob, document du web)>>.


(f) Référence d'usage du terme :


- <<Quelles sont les raisons de l'émergence du pronétariat et du rassemblement de personnes et de talents aussi différents ? Certainement l'arrivée de nouvelles technologies typiques de la culture Internet venant à la rencontre de l'aspiration profonde d'une partie de la société à des formes d'organisation plus participatives. Un besoin de participation lié à des facteurs positifs (comme l'augmentation du niveau culturel global), mais aussi négatifs (comme la crise de la démocratie représentative). Des applications d'abord isolées et seulement utilisées par des «fanas» et des spécialistes vont ensuite «interagir» pour s'étendre à des secteurs incontournables. À la manière de petites gouttes de mercure sur une surface plane : elles roulent et s'interpénètrent jusqu'à ne plus former qu'une seule bille. C'est à ce phénomène planétaire que nous assistons aujourd'hui, à un rythme accéléré, et il nécessite une analyse ainsi qu'une prise de conscience de la part des responsables industriels, politiques et universitaires. (Joël de Rosnay, "La révolte du pronétariat", Fayard, 2006, Introduction)>>.


(g) Un exemple biologique de l'émergence.


- <<La biologie moléculaire découvrait ainsi l'omniprésence dans le métabolisme de ces réactions en boucle, de ces mécanismes d'autocatalyse, d'auto-inhibition, de l'ensemble des réactions non linéaires qui constituent la condition de possibilité de l'instabilité chimique loin de l'équilibre. Prenons l'exemple de la glycolyse, la chaîne de réactions métaboliques au cours de laquelle le glucose est dégradé alors qu'est synthétisée une substance riche en énergie, l'ATP (Adénosine triphosphate), laquelle constitue un véritable réservoir d'énergie pour les cellules vivantes. Pour chaque molécule de glucose dégradée, deux liaisons phosphate, riches en énergie, sont créées (et seront détruites en cas de besoin d'énergie) : deux molécules d'ADP (Adénosine diphosphate) sont transformées en deux molécules d'ATP. L'étude de la glycolyse constitue un cas exemplaire de la complémentarité de l'approche analytique de la biologie et de l'étude de stabilité que réalise la thermodynamique. L'étude biochimique avait en effet mis en évidence l'existence d'oscillations temporelles dans les concentrations métaboliques, et la responsabilité de la glycolyse dans la production de ce comportement périodique. Plus précisément encore, on savait que l'oscillation était déterminée par une étape clef de la chaîne de réactions, étape qu'active l'enzyme phospho-fructokinase. Cette enzyme est activée par l'ADP, inhibée par l'ATP. Il s'agit là d'un phénomène non linéaire typique, parfaitement adapté aux exigences d'un fonctionnement métabolique efficace. En effet, chaque fois que la cellule a recours à ses réservoirs d'énergie, elle exploite les liaisons phosphate, de l'ATP est converti en ADP. L'accumulation d'ADP dans la cellule signifie donc une consommation intense d'énergie, et la nécessité de reconstituer les stocks ; celle d'ATP implique au contraire que la vitesse de dégradation de glucose peut diminuer. L'étude mathématique montre, quant à elle, que la cinétique chimique qui décrit cette étape est susceptible d'engendrer un phénomène d'oscillation ; les valeurs des concentrations chimiques comme la période du cycle, telles qu'elles ont été calculées théoriquement, sont compatibles avec les données expérimentales. L'oscillation glycolytique détermine une modulation de l'ensemble des processus énergétiques de la cellule qui dépendent de la concentration en ATP, et donc, indirectement, de nombreuses autres chaînes métaboliques. Il s'agit là d'une régulation proprement macroscopique, rendue possible par les régulations microscopiques mais qualitativement nouvelle par rapport à elles : le global n'est pas, comme tel, directement déductible de ses parties analysées. Cependant, contrairement à la plupart des doctrines de l'émergence qui, comme nous le faisons, soulignaient la nouveauté qualitative du tout par rapport aux parties, cette «émergence» d'un comportement supermoléculaire ne transcende en rien les méthodes de la science quantitative. (Ilya Prigogine et Isabelle Stengers, "La Nouvelle alliance. Métamorphose de la science", Gallimard, Paris, 1979, pages 160-161)>>.


(h) Sur les marchés financiers ou à la Bourse, à partir des croyances individuelles des opérateurs sur l'évolution future des fondamentaux, émerge un prix du marché qui doit être analysé comme une croyance sociale. Ce processus d'émergence peut faire l'objet d'expériences.


- <<Une autre manière d'aborder l'analyse du processus autoréférentiel est de passer par

l'économie expérimentale pour en tirer des conclusions générales quant au comportement des

acteurs. C'est ce qu'ont fait Mehta et alii. Leur point de départ est la formalisation du concours de beauté keynésien, à savoir un jeu de pure coordination : chaque joueur a le choix entre n options et l'utilité qu'il obtient est strictement proportionnelle au nombre de joueurs ayant choisi cette même option. Le jeu consiste donc pour chaque joueur à deviner ce que la majorité va choisir. De façon à pouvoir interpréter les résultats obtenus, les expérimentalistes commencent par demander à un échantillon du groupe considéré de déterminer son choix, hors de toute situation de coordination. De cette façon, les croyances primaires des joueurs sont connues et les résultats en situation de coordination peuvent être comparées à celles-ci. Le résultat central de l'étude expérimentale est le constat d'une forte convergence des choix individuels sur une même option, variant entre 45% et 65% du groupe selon les jeux proposés, alors même que le nombre n des options possibles peut être très grand, voire infini. Or, ce choix qui émerge n'est ni une croyance primaire, ni une croyance secondaire. Pour expliquer cette émergence sui generis d'un choix particulier, les auteurs parlent d'une «saillance à la Schelling» par référence aux travaux de cet auteur. Ce qui fait l'intérêt de cette analyse portant sur les processus autoréférentiels par rapport à l'étude précédente est la nature spécifique de la croyance collective qui émerge. (André Orléan, "Les croyances et représentations collectives en économie", in "Économie cognitive", sous la direction de Bernard Walliser, éditions Ophrys et Maison des Sciences de l'Homme)>>.


(i) Emergence et évolution des espèces végétales par endosymbiose.


- <<Pour bien faire comprendre la naissance et l'indépendance de chaque phylum, nous n'aurions pu mieux trouver que l'exemple de l'alphabet utilisé par l'astrophysicien Hubert Reeves dans son ouvrage « Il est temps de s'enivrer ». Notre alphabet est constitué d'unités élémentaires, les lettres. Portons notre choix sur quatre d'entre elles : O, N, R, D. Aucune n'a de sens par elle-même. Mais, si nous les plaçons dans un ordre donné : N, O, R, D, elles donnent naissance à un mot ayant un sens bien particulier et unique. Or, ni N, ni O, ni R, ni D ne peuvent prétendre être «ancêtres» du mot NORD car N seul, R seul, O seul ou D seul ne contiennent pas en germe le sens «NORD». De leur association dans un ordre particulier est né un sens entièrement nouveau ; de la même façon les cellules ancestrales des phylums ont surgi de combinaisons entre bactéries (unités élémentaires) différentes.Notons que si nous avions placé les mêmes unités O, N, R, D, dans l'ordre R, O, N, D, nous aurions obtenu un autre sens (ROND) sans aucune liaison (ou parenté) avec NORD bien que formé des même unités élémentaires. De la même manière, tout en étant constitués par l'association d'unités assez semblables (bactéries), les phylums de végétaux chlorophylliens représentent chacun un groupe unique et sans parenté avec les autres. (René Pérez, Ifremer, "Ces algues qui nous entourent. Conception actuelle, rôle dans la biosphère, utilisations, culture, document du web, Archimer)>>.


(j) Voir Comète. Emergence du mythe. Instance. Instances psychiques. Psychanalyse historique.


(k) Lire "Economie Temps". "Economie Crédit". "Réseaux Nomades". "Souris Hommes".