Expression toute faite


(a) Une expression toute faite (comme <pauvre hère>, <verser des torrents de larmes>, <il ne lui manque que la parole>, <ils se ressemblent comme deux gouttes d'eau>, <plaider pour sa paroisse>, <rien de nouveau sous le soleil>, <un brouillard à couper au couteau>, <l'homme du monde>) est une construction grammaticale ou un groupe de mots dont les termes sont souvent combinés. Par exemple le mot <hère> n'est plus guère employé que dans la locution <pauvre hère>. De même, du fait de la prégnance de la citation homérique, on imagine mal la formule <aux doigts de dahlia> associée à Aurore.


(b) Pour un étranger, le sens d'une expression toute faite peut être mystérieux, car il arrive qu'il ne soit pas contenu dans la somme des significations courantes des mots présents. Même pour un <cheval de Troie>, le sens est impossible à saisir pour qui ne connaît pas la ruse d'Ulysse, le discours mensonger tenu par Sinon aux Troyens et le funeste destin de ceux-ci, malgré les prédictions de Cassandre et la résistance de Laocoon ?


(c) Une expression toute faite exprime parfois un préjugé, c'est-à-dire une opinion toute faite :


- <<C'est souvent après qu'on ait livré un début de confession, croyant être dans une relation de confiance avec son interlocuteur. L'expression toute faite tombe comme la lame de la guillotine : «Oui, mais aussi, il faut un peu prendre sur toi !» C'est la phrase la plus terrible qui soit, celle qui engendre le pire sentiment de culpabilité que l'on puisse éprouver, qui donne l'impression d'être un parfait incapable : je veux bien prendre quelque chose, à la rigueur, mais où ? Si je suis dans cet état-là, c'est justement après avoir cherché partout comment en sortir, après m'être débattu, après avoir essayé de m'agripper à la falaise... Sur moi ? Et où donc sur moi ? Dans quelle partie reculée et inexplorée de mon cerveau ? Où dois-je me racler, où dois-je me presser pour extraire ce précieux élixir ? Bon Dieu ! Que dois-je prendre sur moi à la fin ? C'est pour ça que, maintenant, je réponds toujours que ça va. Bien sûr, certaines fois, les gens ne sont pas dupes. Tant pis pour moi. Tant mieux pour eux. (Pierre d'écriture, "Miniature toute faite", document du web)>>.


(d) Grammaire. Une expression toute faite a sa propre règle de pluriel :


- On dit des meurt-de-faim, bien qu'ils meurent de faim ;


- des pince-sans-rire ;


- des coq-à-l'âne ;


- des pur sang.


(e) D'un point de vue stylistique, une expression toute faite est un cliché ou un stéréotype.


(f) Traduction. Une expression toute faite comme <être très à cheval sur> ne peut recevoir une traduction terme à terme. A une expression toute faite correspond parfois une autre locution, sans aucun lien littéral :


- Au français <il tombe des hallebardes>, voire à <il pleut à seaux> ou à <il pleut comme vache qui pisse>, correspond l'anglais <it rains cats and dogs>.


- <Appeler un chat un chat> donnera, dans la langue de Shakespeare, "appeler une pelle une pelle", <to call a spade a spade>.


- <Il a cassé sa pipe>, pour "il est mort brutalement", deviendra <He kicked the bucket> soit "il a cogné le seau avec son pied".


(g) Une expression toute faite propre à une région est parfois nommée parlure ou régionalisme.


(h) Voir A partir d'un mot. Avances. Avoir ville gagnée. Au fur et à mesure. Dans la mesure où. Etre en mesure de. Le dindon de la farce. Plaider pour sa paroisse. Sans coup férir. Tournure de langage. Très à cheval. Vérités des individus.


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