Etymon


(a) Un étymon est un mot qui constitue l'origine d'un autre mot et qui indique son étymologie (le point de départ connu de son histoire, de son évolution). Les étymons connus sont relatifs. Les étymons absolus semblent définitivement perdus.


(b) Un étymon (stricto sensu) subit des évolutions, depuis sa forme ancienne, pour arriver à la forme actuelle.


- <<On considère que les mots d'une langue peuvent, d'un point de vue diachronique, avoir principalement trois origines : 1. ce sont des mots hérités d'un état plus ancien de la même langue ou d'une langue-mère, mots qui ont donc subi les processus d'évolution phonétique ; le terme ancien à l'origine du mot nouveau est nommé étymon. (Wikipédia)>>.


(c) Néologisme. Quand un terme scientifique est fabriqué à partir de mots grecs, ces mots ne sont pas véritablement des étymons, car ils n'ont pas évolué, jour après jour, vers le nouveau mot. On parle d'un mot emprunté à une autre langue.


(d) Ces deux processus pouvent se combiner. Par des voies différentes, le même mot antique peut donner deux termes actuels, dont les significations peuvent être différentes voire contraires.


- Le nom latin féminin <potio, potionis> signifie "boisson", "breuvage", "poison", "potion médicale", "breuvage", "potion magique". Il a donc un sens positif et un sens négatif.


- Par une longue évolution, <potio, potionis> a donné le mot <poison> (au sens négatif) dans la langue populaire. Il est attesté dans un écrit, les "Gloses de Raschi", à la fin du XI ème siècle. En 1130, dans "Eneas", il signifie "breuvage empoisonné", sens péjoratif qu'il a gardé.


- Par la création d'un néologisme savant, le même <potio, potionis> a donné le mot <potion>, dans le vocabulaire médical. Il est attesté à la fin du XII ème siècle, dans les "Dialogues Grégoire", avec le sens de "breuvage". Il est confirmé dans son sens positif en 1549, quand il passe définitivement dans le vocabulaire médical.


(e) Etymologie. Le mot français <étymon> a droit a son étymologie et à son étymon, comme tout le monde. Le mot grec ancien <étumos> signifie "véritable".


(f) Références d'usage du terme :


- <<Pour faire une étymologie scientifique de tel mot français, en cherchant son étymon, un étymologiste doit tenir compte de facteurs aussi bien linguistiques (phonétiques, morphologiques, morphosyntaxiques, sémantiques) qu'extra-linguistiques (relations du mot avec la chose et celles de l'homme avec la langue) (Site Modyco, article "Etymologie")>>.


- <<Il existe deux conceptions de l'étymologie : la plus ancienne et la plus répandue est celle qui raconte l'histoire d'un mot comme un géographe relierait l'embouchure d'une rivière à sa source, dans le genre : le mot maure vient du latin maurus «habitant de la Mauritanie , qui a pris en latin populaire le sens de «brun foncé» ou amour de latin amor. La plupart des dictionnaires courants s'arrêtent là. Dans un grand dictionnaire comme le TLF on trouvera un paragraphe "Étymologie et historique" dans lequel le développement des différentes significations est daté et expliqué. Ce qui manque ce sont les significations qui n'existent plus en français moderne, comme par exemple à la franche marguerite "sans détours" ainsi que toutes les formes et tous les sens que l'étymon a pris en galloroman ou ailleurs. L'autre conception est celle de Walther van Wartburg telle qu'il l'a développée et appliquée dans le FEW. Le point de départ est pour lui l'étymon. Les langues romanes ont le grand avantage de connaître la langue mère, le latin. L'évolution d'un mot peut donc être suivie comme un arbre généalogique. A partir de l'étymon margarita il nous donne toutes les formes et toutes les significations que ce mot, y compris les dérivés et les composés, a pris en galloroman, français, occitan, franco-provençal et les dialectes. Très souvent nous avons également les représentants du même étymon dans les autres langues romanes ainsi que les emprunts que d'autres langues ont faites au galloroman, comme par exemple les mots anglais empruntés au normand ou à l'anglo-normand, les mots néerlandais empruntés au picard ou au wallon. (Robert A. Geuljans, "L'Etymologie aujourd'hui")>>.


(g) Bibliographie. "L'Etymon des dieux. Mythologie gauloise, archéologie et linguistique à l'âge classique" est un ouvrage de Daniel Droixhe (Droz, 2002).


(h) Si un étymon unique peut produire plusieurs mots actuels, par des voies différentes, l'inverse est possible.


(i) La même forme générique (dans des occurrences différentes), principalement pour des toponymes (des noms qui semblent ne pas avoir de sens actuel), peut dériver, par convergence, d'étymons très différents.


(j) A fortiori si les mots semblent avoir un sens. Celui-ci peut avoir été reconstruit a posteriori, très tardivement.


(k) Les noms de lieu <Chantagret>, <Chante-Perdrix> et <Chanteloup> n'ont peut-être pas tous ni toujours désigné le chant d'un oiseau ni le cri d'un animal.


(l) Plan du signifiant. Contrairement au mot emprunté qui saute d'une langue à l'autre à l'initiative d'un érudit, l'étymon est un mot qui a voyagé, par exemple, dans les bagages des marchands ou les impedimenta des armées. Il a connu des métamorphoses ou des avatars de sa forme matérielle (sonore ou écrite). A partir du patronyme Pamphile (du grec <Pamphilos>, "aimé de tous"), le diminutif <Pamphilet> est passé en Angleterre, où il a donné le mot <pamphlet>, qui est revenu en France avec Voltaire.


(m) Plan du signifié. En même temps qu'un nom change de forme, il peut aussi changer de sens. Les deux transformations ne sont pas proportionnelles l'une à l'autre. La signification modifiée n'est pas fonction du nombre de lettres changées.


(n) Allers et retours. Il en est des mots comme des personnes. Ils ont tendance à s'épouser, se marier, se croiser. Mais, comme pour la filiation, un point de vue particulier, à la fois réducteur et tenace, tend à présenter comme une ligne unique (la filiation patrilinéaire, l'histoire du mot) ce qui est un réseau, un entrelacement de fils différents.


- Les mots français <fleur> (1080), <fleurette> (1119), <fleureter> (XIII ème siècle) et <fleuret> (1563, du fait du bouton, semblable à celui d'une fleur, qui mouche la pointe de cette épée d'exercice) viennent du nom latin masculin <flos, floris> qui est associé à Flora ou Flore, le nom de la déesse romaine de la floraison.


- En particulier, <fleureter> qui signifie "orner de fleurettes", prend, à la fin du XIX ème siècle, le sens de "conter fleurette", "badiner". Ce changement de sens vient d'un autre détour.


- La ville italienne de Florence, en Toscane, a une monnaie d'or réputée qui est le Florin. Le mot latin tardif <florenus, i> est d'ailleurs un terme générique qui n'est pas rivé à Florence. Sur une face de la pièce se trouve saint Jean-Baptiste. Sur l'autre face, une fleur de lys. Cette monnaie est enviée, imitée et déclinée en d'autres pièces, dont une plus petite, qui est la florette ou fleurette, par corruption.


- <<La fleurette ou florette était une espèce de monnaie française en usage aux quatorzième et quinzième siècle... Ce mot est évidemment un diminutif du mot florin. (Charles Nisard, "Curiosités de l'étymologie française", 1863)>>.


- La locution <compter fleurettes>, qui veut dire "compter la petite monnaie", pourrait servir d'exergue à nombre de tableaux de peintres flamands. Ainsi font, à Bruges, Giovanni Arnolfini et son épouse, Giovanna Cenami. Vient un jour où cette monnaie française perd son cours légal. La fleurette ne vaut plus un liard. Elle a connu la même déchéance que le sou.


- Cette fleurette, de peu de valeur, est comparable à la roupie de sansonnet, à la maille que l'on doit partager dans l'expression <avoir maille à partir>, à tous les petits riens, ces presque rien qui ne valent pas un kopeck, et cet autre moins que rien qui est déjà quelque chose. En somme, une fleurette est une bagatelle et <conter fleurettes> c'est se livrer au badinage, en échangeant des propos badins.


- De son côté, le verbe anglais <to flirt>, né d'une onomatopée imitant le bruit d'un liquide remué vivement, signifie d'abord "jeter", "agiter", "remuer vivement". Puis, à partir du XVII ème siècle, il prend le sens de "badiner avec", "faire la cour à".


- Si les dates données ci-dessus sont exactes, c'est le nouveau sens de <to flirt> qui a inspiré le nouveau sens de <fleureter> et non pas l'inverse.


- Finalement, le français a repris l'anglais <to flirt> pour en faire le verbe <flirter>, à l'époque de "SLC, Salut les Copains".


(o) Voir A partir d'un mot. Chante-X. Il n'y a pas de hors texte.


Nota Bene. Les mots en gras sont tous définis sur le cédérom encyclopédique.