Terme propre


(a) Définition rapide. Un <terme propre> ou <mot propre> n'est pas le contraire d'un <gros mot>, mais le terme le plus approprié à un emploi, pour décrire un objet, un phénomène, un sentiment, une attitude, une émotion, dans un contexte donné.


- <<On appelle mot propre, terme propre, expression propre, le mot, le terme, l'expression qui convient exclusivement pour signifier la chose que l'on veut exprimer et la rendre de la manière qu'on a intention de l'exprimer. (Jean-Charles Laveaux, Charles Joseph Marty-Laveaux, 1847, "Dictionnaire raisonné des difficultés grammaticales et littéraires")>>.


(b) Opposition paradigmatique. Le terme propre, du technicien ou du juriste, s'oppose au terme imagé, du poète ou du romancier.


- Le terme propre privilégie la dénotation.


- Le terme imagé favorise la connotation.


(c) La précision de la définition d'un terme ne se confond pas avec la clarté de la connaissance de l'objet concerné, c'est-à-dire du référent visé par ce lexème. Des termes comme OVNI, PAN, UFO, sont affectés ou dédiés à l'expression d'une ignorance. Certains refusent cette ignorance : ils sont certains de savoir ce qu'est un Objet Volant Non Identifié, un Phénomène Aérospatial Non-Identifié ou un Unidentified Flying Object. Dans leur cas, ces trois termes sont devenus inutiles.


(d) Références d'usage de la locution :


- <<On retrouve ce type de violence en pleine Grèce classique, dans le culte sinistre de Dionysos. Les agresseurs se précipitent comme un seul homme sur leur victime. L'hystérie collective est telle qu'ils se conduisent, littéralement, comme des bêtes de proie. Ils réussissent à déchirer cette victime, ils la déchiquettent littéralement avec leurs mains, avec leurs ongles, avec leurs dents, comme si la colère ou la peur décuplait leur force physique. Parfois, ils dévorent le cadavre. Pour désigner cette violence soudaine, convulsive, ce pur phénomène de foule, la langue française n'a pas de terme propre. Le mot qui nous monte aux lèvres est un américanisme, lynchage. (René Girard, "Je vois Satan tomber comme l'éclair", Éditions Grasset & Fasquelle, 1999, page 104)>>.


- <<M. Tomassini (1989) a fait remarquer que le terme de portance, qui vient du latin portare, a deux acceptions. C'est d'abord un terme propre à la technique de construction qui indique la capacité maximale pour une structure (voûte, fondation, etc.) de supporter une charge. Dans sa seconde acception, celle à laquelle je me suis référé plus haut, la portance correspond à la force verticale sustentatrice propre à l'aérodynamique et à l'hydrodynamique. (Jean-Michel Quinodoz, "Apprivoiser la solitude. Capacité d'être seul, portance et intégration de la vie psychique", document du web)>>.


(e) On nomme idiome un terme propre à une région, comme <âne du Mont Blanc> ou <Ravoure>, à Chamonix. Certains, comme <cheire>, <fjord>, <hautes chaumes>, <kjökkenmödding>, <nunatak>, <pipkrake> ou <thalweg>, peuvent être repris par la science mondiale. Dans ce cas, ils ne sont plus des idiomes, mais des termes scientifiques.


- "les masses populaires : terme propre à la terminologie marxiste" ;


(f) Au pluriel, <termes propres> ou <propres termes> désigne les termes exacts employés dans un document ou dans un discours. Les termes propres s'opposent aux coquilles faites par les copistes, aux interprétations et autres déformations des rapporteurs plus ou moins objectifs ou bien intentionnés.


- "Les propres termes sont ceux mêmes qui ont été employés par la personne que l'on cite".


- <<Dans le sens de "même", il précède aussi son substantif : Il a dit cela en propres termes ; ce furent ses propres paroles. (Jean-Charles Laveaux, Charles Joseph Marty-Laveaux, 1847, "Dictionnaire raisonné des difficultés grammaticales et littéraires")>>.


(g) "Exact" est, en effet, un des sens de l'adjectif <propre> :


- <<Le mot, l'expression, le terme propre, le mot, l'expression, le terme qui seul rend exactement l'idée. Trouver l'expression propre, le mot propre. Cette langue n'a pas de mot propre, de terme propre pour désigner telle chose? Elle n'a pas de mot qui soit particulièrement destiné à désigner telle chose. (Wiktionnaire)>>.


(h) Références d'usage au pluriel :


- <<On ne convient pas de la valeur du terme enomotie ; plusieurs disent qu'il signifie le quart d'une file, dont le chef s'appelait enomotarque, quoique d'autres prétendent, qu'il n'a rien de commun avec la file. Xénophon n'explique pas quelle section de la file il entend par l'enomotie ; mais lorsqu'il dit que l'on rangeait les files en enomoties, cela prouve que le mot signifie un nombre de soldats encore inférieur à la demi file. [L'énomotie est un terme propre à la milice des Lacédémoniens ; mais l'usage en était passé, depuis la nouvelle forme que les rois de Macédoine avaient introduite par rapport à la phalange. Thucydide et Xénophon s'en servent souvent, surtout le dernier, dans son quatrième livre, où il expose sa disposition contre des barbares, en présence desquels il traversa un fleuve. C'est ce passage qu'Arrien a en vue. Je doute fort si les interprètes et les traducteurs entendent les manœuvres que Xénophon décrit, et celles qu'il détaille, dans le troisième livre, quand il parle des dispositions qu'on fit pour la marche des troupes. La tactique de Thucydide et de Xénophon est différente de celle du temps d'Alexandre le Grand. Les termes, qui désignaient les différents corps, n'étaient plus les mêmes, et il y eut une autre disposition de sections ; faute d'y donner attention, on ne peut que s'embrouiller]. (Arrien, "La tactique" et note du traducteur Charles Guischardt, édition Pierre De Hondt)>>.


- <<– L'honnêteté m'oblige à reconnaître, dit Jack d'un ton plus conciliant que celui dont il avait parlé jusqu'alors, que Nelly, miss Montague, veux-je dire, vous aime mieux que moi, mais que, néanmoins, elle m'aime encore assez pour ne pas préférer mon rival ouvertement, en ma présence.

– Je ne suis pas de votre avis, dit l'étudiant. À vrai dire, je crois que vous vous trompez, car elle me l'a dit en propres termes. Toutefois, ce que vous dites nous permettra d'arriver plus facilement à nous entendre. Il est parfaitement évident que tant que nous nous montrerons également amoureux d'elle, aucun de nous deux ne peut avoir le moindre espoir de faire sa conquête.

– Il y a quelque bon sens dans cela, dit le lieutenant, d'un air réfléchi, mais que proposez-vous ?

– Je propose que l'un de nous se retire, pour employer votre expression. Il n'y a pas d'autre alternative. (Sir Arthur Conan Doyle, "Notre cagnotte du Derby", Chapitre IX)>>.


- <<Tout se passe comme si, entre deux représentations possibles, l'auteur refusait de faire un choix. Ainsi s'expliquent notamment ces signes composites, ces couples de termes si caractéristiques du style de Miron, que ce soit sous forme d'une apposition directe ou d'un pseudo-complément : «l'espace rouge-gorge», «nos rêves bourrasques», «l'amour tocsin», «mon cœur derrick», «mon cœur obus», «l'accord comète de tes plaines», «ton corps de voie lactée», etc. L'emploi du terme propre n'exclut pas, pour Miron, l'adjonction d'un terme imagé, simplement accolé au précédent : «un souvenir de bulle», «un matin d'obus lilas», «la mort acétylène», «ma tête grenade et déflagration». Gardons-nous bien, ici encore, d'interpréter comme un trait individuel, une figure inhérente à la poésie en général. Il est devenu banal, depuis Hugo, de conjoindre dans une même locution deux aspects différents de la réalité (exemple canonique : le pâtre-promontoire) et les surréalistes se sont presque fait un dogme de ce type de courts-circuits, qu'ils considéraient comme le plus sûr moyen de rompre avec nos habitudes mentales. (Laure Hesbois, "Gaston Miron : À bout portant")>>.


(i) Voir A partir d'un mot. In principio erat verbum. Foule violente. Modèle d'intelligibilité.


Nota Bene. Les mots en gras sont tous définis sur le cédérom encyclopédique.