Fondation



(A) Généralités.



(a) Le nom <fondation>, terme du XIII ème siècle, signifie :


- "action de fonder" ;


- "ensemble des ouvrages nécessaires pour asseoir les fondements d'une construction" (acception attestée au milieu du XV ème siècle dans le sens de "soubassement d'une maison") ;


- "capital légué pour la création d'un établissement d'intérêt général" ;


- "l'établisement lui-même".


(b) Etymologie. Le nom bas latin féminin <fundatio, onis> signifie "action de jeter les fondements ou les bases de".


- L'adjectif latin classique <fundatus, a, um> signifie "établi sur un fondement solide", "affermi", "durable".


(c) Voir A partir d'un mot. Basculer sur l'impôt. Arnauld d'Andilly. George Soros. Implicature. Temple grec.




(B) Terme juridique.



(a) Pour une personne privée, créer une fondation revient à affecter tout ou partie de sa fortune à une oeuvre désintéressée qui peut être utile au bien commun.


(b) Histoire. Cette pratique est l'héritière des fondations de béguinages, de monastères (La Chaise-Dieu ou l'Escurial) voire d'ordres monastiques (Cluny, Cîteaux) tout au long de la Chrétienté.


(c) Les récits de fondation (Rome, Carthage, Troie) sont nombreux pour toute l'Antiquité. Généralement tardifs, ils ne montrent pas la motivation des fondateurs.


(d) L'explication de la fondation de Carthage et du sacrifice de Didon était surtout un plaidoyer pro domo pour les prêtres de son Tophet. Ils tentaient de justifier la pratique des sacrifices humains à Baal.


(e) Une institution n'aime pas toujours les motivations de ses propres fondateurs. Les motivations des individus interrogent l'institution sur ses mobiles. Combien de "Ave Caesar !" pour un "Tu quoque" ?


(f) Voir Fondation de Rome. Bill Gates.



(C) Symbolisme et déviance de la fondation monastique.



(a) Le grand mouvement des fondations de monastères accompagne le millénarisme et les croisades. Cette effervescence reflète une émotion populaire, une grande peur. Une cause en est la pression démographique qui multiple les serfs sans lopins et les chevaliers sans fiefs. Elle se combine à une inhibition au défrichement par des interdits inconscients et par des habitudes coutumières.


(b) Les seigneurs sont des guerriers. Leur fonction est la tenure (tenir, garder) du domaine féodal du suzerain, l'invasion et l'occupation de ceux de l'ennemi (Albigeois, Maures) et l'exercice de la domination sur les serfs producteurs. Accroître la production, veiller à la productivité, se préoccuper de l'employabilité des bras des vilains sont les cadets de leurs soucis. Ce ne sont pas les mobiles de leur institution. Leur formation guerrière est de garder ou de forcer les clôtures, pas de les déplacer ou de les abolir. D'où une vacance de la noblesse. Elle remet en cause la justification pratique de la féodalité. Elle provoque une profonde défiance populaire que l'Inquisition a peine à contenir.


(c) Seule l'Église, ou plus précisément la papauté, pouvait lancer de grandes mobilisations collectives. En cela, elle est l'héritière de la République puis de l'Empire Romain. Inspirée par les convictions sociales et les conceptions agraires des Gracques, la politique de colonisation suivie par la République romaine était de procurer aux plébéiens des terres nouvelles.


(d) Ce sont finalement les Croisades qui élimineront une partie du surplus relatif de la population (serfs, guerriers) sur les tenures. Mais, ignorante du développement intensif, ne comprenant que la croissance extensive, la papauté n'a pas déclaré de croisade contre la misère. Comme pour les guerriers, la production n'est pas le souci des prêtres ni du plus élevé d'entre eux. Au contraire, la papauté s'installait dans le luxe. Il choquait à Rome comme en Avignon. Par sa fonction institutionnelle, sa préoccupation était l'expansion géographique de la totalité chrétienne et l'unicité de son échelle hiérarchique interne (Querelle des Investitures). D'où un profond désarroi populaire. Umberto Eco a diffusé et popularisé la connaissance de cette émotion populaire (Fracitelles, Apostoliques, Spirituels) avec Le Nom de la Rose et sa disputatio sur la pauvreté du Christ (à laquelle participent Ubertin de Casale et Michel de Césène).


(e) A l'impuissance des mobiles institutionnels pouvaient se substituer les motivations individuelles des fondateurs ou le chaos du retour violent des émotions refoulées.


(f) Dans une "Société bloquée" par la division politique du travail,


- soit les bruits du corps souffrant (ventre affamé n'a pas d'oreille) sont masqués par les bruits de la foule des Dolciniens et la fureur des armes des Croisés,


- soit une percolation des émotions est assurée par de véritables déviants institutionnels, des religieux parfois issus de familles nobles. La Chaise-Dieu est fondée en 1043 par Robert de Turlande, fils d'un chevalier auvergnat.


(g) Guerriers, prêtres et défricheurs, comme Robinson Crusoé ou comme Waris Dirie, les fondateurs osent assumer les trois fonctions. Dans certains cas, qui montrent une ouverture de la noblesse, ils agissent à la demande de celle-ci. Les Comtes de Forez font appel aux bénédictins de La Bénisson-Dieu pour les essarts de Roche-en-Forez en 1201.


(h) Seuls des prêtres, en l'occurrence des moines, semblaient pouvoir fonder. Ensuite, les mobiles de l'institution se substituaient à la motivation du héros fondateur. Incapable de transformation, l'institution opérait une adaptation par la récupération de la déviance. Telle est la forme féodale et chrétienne de l'apprentissage organisationnel.


(i) Les réductions du Paraguay opèrent une véritable transformation, locale mais contagieuse, dans la division politique du travail. C'est pourquoi elles sont détruites, non sans peine, par des armées espagnoles et portugaises réunies. La Compagnie de Jésus sera dissoute par le Pape en 1773.


(j) Lire "Apprentissage Organisationnel". "Robinson Crusoé".


(k) Sites web. "Le Forez". "Roche-en-Forez".



(D) Théorie mimétique.



(a) La fondation du monde se distingue de La Création (ou du fait de l'existence) du monde.


(b) La prétendue fondation du monde est la fondation de la culture (ou le début de l'illusion ethnique).


(c) La fondation du monde est une conséquence de la violence.


(d) La fondation du monde résulte de l'unanimité d'un meurtre fondateur.


(e) C'est ce qu'expliquerait, à sa manière, le texte de la Genèse, relatif au meurtre d'Abel par Caïn.


(f) Voir Fonder le réel. Jeter la première pierre. Première pierre.


Nota Bene. Les mots en gras sont tous définis sur le cédérom encyclopédique.