Frontière


(a) La frontière, terme du XIII ème siècle, est la ligne de front d'une armée et donc la limite mouvante du domaine des guerriers conquérants.


(b) Aux Etats-Unis, le mythe de la frontière, toujours à conquérir sur la sauvagerie (wilderness) ou l'inconnu (techniques à découvrir, espace à explorer) est un souvenir du Western et de la double Conquête de l'Ouest. Dans la société américaine du XIX ème siècle, "l'homme de la frontière" s'oppose au bourgeois de Boston ou de New York.


- <<La nourriture et la place auraient dû suffire à tous, la densité moyenne d'un habitant tous les 32 km favorisant une coexistence pacifique. Mais il semble que cela ne soit pas dans la nature de la race humaine. Les chevaux furent la clé d'une nouvelle vie. La possession d'un grand nombre de ces animaux devint une question de prestige, l'aptitude à les voler aux autres tribus une question d'honneur et matière à vengeance, à meurtre fortuit exigeant à nouveau une revanche. Il existait d'autres motifs de rivalité : l'accès aux meilleurs terrains de chasse et aux biens des commerçants blancs. Dès 1738, le sieur de la Vérendrye avait passé l'hiver avec les Mandans et chaque décennie voyait la progression de la frontière de la zone commerciale. Les sociétés de fourrure voulaient du castor et étaient prêtes à échanger tissu, métal, poudre et alcool contre les peaux et la viande dont les trappeurs avaient besoin pour rester sur le terrain. Les routes du trafic étaient souvent compliquées ; il n'était pas rare qu'un chargement de peaux de castor soit volé à un groupe de Blancs et revendu à un autre, et les esclaves étaient des remplaçants utiles. Un nombre considérable de captives indiennes fut vendu au Canada français avant 1759 et plus tard les plantations du sud offrirent un marché lucratif. Le commerce ne favorisa pas les bonnes relations entre tribus. Ainsi était la nature de l'Indien qui faisait que d'un jour sur l'autre ses ennemis pouvaient devenir ses amis. Parmi les nombreuses tribus qui ont adopté le cheval pour chasser le bison, neuf groupes ont été considérés comme représentatifs de la nouvelle culture des Plaines. Ce sont les Blackfeet, les Atsinas, les Assiniboins, les Tetons Dakotas, les Crows, les Arapahos, les Cheyennes, les Kiowas et les Comanches. Cette énumération les situe approximativement du nord au sud mais les localités où vivent les tribus sont assez variables. Vers 1870, les Tetons proclamèrent avec exaltation les Black Hills comme terrain de chasse sacré, leur appartenant depuis toute éternité, alors que moins d'un siècle s'était écoulé depuis que les premiers Tetons (les Oglalas) avaient pris possession de cette terre et dépossédé les Kiowas. (Geoffrey Turner, "Les Indiens d'Amérique du Nord", 1979, Armand Colin, 1985, pages 73-74)>>.


- <<Telles étaient les circonstances dans lesquelles nos jeunes gens s'étaient réunis, au moment où nous les avons présentés au lecteur.

– D'après vos lettres, l'oncle John jouit d'une santé merveilleuse ? reprit l'artiste, après une courte pause.

– Oui : il est étonnant. Vous savez les craintes que nous concevions à son égard, lorsqu'après ses désastres financiers, il forma le projet d'émigrer, il y a quelques années ? Mon père lui offrit des fonds pour reprendre les affaires ; mais l'oncle persista dans ses idées de départ, disant qu'il était trop âgé pour recommencer cette vie-là, et assez jeune pour devenir un « homme des frontières. » Il a pourtant cinquante ans passés, et sur sept enfants, il en a cinq de mariés ; deux seulement sont encore à la maison, Will et Maggie. (Gustave Aimard et Jules Berlioz d'Auriac, "Jim l'Indien", 1879, Chapitre I, Sur l'eau)>>.


(c) Si précise soit la ligne d'une frontière (entre deux ethnies, entre deux nations, entre deux groupes linguistiques, entre deux structures familiales), elle génère une zone plus large où se mèlent les populations voisines et leurs coutûmes.


- <<Ce qui définit la famille souche incomplète, c'est l'existence simultanée d'un trait autoritaire dans la structuration des ménages et de règles d'héritage officiellement égalitaires, sans que la combinaison de ces deux aspects engendre le cycle de développement du groupe domestique typique de la famille communautaire. Le marqueur absolu du communautarisme, la corésidence de deux frères mariés, est en particulier absent. Dans une telle situation, on doit faire l'hypothèse d'une négation par la pratique de la règle égalitaire. Cette négation peut prendre des formes variées, mais dans tous les cas un seul enfant marié est admis à cohabiter avec ses parents. Les autres peuvent être contraints au célibat ou, munis de terres, abandonner néanmoins la maison familiale. Plus que le destin de la terre, la transmission de la maison est le symbole de la famille souche. La distribution géographique des régions pratiquant un système de famille souche incomplète, donnée par la carte 9, suffit presque à une explication de l'origine et du sens de ce type familial, imparfait, mais dont l'existence ne fait néanmoins aucun doute. Si l'on met de côté le cas de la Dalécarlie suédoise, située très au nord, aux limites de l'espace réellement habité, les régions de famille souche incomplète sont placées sur des lignes de front anthropologiques et même, plus précisément, linguistiques. La plus importante, incorporant 38 des 48 unités géographiques concernées (les ajouts par contiguïté ont été mentionnés dans le cas des types familiaux précédents, à l'exception de l'État de Luxembourg), comprend l'extrême Nord de la France, la Belgique, l'Alsace-Lorraine, la Rhénanie, la Savoie, la Suisse italianophone, le Nord-Est de l'Italie. C'est bien le front de contact entre germanité et latinité qui se développe ici, du nord-ouest au sud-est. L'analyse du type imparfait qu'est la famille souche incomplète confirme donc de façon spectaculaire l'association des types familiaux et de catégories historico-ethnologiques anciennes. Si l'on met de côté l'exception occitane-nord-ibérique sur laquelle je reviendrai, la latinité correspond à des conceptions familiales égalitaires, la germanité à des conceptions non égalitaires. Dans les zones frontières de l'Empire romain, en deçà ou au-delà du Rhin, romanisées puis regermanisées par les grandes invasions, la clarté de l'opposition égalité/non-égalité se brouille. Des pratiques inégalitaires sont voilées par des dogmes égalitaires. Le caractère frontalier de la famille souche incomplète est confirmé par l'analyse de la situation géographique et culturelle de l'ensemble mineur constitué par dix départements français, entre Loire, Atlantique et Massif central. C'est ici un front de contact linguistique secondaire qui apparaît, opposant la langue d'oïl du Nord de la France à la langue d'oc du Midi. Dans ce cas, la famille souche incomplète correspond à des zones oscillant entre les influences méridionales et septentrionales. L'analyse historique des coutumes d'héritage dans ces régions fait apparaître une certaine instabilité et une souplesse certaine du principe égalitaire [Sur les incertitudes et l'instabilité historique du droit poitevin, pris entre les influences concurrentes du Nord et du Midi, voir J. Yver, "Égalité entre héritiers et exclusion des enfants dotés", p. 125-130]. La famille souche incomplète n'a de clair que sa localisation géographique dans des aires culturelles intermédiaires. Elle n'est pas en pratique un seul type, mais une multitude de compromis locaux entre les principes respectifs de la famille souche, germanique ou occitane, et de la famille nucléaire égalitaire, latine. En Belgique, en Suisse italianophone, la verticalité des structures familiales est très imparfaite comme le montrent plusieurs monographies historiques menées à partir de documents du XVIIIe et du XIXe siècle. Typique de la Belgique est une association temporaire des générations adultes qui cesse après un certain temps : les jeunes mariés vivent quelques années avec l'un des couples parents, puis établissent un ménage indépendant [Sur le phénomène de la corésidence temporaire en Belgique, voir R. Leboutte, «L'apport des registres de population à la connaissance de la dynamique des ménages en Belgique au XIX° siècle», p. 7-11 (monographie 23) ; et E. Van de Walle, «Household dynamics in a Belgian village», p. 89-92 (monographie 24)]. Ce comportement, assez rare en Europe, définit à lui seul un type qui n'est ni souche ni nucléaire. (Emmanuel Todd, "L'Invention de l'Europe", Seuil, 1990, pages 54-56, La famille souche incomplète : un phénomène de frontière)>>.


(d) Une frontière entre l'intérieur et l'extérieur peut être marquée par un rite (franchissement du seuil, nettoyage intérieur). C'est parce qu'il n'est pas <à sa place> que l'insecte est chassé ou tué quand il entre dans notre logement.


- <<Si, dans cette optique, nous réfléchissons honnêtement à nos récurages et à nos nettoyages, nous conviendrons aisément qu'ils n'ont pas pour but principal d'éviter les maladies. Nous séparons, nous traçons des frontières, nous rendons visibles les décisions que nous avons prises sur ce que doit être notre "foyer" et que nous entendons créer à partir du cadre matériel de la maison. (Mary Douglas, "De la souillure", Paris, La Découverte, 2001, Chapitre IV)>>.


(e) Voir Territoire de chasse.


Mot utilisé dans : Communes du Puy-de-Dôme en frontière avec la Loire. Frontière Forez-Auvergne. Frontière naturelle. Objet frontière.




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Auteur.

Hubert Houdoy

Mis en ligne le Mardi 22 Juillet 2008.



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