(A) Généralités.
(a) La pertinence, terme de 1320, est la "qualité de ce qui est pertinent, de ce qui est juste, judicieux, approprié".
- <<Il m'advient souvent, de voir et distinguer plus exactement les conditions de mes amis, qu'ils ne font eux mesmes. J'en ay estonné quelqu'un, par la pertinence de ma description : et l'ay adverty de soy. Pour m'estre dés mon enfance, dressé à mirer ma vie dans celle d'autruy, j'ay acquis une complexion studieuse en cela. (Michel Eyquem, seigneur de Montaigne, "Les Essais", 1595, Livre III, Chapitre 13, De l'expérience)>>.
(b) Etymologie. L'adjectif <pertinent>, terme de 1300, vient du latin <pertinens> qui est le participe présent du verbe <pertineo, es, tinui, pertinere>, "s'étendre jusqu'à", "aboutir à", "s'étendre à", "se répandre sur", "s'appliquer à", "être commun à", "tendre à", "avoir pour but de", "servir à", "se rattacher à", "tenir à (par la parenté)", "se rapporter à", "être utile", "concerner", construit sur <teneo, es, tenui, tentum, tenere> "tenir", "avoir à la main", "saisir".
(b) Opposition paradigmatique. L'impertinence est soit "le caractère d'une personne impertinente", soit "une action, une parole blessantes, choquantes". Ce terme est infiniment plus usité que son contraire en littérature.
- <<Harpagon
Elle a raison ; à sot compliment il faut une réponse de même. Je vous demande pardon, ma belle, de l'impertinence de mon fils. C'est un jeune sot, qui ne sait pas encore la conséquence des paroles qu'il dit.
Mariane
Je vous promets que ce qu'il m'a dit ne m'a point du tout offensée ; au contraire, il m'a fait plaisir de m'expliquer ainsi ses véritables sentiments. J'aime de lui un aveu de la sorte ; et, s'il avoit parlé d'autre façon, je l'en estimerois bien moins.
(Molière, "L'Avare", 1668, Acte III, Scène VII)>>.
- <<Tel homme est sans foi, sans constance, vous échappe à tout moment ? Bah ! il est séduisant, prestigieux, il charme. S'agit-il de vos ennemis ? vous leur jetez à la tête les morts et les vivants ; vous renversez pour eux les termes de votre langage, et vous êtes aussi perspicace à découvrir leurs défauts que vous étiez habile à mettre en relief les vertus de vos amis. Cette application de la lorgnette à la vue morale est le secret de nos conversations et tout l'art du courtisan. N'en pas user, c'est vouloir combattre sans armes des gens bardés de fer comme des chevaliers bannerets. Et j'en use ! j'en abuse même quelquefois. Aussi me respecte-t-on moi et mes amis, car, d'ailleurs, mon épée vaut ma langue." Un des plus fervents admirateurs de Foedora, jeune homme dont l'impertinence était célèbre, et qui s'en faisait même un moyen de parvenir, releva le gant si dédaigneusement jeté par Rastignac. (Honoré de Balzac, "La Peau de chagrin", 1831, II, La Femme sans coeur)>>.
(c) Voir A partir d'un mot. Réflexion d'impertinence.
(B) La pertinence et la Science.
(a) La pertinence scientifique est l'adéquation d'une théorie avec les faits. La pertinence d'une conjecture scientifique est testée par une expérience qui doit être en mesure de fournir (ou non) une réfutation.
(b) Un discours scientifique doit satisfaire trois règles :
- cohérence interne ;
- pertinence externe ;
- simplicité ou principe d'économie des concepts.
(c) Discours et dialogue. Dans une situation de coopération, le dialogue constructif de deux agents est basé sur une demande extrapolée et sur la pertinence anticipée de la réponse coopérative.
(d) Citation :
- <<Les réponses coopératives se manifestent par la communication d'un supplément d'information par rapport à ce qui a été explicitement demandé. Cependant, la quantité d'information additionnelle dépend fortement de l'intérêt présumé du demandeur pour cette information, et, en particulier de ses intentions reconnues... Autrement dit, éviter la redondance est une composante du comportement coopératif. Si un agent i a l'intention de faire savoir à un agent j une proposition p, alors i doit penser que j ne la sait pas déjà ("Coopération et Conception", page 313)>>.
(e) Le test crucial de la pertinence d'une théorie est l'expérience scientifique. Par construction, celle-ci suppose la possibilité d'isoler un aspect bien particulier.
(f) Aujourd'hui, avec la prise en compte de vastes systèmes, la question se déplace sur le thème de la simulation numérique.
(g) Pour tester la pertinence d'un modèle de simulation, comme un modèle climatique par exemple, il importe que celui-ci soit capable de "prédire le passé".
(h) En Climatologie, on a pu reprocher aux courbes en crosse de hockey, dont des rapports du GIEC ont fait état, de ne pas faire apparaître l'optimum médiéval suivi du petit âge glaciaire. Plus près de nous, les modèles devraient prendre en compte une baisse moyenne des températures de 1910 à 1940. Il est trop tard pour savoir si une baisse temporaire du rayonnement solaire peut en être la cause, car il n'était pas mesuré à cette époque. Par contre, la pollution locale aurait pu avoir, dans un premier temps (de 1945 à 1975), un effet refroidissant d'aérosol (comme un voile), avant d'intervenir plus globalement sur l'effet de serre.
- <<Peut-on supposer que toutes les variations ont des causes identifiables ? Depuis 1995, on s'efforce d'inclure dans les calculs, en plus du renforcement de l'effet de serre par le CO2 ajouté, les effets directs et indirects des aérosols anthropiques. On reproduit ainsi, bien mieux qu'avec le seul renforcement de l'effet de serre, les traits généraux de la répartition nord-sud des changements de température depuis 1950, et le non-réchauffement entre 1950 et 1975. Cependant, la concordance n'est pas très bonne, et bien des incertitudes subsistent sur les propriétés des aérosols. En outre, on apprécie encore mal la «variabilité interne» du système, c'est-à-dire l'amplitude possible des variations sans cause externe. Peut-on, pour expliquer le réchauffement entre 1910 et 1940, adopter l'hypothèse - gratuite - d'une variation énergétique du Soleil, alors que la surveillance spatiale de l'irradiance solaire n'a commencé qu'en 1976 ? (Encyclopædia Universalis 2006, article "Réchauffement climatique")>>.
(i) Voir Rasoir d'Occam. Réfutabilité.
Nota Bene. Les mots en gras sont tous définis sur le cédérom encyclopédique.