Voie romaine des crêtes
En Forez.
(a) Dans les monts du Forez, la voie romaine des crêtes va du Pied du Bon-Dieu (entre Marols et Montarcher) à Champoly (entre Saint-Martin-la-Sauveté et Noirétable). Elle passe par Ferréol, le col de la Croix-de-l'Homme-Mort, les Cognières et Corbillon. Cette voie raccorde la voie Bolène (Lyon-Bordeaux par Rodez et Toulouse) à une autre voie romaine reliant toujours Lugdunum à Burdigala, mais par Augustonemetum (Clermont-Ferrand).
(b) Cette voie romaine est citée, dans des chartes ou des testaments, comme une limite de propriété. On se demande parfois s'il ne s'agit pas de deux chemins, plus ou moins parallèles l'un à l'autre, mais d'altitudes différentes. Cela nous fait penser à un établissement de vétérans ou de paysans sans terre, en même temps qu'un défrichement forestier, dans les hauts des monts du Forez. Cette installation sur les hauteurs serait une réponse gallo-romaine à une première vague d'invasion : celle qui détruisit Feurs et Aquae Segetae. Les documents ont gardé un exemple de ce type, pour la Berbérie en cours de romanisation.
- <<Les vétérans installés aux frontières devaient, en cas de nécessité, prêter main forte à leurs camarades de l'active. L'empereur Sévère Alexandre alla plus loin dans cette voie. Il distribua les terres conquises, avec du cheptel, aux soldats qui pouvaient se faire remplacer au camp par leurs fils et qu'il installa, par exemple, dans des postes fortifiés (castella) de la plaine de Sétif pour empêcher les incursions des nomades. Gordien III reprit et développa cette politique de colonisation militaire. Ce furent encore des vétérans qui, au sud de la Numidie, organisèrent, de concert avec les légionnaires, la frontière saharienne, puis la protégèrent seuls quand les garnisons eurent été rappelées. Ainsi, dès le IIIe siècle, les soldats laboureurs tinrent, aux confins du désert, le rôle qu'Honorius définit dans une constitution de 409 aux limitanei chargés de préserver le limes et le fossatum africain de toute atteinte. (Charles-André Julien, "Histoire de l'Afrique du Nord. Des origines à 1830", 1951, Grande Bibliothèque Payot, Paris, 1994, page 172)>>.
(c) Situons le contexte : Bordeaux est la capitale de la Gaule Aquitaine quand Tetricus prend le titre d'empereur, en 268. Après Postumus et Victorinus, Caius Pius Esuvius Tetricus est le troisième chef du provisoire empire des Gaules. La voie romaine des crêtes aurait été un moyen de la formation des Hautes-Chaumes à l'époque gallo-romaine. Cet essart intensif est daté par le pollen des tourbières. Peupler les Hautes Chaumes et l'étage inférieur était un moyen de renforcer la frontière de la Gaule Aquitaine et de caser les vétérans de Tetricus. Devant les barbares, habiles cavaliers, il fallait développer l'élevage des chevaux, sur les hauteurs.
(d) Il ne semble pas qu'Aurélien soit revenu sur cette politique. Au contraire, il a développé le rôle de la cavalerie dans l'armée romaine. Grâce à cette mesure, on sait qu'Aetius saura s'opposer à Attila. En outre, les toponymes comme la Roue et le Soleillant témoignent du succès local du culte solaire (Sol Invictis) que l'empereur Aurélien généralisa dans les légions de l'empire. Ce n'est pas non plus un hasard si ces lieux se trouvent en altitude. Depuis la défaite du lac Trasimène, contre Hannibal, les Romains détestent les marécages, et donc la plaine du Forez.
(e) La voie des crêtes est celle que Roger Faure désigne comme allant "de la Bolène aux voies d'Auvergne". Il lui donne le numéro 9, parmi les dix voies romaines de la Loire. Citation de Roger Faure (1994) :
- <<Une voie de raccordement, établie plus récemment et courant au début sur la crête des monts du Forez, peut être imaginée entre le Pas du Bon Dieu et Champoly. Quelques traces peuvent en être décelées sur le terrain et des découvertes archéologiques se trouvent sur son tracé. Partant du carrefour du Pas du Bon Dieu, elle montait sur la crête en suivant la limite entre Marols et Estivareilles. Elle coupait la route de Saint-Jean-Soleymieux à La Chapelle-en-Lafaye et prenait le GR3 jusqu'à l'est de Ferréol, dans le Puy-de-Dôme. Elle suivait ensuite la crête jusqu'à la Sauvetat, commune de Saint-Anthème, parcours où l'on peut la suivre sur plusieurs kilomètres, voie empierrée bordée de deux rangées de grosses pierres. Vers les Chazots, un embranchement bien visible se détachait vers Saint-Anthème, par la Rochette et le Pinet. Elle coupait la D496 et suivait la limite du département jusqu'au point coté 1229 et continuait sur le point coté 1243. Elle s'en détachait à proximité de Baracuchet pour se diriger vers l'est sur le Pin, commune de Verrières. Elle prenait la direction du nord par Barge, le Palais, le Fay et Dovezy. Ensuite, elle atteignait le Bouchet, passait à l'ouest de Roche-en-Forez, arrivait à Courreau et courait au-dessus de Saint-Bonnet-le-Courreau (tronçon de voie pavée au-dessus du bourg). Elle longeait la Croix du Treyve. On la retrouve au Mazet, descendant au pont du Diable, où elle passait le Lignon par un gué. Un pont moyenâgeux a été construit à cet endroit. Elle remontait sur Vial et le Mazet et atteignait le col de la Roue. Elle redescendait à travers bois sur le ruisseau du Dardannet, arrivait à Lestra-Haut et Lestra-Bas (au lieudit Lestra, découverte de tuiles), puis à Chazelles-Bas et Chazelles-Haut, commune de Saint-Laurent-Rochefort. Elle croisait la première voie d'Auvergne à la Maladière et se dirigeait tout droit sur Champoly, en traversant l'Anzon vers la Grande Jeanne. A Champoly, elle rejoignait la seconde voie d'Auvergne. L'itinéraire de cette voie est en partie hypothétique, car peu de trouvailles archéologiques le jalonnent. ("Les voies romaines dans le département de la Loire", pages 68-69)>>.
(f) Sur le territoire de Roche-en-Forez, la voie romaine des crêtes devait passer par les Amaruts, la Côte, la Griotte, Montvadan, les Cognères, pour traverser le Vizézy et remonter sur La Farge, le Narmond et filer sur Saint-Bonnet-le-Courreau vers la Croix du Treyve.
(g) Après la Maladière, la première voie d'Auvergne, voie de portage, passait à la Pierre Ferrière, à Saint-Didier-sur-Rochefort. Le toponyme <Pierre Ferrière> indique une voie de portage (du verbe latin <fero, is, tuli, latum, ferre> "porter") qui est empierrée.
(h) Voir Alamans. Burgondes. Chemin de fer. Col de Baracuchet. Essarts d'Essertines. Haut-Solier. Hospitalitas. Le Mas. Maladrerie de Moingt. Sarmates. Solier.
Nota Bene. Les mots en gras sont tous définis dans le cédérom encyclopédique.