(a) Apparition. Le mot <abbé> apparaît dans un écrit, sous la forme <abed> au XI ème siècle.
(b) Définition. Un abbé est un moine à qui ses "frères" en religion confient la direction matérielle et spirituelle de leur abbaye. Ce frère devient alors un "père" abbé.
- <<L'abbé, s'il est vraiment digne de gouverner son monastère, se souviendra sans cesse du nom qu'il porte, et s 'efforcera de réaliser dans ses actes sa qualité de supérieur. Car il est tenu dans la communauté pour le vicaire du Christ, il est désigné du même titre que lui, selon la parole de l'Apôtre : Vous avez reçu l'esprit d'enfants adoptifs : aussi, vous adressant à Dieu, l'appelez-vous : Abba, c'est-à-dire, Père. L'abbé ne doit donc rien enseigner, rien établir ni ordonner, qui s'éloigne des préceptes du Seigneur; mais que ses ordonnances et ses enseignements, tel un ferment de justice divine, se répandent dans le cœur de ses disciples. L'abbé aura toujours devant les yeux le rigoureux jugement que Dieu lui fera subir sur deux points : l'usage de son autorité et l'obéissance qu'il exige de ses disciples : le pasteur, en effet, que l'abbé le sache bien, verra imputer à' sa charge tout mécompte relevé par le Père de famille dans ses ouailles. Il se présentera pareillement au jugement de Dieu, mais cette fois pour y être absous, Si, ayant affaire à un troupeau turbulent et indocile, il apporte tous ses soins. toute sa diligence pastorale a la guérison de leurs infirmités : dans ce cas, il pourra dire au Seigneur avec le Prophète : "Je n'ai point gardé secrète et pour moi seul votre justice : j'ai publié vos sentences de vérité et de salut ; mais eux, ils en ont fait fi, ils n'ont méprisé." Et à l'heure dernière, ces brebis intraitables auront pour châtiment la mort elle-même qui l'emportera enfin sur leur obstination. Celui donc qui assume la charge d'abbé doit imposer à ses disciples une double formation : s'il enseigne par le langage toutes choses bonnes et saintes, il doit plus encore le faire par ses actions. Aux âmes ouvertes et compréhensives, qu'il intime de vive voix les commandements du Seigneur ; pour les natures grossières et les esprits bornés, c'est par ses œuvres qu'il leur représente ces mêmes préceptes divins. Qu'il prenne aussi grand soin de ne pas autoriser par sa conduite ce qu'il aurait condamné dans ses discours, de peur que tout en prêchant aux autres il n'encoure lui-même la réprobation. et que Dieu ne lui dise un jour : "Pécheur, comment oses-tu proclamer mes saintes lois, comment tes lèvres peuvent-elles proférer les règles de mon alliance ? alors que tu hais toute discipline et que, pour ton compte, tu rejettes mes paroles ?" Et encore : " Tu voyais la moindre paille dans l'œil de ton frère, mais tu n'apercevais pas la poutre dans le tien." Qu'il ne fasse point acception des personnes dans le monastère. Qu'aucun ne soit plus aimé de lui que les autres, excepté celui qui excellera davantage à ses yeux dans les bonnes œuvres et l'obéissance. L'homme de naissance libre ne sera pas préféré à celui qui vient de la condition servile, à moins qu'il n'y ait à cela quelque autre motif raisonnable. Si c'est le cas, si l'abbé estime que la justice le requiert, il établira au contraire des distinctions entre les moines, quel que soit leur rang social. Sinon. que chacun garde sa place, car tous, le serf autant que l'homme libre, nous ne sommes qu'un dans le Christ, nous portons également notre fardeau sous les enseignes d'un chef unique, et, auprès de Dieu, il n'y a pas acception de personnes. Les seules préférences qu'il nous marque, sont en effet à la mesure des bonnes œuvres et de l'humilité qu'il trouve en nous. L'abbé aura donc pour tous une égale affection, une même ligne de conduite à l'égard de tous, en tenant compte du mérite de chacun. Dans le gouvernement des âmes, l'abbé doit toujours se conformer à la norme établie par l'Apôtre : "Adresse tour à tour les remontrances. les exhortations, les reproches." En d'autres termes, variant les procédés selon la diversité des circonstances, qu'il mêle les caresses aux menaces, qu'il sache allier la sévérité du maître à la tendre indulgence d'un père : il réprimandera sans ménagements les esprits impatients du joug et mal affermis dans la régularité ; l'exhortation au progrès dans la vertu, il la réserve à ceux qui sont toute obéissance, modestie et patience quant à ceux qui versent dans le laisser-aller et le mépris du devoir, ils méritent reproches et châtiments. Telle est notre recommandation. Et qu'il ne ferme pas les yeux sur les fautes qu'ils commettront dès qu'elles commencent à poindre, il usera d'autorité pour les retrancher jusqu'à la racine, se souvenant du danger dans lequel tomba Héli, le prêtre de Silo. Alors qu'une ou deux admonitions verbales suffisent pour redresser les natures délicates et capables d'intelligence, ceux qui sont au contraire mauvais, durs de cœur, orgueilleux ou désobéissants, il faut leur infliger le châtiment des verges ou d'autres peines corporelles, et dès le principe du mal exercer la répression. On sait qu'il est écrit : "L'insensé ne se corrige pas avec des paroles ", et ailleurs : "Frappe de verges ton fils et tu l'empêcheras d'aller à sa perte." L'abbé doit avoir toujours conscience de sa mission, se rappeler sans cesse le nom qu'on lui donne, ne jamais oublier qu'à celui auquel on a confié davantage, on redemande davantage. Qu'il sache combien difficile et ardue est la tâche qu'il a entreprise de conduire des âmes et de se plier des tempéraments fort divers. Pour gagner l'un par des caresses, l'autre par des réprimandes, un troisième par la persuasion, il lui faut proportionner et adapter son action au caractère et au degré d'intelligence de chacun. Tel est le moyen pour lui de ne subir aucun détriment dans le bercail placé sous sa garde, et même de se réjouir de l'accroissement et du parfait état de son troupeau. Avant tout, qu'il ne se dissimule pas le prix des âmes à lui commises, et qu'il n'accorde pas moins de sollicitude à leur salut qu'à l'administration des biens transitoires, terrestres et caducs : ce sont des âmes qu'il s'est chargé de conduire, - qu'il y songe sans cesse, des âmes dont il aura à rendre compte. Et qu'il n'allègue pas la modicité des ressources : qu'il se répète plutôt la parole de l'Ecriture : "Cherchez d'abord le royaume de Dieu et sa justice, et tout le reste vous sera donné par surcroît", et encore : "Rien ne manque à ceux qui Le craignent." Qu'il soit donc persuadé qu'en assumant la conduite des âmes, il s'engage à répondre d'elles. Une chose certaine, c'est que le nombre même des frères rangés sous sa tutelle, est celui des âmes dont il sera justiciable sans exception au jour du jugement, en plus, cela va de soi, de ce qui regarde sa vie personnelle. Ainsi, la crainte constante de l'examen qu'un pasteur doit subir au sujet des brebis à lui confiées, le rendra non moins attentif à ses propres comptes que soucieux de répondre pour ceux d'autrui ; et dans la mesure où ses instructions procurent l'amendement du prochain, elles le disposent, lui aussi, à la correction de ses défauts. ("Règle de saint Benoît", Chapitre II, Quel doit être l'abbé)>>.
(c) Etymologie. Le nom latin masculin <abbas, atis> vient du grec ecclésiastique, lui-même copié de l'araméen <abba> signifiant "père".
(d) Un abbé laïc (comme Hugues Capet, fils de Hugues l'Abbé) est un noble qui perçoît les revenus d'une abbaye.
(e) Un grand abbé peut devenir pape ou cardinal. Certains le refusent, comme Pierre le Vénérable, un des grands abbés de Cluny. Parent de Hugues Damas, seigneur de Couzan, saint Hugues est le sixième abbé de Cluny (1049-1109).
(f) Sous la féodalité et sous la monarchie, une abbaye est une seigneurie et un abbé est un grand seigneur. Il doit tenir son rang.
- En 1642, Armand de Bourbon, prince de Conti, est abbé (1642-1656) de Cluny à l'âge de 13 ans.
- Parmi les abbayes du cardinal de Richelieu : Coursay, Redon, Pontlevoy, Ham, Cluny, Marmoutiers, Saint-Benoît, La Chaise-Dieu, Saint-Arnoul de Metz, etc.
- <<Mon fils l'abbé est arrivé de Normandie depuis deux ou trois jours. Sa santé est parfaite. Je n'ai rien à vous en dire ; il est à Versailles présentement et vous verra sitôt après son retour. (Madame de La Fayette, Lettre à Ménage, début décembre 1691)>>.
(g) Du lit à l'autel. Outre les cadets des grandes familles de la noblesse, nombre de bâtards du roi sont abbés.
- Louis César, comte de Vexin, fils de Louis XIV et de Madame de Montespan, est fait abbé de Saint-Denis.
(h) A Paris, l'abbé de l'Epée est le fondateur de l'Institution des sourds-muets.
(i) Références littéraires :
- <<Geoffroy d'Anjou son clairon a sonné ; les François se rassemblent, et Charles leur a donné ses ordres : tous leurs amis qu'ils ont rencontrés morts, en un charnier d'abord les ont portés. Assez y a d'évesques et d'abbés, moines, chanoines, prouvaires à tonsure, lesquels les ont absous et bénis de part Dieu ; on brusle de la myrrhe et toute sorte de parfums ; on encense bravement les morts, on les enterre en grande pompe, et puis on les abandonne. Hélas ! qu'en eussent-ils fait aultre ? (Anonyme, "La Chanson de Roland", 1100, Chant IV)>>.
- <<En la propre chambre de l'abbé, on les traita avec beaucoup d'honneur. Le lendemain, ils allèrent ouïr la messe, puis voulurent repartir. Mais l'abbé vient leur parler; il les supplie de séjourner; il veut leur montrer son dortoir, son réfectoire, son chapitre; et comme ils ont été très bien traités, le sire le lui octroie.
Ils vont donc visiter le chapitre. Ils y trouvent un grand tombeau recouvert d'une soie à rosaces, où court en plein milieu une bande d'orfroi. A la tête, au pied, sur les côtés, vingt cierges sont allumés dans des chandeliers d'or fin.
Et tout le jour, par grand honneur, les moines encensent cette tombe avec des encensoirs d'améthyste.
Ils s'enquièrent auprès de l'abbé. Quelle est cette tombe? Quel homme était celui qui gît là? Et l'autre se met à pleurer, et en pleurant à raconter que c'est le meilleur chevalier, le plus fort, le plus fier, le plus beau, le plus aimé qui jamais soit né dans le monde:
"Il régnait sur cette terre; onques roi ne fut si courtois. Il fut occis en trahison pour l'amour d'une dame de Caerwent. Depuis nous n'avons plus eu de roi. Et voilà bien des jours que nous attendons, comme il l'a commandé, la venue du fils qu'il engendra en la dame."
Quand la dame ouit la nouvelle, elle appelle son fils à haute voix. (Marie de France, "Les Lais", 1170, Yonec)>>.
- <<- Ah ! voilà de méchans moines ; je ne les reconnois pas à leur charité : mais j'entrerai malgré vous. Non ! la porte est trop forte, et la fenêtre est barrée. Compère Renart, vous avez parlé de poisson, je ne connois pas cette viande. Est-elle bonne ? Pourrois-je en avoir un seul morceau, simplement pour en goûter ?
- Très volontiers, et bénie soit notre pêche aux anguilles, si vous en voulez bien manger." Il prend alors sur la braise deux tronçons parfaitement grillés, mange le premier et porte l'autre à son compère. "Tenez, bel oncle, approchez ; nos frères vous envoient cela, dans l'espoir que vous serez bientôt des notres.
- J'y penserai, cela pourra bien être ; mais pour Dieu ! donnez, en attendant.
- Voici. Eh bien, que vous semble ?
- Mais c'est le meilleur manger du monde. Quel goût, quelle saveur ! je me sens bien près de ma conversion. Ne pourriez-vous m'en donner un second morceau ?
- Par nos bottes ! si vous voulez être moine, vous serez bientôt mon supérieur ; car, je n'en doute pas, avant la Pentecoste, nos frères s'entendront pour vous élire abbé.
- Se pourroit-il ? oh ! non, vous raillez.
- Non vraiment ; par mon chef ! vous feriez le plus beau rendu du monde, et quand vous aurez passé les draps noirs sur votre pelisse grise....
- Alors, vous me donnerez autant de poisson que je voudrai ?
- Tant que vous voudrez.
- Cela me décide ; faites-moi rogner tout de suite.
- Non pas seulement rogner, mais raser.
- Raser ? je ne croyois pas qu'on exigeât cela. Qu'on me rase donc !
(Anonyme, "Le Roman de Renart", 1200, Livre I, Chapitre VIII, Où l'on voit comment Ysengrin eut envie de se convertir, et comme il fut ordonné moine de l' abbaye de Tyron)>>.
- <<LE DRAPPIER, seul.
Quoi, dea ! chascun me paist de lobes !
Chascun m'emporte mon avoir
Et prent ce qu'il en peult avoir !
Or suis je le roy des meschans :
Mesmement les bergers des champs
Me cabusent ores le mien,
A qui j'ay tousjours fait du bien.
Il ne m'a pas pour rien gabbé :
Il en viendra au pié l'abbé,
Par la benoiste couronnée !
(Anonyme, "La farce de maistre Pathelin", 1464, Scène XIV)>>.
- <<Soubdain après, tyra son dict braquemart et en ferut l'archier qui le tenoit à dextre, luy coupant entierement les venes jugulaires et arteres spagitides du col, avecques le guarguareon, jusques es deux adenes, et, retirant le coup, luy entreouvrit le mouelle spinale entre la seconde et tierce vertebre : là tomba l'archier tout mort. Et le moyne, detournant son cheval à gauche, courut sus l'aultre, lequel, voyant son compaignon mort et le moyne adventaigé sus soy, cryoit à haulte voix :
"Ha, Monsieur le Priour, je me rendz ! Monsieur le Priour, mon bon amy, Monsieur le Priour !"
Et le moyne cryoit de mesmes :
"Monsieur le Posteriour, mon amy, Monsieur le Posteriour, vous aurez sus voz posteres.
- Ha ! (disoit l'archier) Monsieur le Priour, mon mignon, Monsieur le Priour, que Dieu vous face abbé !
- Par l'habit (disoit le moyne) que je porte, je vous feray icy cardinal. Rensonnez vous les gens de religion ? Vous aurez un chapeau rouge à ceste heure de ma main. "
Et l'archier cryoit :
"Monsieur le Priour, Monsieur le Priour, Monsieur l'Abbé futeur, Monsieur le Cardinal, Monsieur le tout ! Ha ! ha ! hés ! non, Monsieur le Priour, mon bon petit Seigneur le Priour, je me rends à vous !
- Et je te rends (dist le moyne) à tous les diables. "
Lors d'un coup luy tranchit la teste, luy coupant le test sus les os petrux, et enlevant les deux os bregmatis et la commissure sagittale avecques grande partie de l'os coronal, ce que faisant luy tranchit les deux meninges et ouvrit profondement les deux posterieurs ventricules du cerveau ; et demoura le craine pendent sus les espaules à la peau du pericrane par derriere, en forme d'un bonnet doctoral, noir par dessus, rouge par dedans. Ainsi tomba roidde mort en terre. (François Rabelais, "Gargantua", 1534, Chapitre 44, Comment le moyne se deffist de ses guardes, et comment l'escarmouche de Picrochole feut deffaicte)>>.
- <<Le soir du troisième jour, la curiosité l'emporta sur le projet de tout voir avant de se présenter à l'abbé Pirard. Cet abbé lui expliqua, d'un ton froid, le genre de vie qui l'attendait chez M. de La Mole.
Si au bout de quelques mois vous n'êtes pas utile, vous rentrerez au séminaire, mais par la bonne porte. Vous allez loger chez le marquis, l'un des plus grands seigneurs de France. Vous porterez l'habit noir, mais comme un homme qui est en deuil, et non pas comme un ecclésiastique. J'exige que, trois fois la semaine, vous suivez vos études en théologie dans un séminaire où je vous ferai présenter. Chaque jour à midi vous vous établirez dans la bibliothèque du marquis, qui compte vous employer à faire des lettres pour des procès et d'autres affaires. Le marquis écrit, en deux mots, en marge de chaque lettre qu'il reçoit, le genre de réponse qu'il faut y faire. J'ai prétendu qu'au bout de trois mois, vous seriez en état de faire ces réponses, de façon que, sur douze que vous présenterez à la signature du marquis, il puisse en signer huit ou neuf. Le soir, à huit heures, vous mettrez son bureau en ordre, et à dix vous serez libre.
Il se peut, continua l'abbé Pirard, que quelque vieille dame ou quelque homme au ton doux vous fasse entrevoir des avantages immenses, ou tout grossièrement vous offre de l'or pour lui montrer les lettres reçues par le marquis...
- Ah ! monsieur ! s'écria Julien rougissant.
- Il est singulier, dit l'abbé avec un sourire amer, que, pauvre comme vous l'êtes, et après une année de séminaire, il vous reste encore de ces indignations vertueuses. Il faut que vous ayez été bien aveugle !
Serait-ce la force du sang ? se dit l'abbé à demi-voix et comme se parlant à soi-même. Ce qu'il y a de singulier, ajouta-t-il en regardant Julien, c'est que le marquis vous connaît... Je ne sais comment. Il vous donne pour commencer cent louis d'appointements. C'est un homme qui n'agit que par caprice, c'est là son défaut ; il luttera d'enfantillages avec vous. S'il est content, vos appointements pourront s'élever par la suite jusqu'à huit mille francs.
Mais vous sentez bien, reprit l'abbé d'un ton aigre, qu'il ne vous donne pas tout cet argent pour vos beaux yeux. Il s'agit d'être utile. A votre place, moi, je parlerais très peu, et surtout je ne parlerais jamais de ce que j'ignore.
Ah ! dit l'abbé, j'ai pris des informations pour vous ; j'oubliais la famille de M. de la Mole. Il a deux enfants, une fille, et un fils de dix-neuf ans, élégant par excellence, espèce de fou, qui ne sait jamais à midi ce qu'il fera à deux heures. Il a de l'esprit, de la bravoure ; il a fait la guerre d'Espagne. Le marquis espère, je ne sais pourquoi, que vous deviendrez l'ami du jeune comte Norbert. J'ai dit que vous étiez un grand latiniste, peut-être compte-t-il que vous apprendrez à son fils quelques phrases toutes faites, sur Cicéron et Virgile. (Stendhal, Henri Beyle, "Le Rouge et le noir", 1830, Livre II, Chapitre I)>>.
- <<En entrant à Clochegourde, je reçus un nouveau coup. Je trouvai Jacques, Madeleine et l'abbé de Dominis agenouillés tous trois au pied d'une croix de bois plantée au coin d'une pièce de terre qui avait été comprise dans l'enceinte, lors de la construction de la grille, et que ni le comte, ni la comtesse n'avaient voulu abattre. Je sautai hors de ma voiture et j'allai vers eux le visage plein de larmes et le coeur brisé par le spectacle de ces deux enfants et de ce grave personnage implorant Dieu. Le vieux piqueur y était aussi, à quelques pas, la tête nue.
- Eh ! bien, monsieur, dis-je à l'abbé de Dominis en baisant au front Jacques et Madeleine qui me jetèrent un regard froid, sans cesser leur prière. L'abbé se leva, je lui pris le bras pour m'y appuyer en lui disant : - Vit-elle encore ? Il inclina la tête par un mouvement triste et doux. "Parlez, je vous en supplie, au nom de la Passion de Notre-Seigneur ! Pourquoi priez-vous au pied de cette croix ? pourquoi êtes-vous ici et non près d'elle ? pourquoi ses enfants sont-ils dehors par une si froide matinée ? Dites-moi tout, afin que je ne cause pas quelque malheur par ignorance. (Honoré de Balzac, "Le Lys dans la vallée", 1836, Partie 3, Les deux femmes)>>.
- <<D'Artagnan s'élança dans la direction indiquée et trouva un de ces escaliers extérieurs comme nous en voyons encore aujourd'hui dans les cours des anciennes auberges. Mais on n'arrivait pas ainsi chez le futur abbé ; les défilés de la chambre d'Aramis étaient gardés ni plus ni moins que les jardins d'Armide ; Bazin stationnait dans le corridor et lui barra le passage avec d'autant plus d'intrépidité qu'après bien des années d'épreuve, Bazin se voyait enfin près d'arriver au résultat qu'il avait éternellement ambitionné. (Alexandre Dumas père, "Les Trois mousquetaires", 1844, Chapitre XXVI, La thèse d'Aramis)>>.
(j) Voir Hégoumène. La Chaise-Dieu. Martin de Barcos. Pierre Abélard. Robert de Turlande. Saint-Cyran.
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Mis en ligne le Mardi 10 Juin 2008
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