Diane de Châteaumorand


(a) Fille d'une grande famille du nord du Forez, Diane Lelong de Chenillac (30 novembre 1561-8 mars 1626), dame de Châteaumorand, fut d'une beauté légendaire. Diane est la fille de Antoine Lelong de Chenillac et de Gabrielle de Lévis-Charlus. Antoine Lelong de Chenillac a hérité d'Antoine de Lévis, à la condition qu'il reprenne le nom et les armes de Châteaumorand. Née le 30 novembre 1561, Diane n'a pas 10 ans quand, le 22 octobre 1571, à Ecotay, est signé le contrat de mariage de Diane de Châteaumorand avec Anne d'Urfé (alors âgé de 16 ans). Le mariage réel fut célébré en 1574. Diane avait 13 ans. Il est possible que les deux familles se soient brouillées après le mariage. Antoine Lelong de Chenillac, mort en 1573 et Gabrielle de Lévis-Charlus étaient protestants. Anne d'Urfé dirigeait la Ligue des Catholiques dans le Forez.


(b) Secret de polichinelle. Diane de Chateaumorand est aussi le grand amour d'Honoré d'Urfé. Il a 7 ou 8 ans quand elle devient sa belle-sœur. Pendant 10 ans, il vit à proximité d'elle. Par décision parentale, Honoré devient Chevalier de Malte, au plus tard le 12 janvier 1584. Il fait alors ses études au collège de Tournon. A 16 ans, il revient à la Bastie d'Urfé et à Montbrison. C'est probablement à cet âge qu'il tombe amoureux d'une belle-sœur que son mari délaisse. Dans "le Sireine", achevé le 24 novembre 1596 et publié en 1604, Honoré d'Urfé décrit l'amour impossible de Sireine pour Diane. Les noms des héros sont empruntés à la Diana de Jorge de Montemayor. Sous les noms de Diane et d'Astrée, Diane de Châteaumorand sera encore la muse de "L'Astrée". Elle est morte le 8 mars 1626, un an après Honoré (1 juin 1625).


(c) Le Château Morand est à Saint-Martin d'Estréaux. L'Allée de Diane cultive son souvenir. Aux bords de la Loire, à Saint-Nizier-sous-Charlieu, le couvent des Cordeliers contient les gisants des seigneurs de Châteaumorand. On n'était pas peu fier, chez les Châteaumorand. D'autant que, par sa mère, Diane appartient aussi à la puissante famille de Lévis, qui tient encore le château de Couzan, aux alentours de Boën. Cette lettre d'Astrée à Céladon pourrait bien être un auto-portrait de Diane de Châteaumorand :


- <<Je suis soupçonneuse, je suis jalouse, je suis difficile à gagner, et facile à perdre, et puis aisée à offenser et très malaisée à rapaiser. Le moindre doute est en moi une assurance : il faut que mes volontés soient des destinées, mes opinions des raisons, et mes commandements des lois inviolables. (Partie I, Livre III)>>. Diane et Honoré sont comme le chêne et le roseau : <<Je romprais plutôt que de plier>>.


(d) Premier mari de Diane, Anne est amoureux de Marguerite Gaste de Lupé. Il sera fidèle à cet amour, au moins dans ses poèmes. A la fin de la Guerre de Religion, celle de la Ligue Catholique contre Henri IV, Anne d'Urfé abandonne sa capitainerie de Montbrison et le gouvernement du Forez. Diane fait annuler son mariage par le pape pour dol et non-consommation. Déclaré impuissant, Anne devient prêtre. Il dit sa première messe à Saint-Just-en-Chevalet. Puis il est doyen du chapitre des chanoines de Notre-Dame d'Espérance à Montbrison, chanoine-comte de Lyon et prieur de Montverdun.


(e) Après l'annulation du mariage (18 Mai 1599) de Diane et de son frère, Honoré d'Urfé fait casser ses vœux monastiques (pour dol). Il revient à la vie civile. Honoré épouse Diane le 15 février 1600. Fâchés contre Diane et Honoré, les d'Urfé sont tous absents de la cérémonie. Les époux habitent Châteaumorand, Virieux-le-Grand ou Paris (1608-1610). Puis, comme Héloïse et Pierre Abélard, vers 1613, les époux se séparent pour une raison restée inconnue.


(f) Peut-être ces deux couples ont-ils considéré que l'amour libre, voire l'amour impossible, était préférable au mariage institutionnel ? Ce thème est en effet celui des "Épîtres nouvelles" (1598, 1603, 1608) et de L'Astrée, les oeuvres principales d'Honoré. Il sera repris dans les salons, les ruelles et les écrits des Précieuses.


(g) S'agit-il de l'amour de l'absent ou de l'amour de l'absence ? S'agit-il d'un féminisme précurseur ? A cette époque, les exigences d'un amour entre égaux paraissaient-elles incompatibles avec l'obligation de tenir son rang ? Honoré avait probablement conscience des contradictions entre le monde de la guerre et le monde de l'amour. La vanité de Diane de Châteaumorand a généré des difficultés "diplomatiques" (avec Monsieur le maréchal de Saint-Géran, Intendant du Limousin) qui ont pu provoquer leur séparation à l'amiable. Pourtant, il est probable que les deux époux soient restés fidèles l'un à l'autre. L'évocation de cet amour impossible a fait le succès de l'Astrée et des commentaires à son sujet.


(h) Jacques I er d'Urfé et Renée de Savoie ont eu de nombreux fils. L'un d'eux se nommait Jacques comme son père. Antoine d'Urfé, abbé de la Chaise-Dieu, est mort prématurément. Entre Anne et Honoré, il y en a toujours eu un dans le métier de guerre (allié par mariage aux Châteaumorand) et l'autre dans la religion. Honoré a commencé sa vie adulte dans un ordre régulier. Anne a terminé la sienne dans un ordre séculier. Diane de Chateaumorand était un maillon important dans une chaîne d'alliances matrimoniales nobiliaires. Comme Jocaste, Diane fait la navette entre les hommes. Dans ces affaires de famille, nous sommes assez loin de l'amour que voulaient chanter les deux frères dans leurs écrits. De plus, les conflits de la Ligue ont donné aux deux frères des occasions de traîtrise et de trahison. Anne d'Urfé fit-il arrêter Honoré à Feurs ? Anne démissionna-t-il de ses responsabilités auprès d'Henri IV dans l'espoir de rentrer en grâce auprès du duc de Nemours ? Toujours est-il que c'est Diane qui avança la rançon pour son beau-frère, prisonnier du parti de son mari.


(i) Pour les habitants du Forez, il y a une prédestination du prénom. La romaine Diane chasseresse et la grecque Artémis sont deux occurrences de la vierge farouche. Au temps des lamentables conflits d'héritage entre Jacques II d'Urfé et Jean-Claude de Lévis, le bailli de Forez colportat le bruit que les chiens de Diane avaient interdit sa couche à ses deux maris successifs. Malgré ses deux mariages, à coup sûr stériles et peut-être non-consommés, Diane de Chateaumorand aurait vécu loin du regard des hommes (et des rayons du soleil) :


- <<douée d'une telle chasteté qu'elle esgale la déesse des forests qu'on honore de son nom, et d'une beauté si naïve que si Xeuxe, Thimante, Androcide, Epompe et Parrhase étaient vivants, avec tous leurs pinceaux, ils ne sauraient contre-imiter le moindre des linéaments de son angélique visage. (Jean Ducrozet, "Philocalie", 1593)>>.


(j) Au début de 1605, Diane de Châteaumorand et Honoré d'Urfé firent un voyage à Lorette, paroisse de la Loire. Le pélérinage à Notre-Dame-de-Lorette était célèbre. La Vierge locale était connue <<pour obtenir des enfants aux personnes stériles (Bouche, "La Sainte vierge de Laurette")>>.


(k) Dans "La Princesse de Clèves", Madame de La Fayette fait dire par Madame de Clèves à Monsieur de Nemours, ce que Diane a pu dire à Honoré :


- <<Pourquoi faut-il, s'écria-t-elle, que je vous puisse accuser de la mort de M. de Clèves ? Que n'ai-je commencé à vous connaître depuis que je suis libre, ou pourquoi ne vous ai-je pas connu devant que d'être engagée ? Pourquoi la destinée nous sépare-t-elle par un obstacle si invincible ? (Madame de La Fayette, "La Princesse de Clèves", Tome IV)>>.


(l) Départ groupé. Anne d'Urfé, qui fut "comte de Tende, seigneur d'Urfé, seigneur souverain de Mare, baron de Chateaumorand, gentilhomme de la Chambre du Roi, de Forez, marquis de Baugé, seigneur de Saint-Just-en-Chevalet et de la Bastie...", puis "vicaire général de Savoie, aumônier du Roi, prieur commandataire de Montverdun de 1601 à 1621, curé de Champoly, de Saint-Just-en-Chevalet et de Saint-Martin-la-Sauveté" et chanoine-comte de Lyon, meurt en 1621. Honoré d'Urfé meurt en 1625. Diane de Châteaumorand le suit en 1626.


(m) Voir Assassinat de François Matin de la Merlée. Château de Lupé. Diane de Chateaumorand à Bonlieu. Discours au prince de Piémont. Eléonore de Calvacque. Forez de l'Astrée. Galathée. Huet. Hymne de l'Honnête Amour. La Fiancée de Lammermoor. Michel de Genétines. Monsieur de Loménie. Olivier Patru. Portrait d'Honoré d'Urfé. Préface à la bergère Astrée.




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Auteur.

Hubert Houdoy

Mis en ligne le Mercredi 11 Juin 2008



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