(A) Histoire.
(a) Du fait d'un clivage des représentations, il n'existe pas, en principe, de propriété privée en France, avant la Nuit du 4 Août 1789. Seule existe la tenure féodale. La Révolution française, seule, transforme la tenure en possession. On était "en possession" sans être propriétaire, mais tenancier.
(b) Ceci n'empêche pas une multitude de contrats de rachat et de revente des tenures. Mais toutes continuent à émaner du suzerain.
(c) Dès avant 1789, une partie de la noblesse française est favorable à l'abolition de la tenure royale et à l'instauration de la propriété privée.
(d) Antoine Lavoisier est un noble. Comme Fermier Général, il est chargé de la perception de la gabèle. Depuis des années, il dénoncait l'injustice des corvées au Comité d'agriculture. En 1787, l'électorat du Tiers Etat de Romorantin le choisit comme son représentant, à l'assemblée provinciale de l'Orléanais. A Orléans, Lavoisier propose d'abolir les privilèges de la noblesse. Pour remplacer les corvées, il suggère de faire payer la prestation par les inscrits aux rôles des vingtièmes.
(e) Cette instauration de la propriété privée, dont les principaux bénéficiaires sont les anciens grands féodaux, participe à un processus de mise en place d'une société marchande, sous l'influence du rôle croissant des marchands et du commerce.
- <<L'objectivité du réseau des marchandises qu'impose l'hypothèse de nomenclature construit un espace social dans lequel chacun peut se repérer, communiquer et transacter avec autrui. Les processus économiques qui conduisent effectivement à cette construction sont très divers. Ils mêlent logiques concurrentielles et réglementations étatiques. Si l'on songe aux transformations historiques qui ont conduit à ce que la terre devienne une marchandise appropriable privativement et librement cessible, on note que cela n'a pas été sans violence ni mutation profonde des mentalités. Aujourd'hui, ce qu'il est coutume d'appeler la «marchandisation du vivant» pose de semblables problèmes. (André Orléan, "Réflexion sur les fondements institutionnels de l'objectivité marchande", 20 février 2003, in Cahiers d'Économie Politique, "Qu'a-t-on appris sur les institutions", L'Harmattan, 2003)>>.
(f) Voir Economie de location. Economie de propriété. Economie de rente. Mandrin.
(g) Lire "Economie Crédit". "Rente Profit". "Seigneurs Marchands". "Villes Corporations".
(B) Logique.
(a) La propriété privée est la forme moderne ("contemporaine" ; pour combien de temps encore ?) de la propriété. Pour mieux la comprendre, caractérisons les périodes où Robinson Crusoé revendique puis abandonne la propriété de l'île. Quand l'île est la propriété de Robinson, Robinson possède l'île. A l'époque où Daniel Defoe situe l'action, ou même lorsqu'il écrit ce roman, le droit de propriété est récent. Il date de la Révolution Française ou de l'économie de rente en Angleterre. Ce droit de propriété est une transformation de la domination féodale sur les travailleurs (perception de la redevance féodale) et de la hiérarchie politique (fief, tenure féodale).
(b) Cette transformation s'est effectuée sous l'influence de la séduction marchande (concernant les biens de luxe, au bénéfice de l'artisanat, des marchands) et de la fascination de l'or (fétichisme bullionniste). Ce fétichisme a fait déroger les seigneurs de leur ordre guerrier (ils ne s'acquittent plus de la demande, la rogation, qui leur est faite), comme le fétichisme actuel des marchés financiers fait déréguler les États de leurs monopoles territoriaux.
(c) Mais si Robinson abandonne cette propriété, c'est qu'il se sent possédé. Il semble donc que ce qui était possible pour le père de Robinson et ce qui sera possible pour lui-même, à son retour en Angleterre, soit dangereux ou aliénant pour son humanité solitaire.
(d) La propriété privée serait possible en société, du fait de la division politique du travail qui y règne. En dehors de ce contexte, cette propriété comme cette division se transformeraient en possession psychique ou diabolique. L'hypothèse mérite d'être explorée.
(e) Selon la psychanalyse, le délire de possession est un trouble hallucinatoire. Il donne au sujet la sensation d'être habité par une autre personne, un animal, un démon. Par la sensation de morcellement, ce trouble peut être rapproché du clivage dont souffre le fétichiste.
(f) Quand Robinson n'est pas propriétaire de l'île, c'est elle qui a la propriété de permettre le développement de l'humanité à la fois comme population et comme qualité. L'île n'est plus un objet partiel, mais une approche de la globalité. C'est plutôt Robinson qui devient minuscule (fétu de paille flottant sur la mer) devant cette immensité. Elle apparaît alors comme une nature. Elle est ce que nous appelons un système spontané. Cette organisation potentielle est déjà-là, antérieure à toute humanité. Elle est à la fois rassurante (protectrice, nourricière), énigmatique (mystères, complexité) et terrifiante (orage, tempête, incendie, éboulement). Face à elle, il faut assumer les trois fonctions politiques.
(g) L'assomption puis l'abandon de la propriété font partie du parcours de Robinson. La propriété est une étape intermédiaire. Mais dès que l'individu Robinson la reçoit, comme reconnaissance de son travail, il la transmet à l'organisation Crusoé. Cela veut dire aussi que l'objectif et l'horizon du travail de Robinson changent considérablement.
(h) Voir Auri sacra fames. Assumer les trois fonctions. Besoin de reconnaissance. De la tenure à la propriété. Du jas aux jasseries. Le partage de la montagne de Roche. Malin. Mercantilisme bullionniste .
(i) Lire "Economie Crédit". "Economie Temps". "Ile Robinson". "Mise Mutuelle". "Production Appropriation". "Propriété Possession". "Rente Profit". "Robinson Crusoé". "Seigneurs Marchands". "Travail Narration". "Trois Niveaux". "Villes Corporations".
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Mis en ligne le Jeudi 24 Juillet 2008.
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