Signifiant



(A) Usage pour le Glossaire du Réseau d'Activités à Distance.



(a) Le signifiant d'un mot (signe linguistique) est l'image mentale de sa partie sonore (ce qui est distingué et reconnu dans le bruit, tel qu'il est émis quand on le prononce) ou visuelle (les lettres écrites selon l'orthographe du moment). L'évolution du signifiant (prononciation, écriture) d'un mot ne se confond pas avec celle de son sens.


(b) Quand nous voulons attirer l'attention du lecteur sur le signifiant d'un mot, nous le mettons <entre les signes d'inégalité>. Nous indiquons parfois sa première date d'utilisation connue (entre parenthèses).


(c) Quand nous voulons attirer l'attention du lecteur sur le signifié, la signification d'un mot, nous mettons le signifiant visuel "entre guillemets". C'est ainsi que l'on peut écrire que le sens "pierres" a d'abord été porté par le signifiant latin <lapis, lapidis> puis par le signifiant français <pierre>. Ce dernier est utilisé un peu avant l'An Mille (980).


(d) Matérialité, même légère. Ce n'est ni avec le signifiant ni avec le signifié que furent construites les églises de l'An Mille. L'un et l'autre sont trop légers et relativement instables. Sans parler de l'ambiguïté du sens : <<Simon ! Tu es Pierre et sur cette pierre, je bâtirai mon Église !>>. Pourtant, sans eux, architectes et maçons n'auraient jamais pu coordonner leurs efforts, par la pensée.



(B) Terme de Linguistique.



(a) Le signifiant est une des deux faces du signe linguistique. L'autre face est le signifié.


(b) La métaphore du signe, comme pièce de monnaie à deux faces et dotée d'une valeur, est due au linguiste Ferdinand de Saussure (1853-1913). Ce savant genevois est un arrière petit-fils du naturaliste, Horace Bénédict de Saussure (1740-1799), qui organisa la première "expédition" au Mont-Blanc.


(c) Citation :


- Signifiant : <<Terme constituant du signe avec le signifié ; partie du signe qui en est la manifestation matérielle (sous la forme d'une suite de sons, image acoustique ; de lettres; de caractères), forme qui constitue le support d'un sens" (Encyclopédie Hachette)>>.


(d) Voir Blaise Pascal. Pression atmosphérique.



(C) Terme de Psychanalyse.



(a) Avec l'opposition de la métaphore et de la métonymie, Jacques Lacan a donné une grande importance au signifiant.


(b) Sa manière de parler et ses jeux de mots témoignaient pour sa conception de l'inconscient, <<structuré comme un langage>>.


(c) D'où l'importance, pour un théoricien du manque et de la castration symbolique, du Signifiant phallus.


(d) Il importe de voir que le signifiant n'est pas la matérialité du son (ou de la lettre écrite), mais le système des oppositions entre les éléments de la signification (double articulation du langage). Dans le structuralisme ambiant, en prônant le signifiant plutôt que la structure, Jacques Lacan refuse le concept de totalité. Il s'agit donc, pour la psychanalyse, de montrer comment se construit l'illusion de la totalité, au sein d'une globalité. Si la totalité est une illusion et non pas la réalité, elle est construite avec l'aide du fétiche.


- <<Dans une formule devenue célèbre, Lacan a soutenu que l'inconscient était structuré comme un langage. Pour pouvoir dire cela, il faut supposer qu'on dispose d'une définition générale et non vide de ce qu'est ou n'est pas un langage. Un langage, dira-t-on alors, est un ensemble où (i) la métaphore et la métonymie sont possibles comme lois de composition interne et (ii) où seules la métaphore et la métonymie sont possibles. La notion de langage se révèle donc être un cas particulier d'une notion plus générale. La question se pose : comment nommer cette notion plus générale ? On connaît la solution des structuralistes : la notion générale se définit comme structure. Lacan n'a jamais admis cette solution, qui a le défaut de mettre l'accent sur les totalités (en ce sens, Lacan est certainement un antistructuraliste convaincu) ; le nom qu'il a proposé pour désigner le mode d'existence spécifique de ce qui a les propriétés d'un langage (sans relever nécessairement du langage) met l'accent non sur la totalité, mais sur l'élément : c'est le signifiant. Est donc signifiant ce qui n'a d'existence et de propriétés que par opposition, relation et négation. D'où la proposition : "le signifiant représente le sujet pour un autre signifiant" ; la définition stricte du signifiant y repose sur l'expression "représenter pour", sténogramme d'une existence oppositive, relative et négative. Le terme signifiant vient évidemment de Saussure, mais non sans une profonde modification : sont abandonnés l'horizon du signe et du même coup l'opposition actif / passif qui modelait le couple signifiant / signifié. Comme le signale son nom même, le signifiant est essentiellement action. (Encyclopaedia Universalis, article "Linguistique et Psychanalyse")>>.


(e) Ambiguïté de la théorie lacanienne du signifiant.


- <<Dans la théorie du signifiant – je ne vais pas revenir sur ce que j'ai fait il y a quelques années – même ce que Lacan met au tout début des "Ecrits" avec cette histoire de chaîne de Markov, rien n'a jamais été capable de surmonter cette ambiguïté. Les chaînes de Markov, est-ce que c'est une pure combinatoire dans laquelle c'est de manière complètement logique que tous les termes sont à leur place, ou est-ce qu'il se passe de temps en temps quelque chose comme un processus qui ressemblerait à une contrainte s'exerçant sur le psychisme ? Est-ce que c'est en quelque sorte l'application d'une règle, ou bien est-ce que notre psychisme suit une loi ? Si la règle consiste à ajouter +1, alors c'est 3+4+5+6, d'accord… Ou bien est-ce que c'est une sorte de contrainte comme la loi de gravitation s'exerçant entre représentations mentales qui fait que je serais psychiquement «déplacé» de 3, à 4, à 5, à 6, etc. ? Remarquez l'équivoque permanente, n'est-ce pas : parce que lorsqu'on est en face d'une association, comment doit-on la traiter ? Est-ce qu'il y a quelque chose là comme un déplacement où le sujet obéit à des lois au sens des lois naturelles avec des consécutions de positions – sauf que ce sont des positions «mentales» -, ou bien faut-il déceler le type de règle auquel le sujet obéit pour incorporer le cas suivant ou figure suivante de ce qu'il est en train d'énoncer ? Cette ambiguïté entre la règle et la loi, on va la retrouver au cœur de cette difficulté de comprendre ce que c'est que le sentiment de contrainte psychique. Est-ce que celui qui subit une contrainte psychique, qui ne peut pas ne pas faire quelque chose, par exemple, dans une phobie d'impulsion… Rien que d'employer le mot d'impulsion, vous vous situez dans le vocabulaire de la physique, comme s'il y avait quelque chose dans sa tête qui poussait ! Et on peut très bien décrire les choses comme ça : nous avons une représentation de notre vie mentale sur ce mode-là ! Ou bien, et c'est ce qu'il s'agit de comprendre, quel type, éventuellement méconnu, de logique s'exerce de manière méconnue - puisque toute règle, à la différence des lois, on peut ne pas la suivre –, est-ce que c'est plutôt quelque chose de cet ordre-là ? Même l'obsédé soumis à la phobie d'impulsion la plus virulente – la mère qui se demande si elle ne va pas tuer son enfant – peut rester suspendu dans la question de savoir – c'est pour ça d'ailleurs qu'elle le décrit comme une phobie d'impulsion, elle a peur de l'impulsion, et l'impulsion comme vous le savez, n'est qu'extrêmement rarement mise en acte dans la névrose obsessionnelle. Il est curieux de parler d'une contrainte qui aurait pour propriété de ne jamais se réaliser par un effet ! Les gens peuvent passer des années et des années à se dire qu'ils vont se planter un couteau dans la gorge, mais il est absolument rarissime de découvrir des gens qui se sont tués en se plantant un couteau dans la gorge, et les seuls cas qu'on connaisse, c'est les psychotiques qui ont eu des hallucinations, alors que ce fantasme de s'égorger est une banalité à pleurer dans la cure de milliers d'obsessionnels. (Pierre-Henri Castel, Séminaire 2004, "La névrose obsessionnelle", Séminaire du 23 septembre 2004, document du web)>>.


(f) Lire "Fétiche Totalité".



(D) Importance pour des disciplines qui l'ignorent.



(a) On peut donner un exemple de l'importance du signifiant dans les mécanismes primaires de l'inconscient.


(b) Soit un jeune garçon, vivant dans un univers familial :


- religieusement intégriste ;


- politiquement réactionnaire ;


- socialement raciste.


(c) Cet enfant a toutes les "chances" d'entendre parler de "ratonnade" par des nostalgiques de l'O.A.S. Il a aussi toute probabilité de passer une partie de son dimanche matin à la messe.


(d) Un jour ou l'autre, l'Epître ou l'Evangile du jour citera cette parole de Jésus-Christ à ses apôtres :


- <<Vous êtes le sel de la Terre. Si le sel perd sa saveur, avec quoi le salera-t-on ?>>.


(e) Dans un tel contexte, il n'est pas improbable qu'il finisse par se convaincre que Jésus a parlé de <sale raton>. De là à se trouver une vocation à les éliminer...


(f) Au Lycée, ce jeu de mots, ce calembour était devenu une véritable obsession chez un de nos condisciples.


(g) C'est pourquoi, nous attachons de l'importance :


- au langage quotidien ;


- aux blagues sexuelles ;


- aux oppositions paradigmatiques ;


- à leurs connotations bavardes ;


- aux termes polysémiques, comme celui de conception.


(h) Dans "La Domination masculine", Pierre Bourdieu a parlé d'une véritable construction sociale des corps. Mais le possibilisme n'est pas le déterminisme.


(i) Voir Chasteté. Métaphore. Métonymie. Névrose obsessionnelle. Rire. Le Rire. Un fameux con.


(j) Lire "Domination Masculine".