Coruscant



(A) Adjectif.



(a) Apparition. L'adjectif <coruscant, coruscante> est attesté à la fin du XV ème siècle, sous la plume de l'écrivain Jean Lemaire des Belges (1473-1520).


(b) Définition. <Coruscant> signifie "brillant".


(c) Etymologie. <Coruscant> dérive de <coruscans>, participe présent du verbe latin <corusco, as, avi, atum, coruscare> signifiant "menacer de la corne", "frapper de la corne", "cosser", "brandir", "vibrer", "vaciller", "briller d'un éclat vacillant", "miroiter", "chatoyer", "scintiller", "flamboyer", "lancer des éclairs", "briller comme un éclair", "étinceler". Le nom féminin <coruscation>, "vif éclat de lumière", datant de la fin du XIII ème siècle, vient du nom latin féminin <coruscatio, onis> signifiant "miroitement", "scintillement", "apparition d'éclairs".


(d) En littérature, depuis Paul Bary, on parle d'un "style coruscant", qui recherche les termes rares, pour leur archaïsme. On l'applique à des auteurs comme Georges Eekhoud ("La Nouvelle Carthage", 1888, et "La Faneuse d'amour", dont nous donnons des citations).


(e) Références d'usage du terme :


- <<Gilkin, changeant de cap, allait bientôt condamner la "sauvagerie" langagière qu'il avait prônée sous l'influence d'un certain naturalisme ; mais elle séduisit, diversement interprétée, bon nombre des écrivains qui adhéraient au mouvement rénovateur, collaboraient à ses organes, "L'Art moderne" et "La Jeune Belgique", fondés en 1881. On constate que, au cours des deux dernières décennies du XIXe siècle, beaucoup d'écrivains francophones de chez nous adoptèrent, les uns avec persévérance, les autres à un moment de leur carrière, un style qui se singularisait non seulement par ses particularités lexicales, sa prédilection pour les vocables rares, archaïques, régionaux, dialectaux ou néologiques, mais aussi par ses manipulations du matériel grammatical et par ses distorsions syntaxiques. C'est Paul Bay qui prit l'initiative d'accoler à ce style l'épithète coruscant, qui vient du verbe latin coruscare, "étinceler", et qui signifie, au choix, vif, brillant, insolite. Donnons en exemple deux textes. Le premier, extrait de "Kees Dourik" (1883) de Georges Eekhoud, montre que la phrase coruscante, au point de vue du vocabulaire, est un mélange adultère de tout : "D'autres se rabattent sur les scholles fleurant les varechs et la marée morte, et, safres, à grands coups d'incisives, en arrachant la chair ligneuse, depuis la peau jusqu'à l'arête ; puis, par désoeuvrement, ils achètent des jointées de noisettes qu'ils pochettent pour les grignoter en flânant et dont ils jettent les écailles au visage des tortillons de leur connaissance. Les bourgeois marchandent en les patrouillant ces pains d'épice de Hollande, plaqués d'écorce d'orange et de véronique, que leur vendent, avec des saltations de pantins, des commères hommasses et mafflues". (Paul Delsemme, "Le style coruscant, mouture belge de l'écriture artiste des Concourt", document du web, 15 novembre 2007)>>.


- <<La psychanalyse donc, pour évaluer "l'impact de l'individuel sur l'exercice du pouvoir suprême". Celle-là réussira-t-elle à dévoiler le surmoi présidentiel ? M. Moscovitz semble en douter. Dans ce dialogue vif et coruscant entre le journaliste et le praticien, c'est plus souvent le premier qui s'essaye à la psychanalyse quand le second s'en tient à la politique. Ainsi cet échange : "Il s'occupe de tout le monde et il étouffe tout le monde !", s'enflamme M. de l'Ecotais. A quoi Jean-Jacques Moscovitz répond : "Ce que vous décrivez là n'est pas un symptôme mais une politique." ("Trois traités drôlatiques de sarkologie", in Le Monde, 18 Juin 2008, Le livre du jour)>>.



(B) Toponyme.



(a) Dans "La Guerre des étoiles" ou "Star Wars", Coruscant, ville-planète toujours illuminée, est la capitale de l'empire galactique.


- <<Coruscant est une planète fictive majeure dans l'univers de la Guerre des étoiles. Surnommée «le Pivot» ou encore «le Joyau des Mondes du Noyau», elle est située près du centre de la galaxie, en bordure du Noyau et fut la capitale de la République Galactique, puis de l'Empire Galactique et enfin de la Nouvelle République après la chute de l'Empire. Probablement le berceau de l'humanité, ce monde a de tout temps été le centre névralgique de la galaxie. Elle se trouve aux coordonnées 0-0-0 dans le repère spatial galactique, à l'intersection des plus grandes routes commerciales. La planète est cosmopolite et entièrement urbanisée, éclairée en permanence de jour comme de nuit. Les océans ont été asséchés depuis bien des millénaires et les calottes polaires approvisionnent la planète en eau douce, tandis que la quasi-totalité des denrées de la vie de tous les jours est importée. Le climat est uniformément contrôlé et tempéré. La ville s'enfonce autant sous terre qu'elle s'élance vers les cieux. Les plus hauts gratte-ciel percent les nuages. Les bas-fonds de Coruscant (situés en deçà de la couche de brume perpétuelle qui stagne à quelques dizaines de mètres du sol) sont parmi les endroits les plus mal famés de la galaxie et sont peuplés de créatures méconnues et dangereuses même pour les Jedi. À l'inverse, l'ascension sociale est à mettre en parallèle avec l'ascension au sens le plus propre du terme, sur Coruscant. Il y a véritablement ségrégation socio-spatiale : les plus riches et les plus hauts fonctionnaires vivent dans les bâtiments les plus hauts ou l'air est purifié et sain, les classes moyennes quelques étages en dessous. On y rencontre toutes les espèces de la galaxie. Encore quelques étages plus bas, c'est le territoire des criminels et autres pirates. Ici, il n'y a plus de système de purification de l'air et il est donc particulièrement toxique. Ce territoire est aussi dangereux car les plans sont mal connus sauf des habitants. Il y a quelques exceptions comme Dometown. Puis dans les sous-sols de Coruscant, vivent des créatures encore moins recommandables que les criminels tel que des rats géants de 3 m de long. Les deux chambres de l'Ancienne République, le dôme du Sénat Galactique et l'imposante masse pyramidale du Temple Jedi coiffée de ses cinq tours élancées, se trouvent sur Coruscant, ainsi que, plus tard, le titanesque palais de Palpatine. Les estimations de la population planétaire donnent lieu à des résultats divers et variés. Les nombres de l'ordre de la centaine de millions ou du milliard semblent ridiculement bas, mais on s'engage à dire que la population serait d'au moins un billion d'habitants (c'est-à-dire mille milliards), à ne pas confondre avec 1 trillion en anglais qui équivaut à 1 billion en français (puisqu'en anglais billion signifie en fait milliard). Cela n'a rien d'étonnant quand on sait que la quasi-totalité de la planète est fortement urbanisée (avec une densité de population particulièrement élevée si l'on tient compte de la verticalité importante du bâti). (Wikipédia)>>.


(b) Le géographe Alain Musset, auteur d'une thèse sur la mégapole de Mexico, a consacré un ouvrage à cette ville de la fiction, "De New York à Coruscant. Essai de géofiction" (PUF, 2005). Ses sources sont plus les romans associés que les films de la double trilogie. Il a exposé ses recherches lors d'une conférence publique à la Cité des Sciences et de l'Industrie (Paris, La Villette), dont la vidéo est consultable gratuitement.


- <<"De New York à Coruscant, essai de géofiction" (Alain Musset). Après le succès de la sortie cinématographique du dernier opus de la saga "Star Wars", Alain Musset analyse la portée de l'univers imaginaire décrit dans ces épisodes de science-fiction. Dès l'introduction, l'auteur, dans une formule provocatrice, pose son sujet. En effet, cette approche de la géographie urbaine est novatrice : partant d'un objet d'étude virtuel et imaginaire, la capitale intergalactique de Star Wars, nommée Coruscant, c'est la somme de toutes les peurs nord-américaines face à la ville et à l'urbain qui sont mises en exergue, avec talent et justesse. Le plan d'ensemble de l'ouvrage permet de varier les échelles de l'étude de géographie urbaine. Une première partie s'attache à délimiter les caractères externes de la domination de cette ville-planète sur l'ensemble de la galaxie. Capitale politique, économique et culturelle, Coruscant est organisée en différents secteurs : secteur des lieux du pouvoir global, secteur industriel, secteur des affaires, et elle organise la galaxie selon un modèle centre / périphérie. Entre planètes ateliers, flux et réseaux centrés, toutes les descriptions renvoient à de nombreuses notions : division internationale du travail, «cité globale» (Saskia Sassen, 1991), «archipel mégalopolitain mondial» (Olivier Dollfus, 1996), «métapole» (François Ascher, 1995), Central Business District, «maquiladoras» mexicains ou, encore, développement durable. Les modèles des auteurs de la saga Star Wars sont à peine masqués : New York, Sao Paulo, Mexico, les plus grandes métropoles de la planète Terre. Coruscant fonctionne à l'échelle de la galaxie comme un formidable aimant pour les activités économiques, pour les flux d'informations et pour les hommes et les différentes espèces et races de l'espace. Mais cette cité a été au bout de la logique territoriale de l'urbain : désormais intégralement construite elle doit faire face à de nombreux défis. Une deuxième partie présente alors une étude intra-urbaine de Coruscant. La capitale intergalactique est l'aboutissement d'une longue histoire urbaine qui a vu étalement et empilement en un même lieu de nombreuses strates urbaines. Différentes échelles de temps et d'espace se sont combinées dans un territoire en perpétuel mouvement vers une modernité toujours plus poussée. Les paysages urbains sont marqués par la présence de bâtiments symboliques : le Sénat galactique, la Palais impérial, le Temple Jedi et, surtout, une «skyline» sans limite, hérissées de tours et de flèches aux formes agressives, autant de stéréotypes architecturaux de la grandeur américaine véhiculés dans le monde entier par le cinéma hollywoodien. Tous les espaces naturels ont disparu : la nature s'est réfugiée dans quelques niches ou dans les zoos et jardins botaniques. Les forces naturelles ont été domestiquées : la topographie disparaît sous l'urbanisation, le climat est régulé depuis l'espace, les eaux, océaniques et continentales sont transformées en canalisations et réservoirs souterrains. L'étalement urbain, «urban sprawl» des Nord-Américains, est total et a abouti à un espace urbain labyrinthique et complexe qui laisse place à des sentiments ambivalents, entre fascination et rejet. Devant une telle marée urbaine qui abrite mille milliards d'individus, la gestion urbaine doit répondre à tous les maux d'une grande métropole : autosuffisance alimentaire, congestion, pollution, traitement des déchets et insécurité. Mais dans un tel univers les frontières classiques entre ville et campagne et entre ville et espace urbain sont abolies : «quand tout est ville, plus rien n'est ville» (p.50). La troisième partie du livre s'attache aux frontières internes de la ville : la fragmentation spatiale et sociale. La morphologie urbaine impose une segmentation verticale de la société : la hauteur des logements est un marqueur de hiérarchie sociale. C'est une transcription métaphorique de la division sociale, qui, poussée à l'extrême, mène à l'exclusion, à la misère et à la violence. Star Wars reflète et annonce les problèmes de délinquance des cités nord-américaines sur lesquelles plane l'ombre des gangs ethniques. Les tensions résultent en partie de l'absence de lieux de sociabilité (rues, places) dans une cité marquée par le gigantisme et l'ampleur des disparités socio-économiques. Les derniers espaces de sociabilité de Coruscant semblent s'être réfugiés dans les bas-fonds : tripots, salles de spectacle, casinos, cafés, car dans le haut de la ville n'existent que des territoires du filtrage social où la sécurité est garantie. La dernière partie expose «les mille morceaux de Coruscant» où la séparation des groupes ethniques et des catégories socio-professionnelles, culturelles et économiques a conduit à un éclatement de la ville, selon les notions de «villes fragmentées» (Peter Marcuse, 1995) ou de «séparation naturelle» (Ecole de Chicago, années 1920). Les comportements individuels discriminatoires peuvent alors aboutir à un enfermement volontaire dans la forme du ghetto ou de l'enclave, voulue, assumée et qui sert d'affirmation identitaire («gated community» américaine). La proximité spatiale des espèces ne signifie en effet pas la mixité. Cette quatrième partie de l'ouvrage s'achève sur la comparaison de Coruscant avec les Monades urbaines de Robert Silverberg (1971) et à la Monadologie de Leibniz (1714). En conclusion, Alain Musset évoque le destin de Coruscant, détruite par deux fois, nouvelle métaphore de la mort des villes et de la cité qui guette les cités globales dans la vision nord-américaine. Mais, «à l'heure de la mondialisation, l'avenir des citadins repose entre les mains du citoyen» (p. 185). Au total, ce sont toutes les angoisses de la société urbaine nord-américaine qui surgissent : dégâts écologiques des révolutions industrielles, ségrégation spatiale et sociale produisant des fantasmes sécuritaires dans les classes moyennes et supérieures, entassement de la population, géopolitique du contrôle des ressources alimentaires et aquatiques, gestion des déchets et pollution globale de toutes formes de nature. La ville devient alors la métaphore de la menace pesant sur les sociétés postmodernes : l'urbanisation galopante et incontrôlée dont on peut mesurer les effets depuis les années 1950. Coruscant serait à cet égard une ville postmoderne qui a achevé sa transition urbaine mais qui a suivi le pire des scénarios possibles, Babel du monde contemporain. Alain Musset offre ainsi aux lecteurs dans son essai une surprenante analyse qui devient un véritable manuel de géographie et de sociologie urbaines sur les grandes métropoles dans le monde, que tout étudiant ou géographe devrait lire. Il associe une réflexion géographique de premier ordre et une écriture agréable à lire au service d'un thème peu conventionnel qui rafraîchit la discipline en la faisant sortir de son académisme. (Alexandra Monot, Compte-rendu de l'ouvrage pour "Les Cafés géographiques", document du web)>>.


(c) Voir Du côté obscur de la force.








* * *


Auteur.

Hubert Houdoy

Mis en ligne le Vendredi 20 Juin 2008



Explorer les sites.

Réseau d'Activités à Distance

A partir d'un mot

Le Forez

Roche-en-Forez



Consulter les blogs.

Connaître le monde

Géologie politique


Nota Bene.

Les mots en gras sont tous définis dans le cédérom encyclopédique.