(A) Terme de Psychanalyse.
(a) Stade du miroir. La référence à l'imaginaire est principalement lacanienne. L'étayage de l'imaginaire opère à partir du leurre visuel.
- <<En général, la fonction de l'image par rapport à l'organisme vivant peut être déterminée par la seule «expérimentation biologique». Le «stade du miroir» ne présente, tout d'abord, aucune originalité, aucune spécificité particulière de l'être humain par rapport à l'animal. On peut en effet observer que chez la pigeonne, la maturation des glandes sexuelles (les «gonades») dépend de la perception d'une image réelle ou spéculaire d'un pigeon mâle. De la même manière, chez certains types de criquets, l'alternative entre l'espèce solitaire et l'espèce grégaire est déterminée par la présence ou l'absence de l'image animée d'un insecte du même genre. En partant de cette «expérience biologique», il est possible d'induire que l'image peut être un élément «génétique» fondamental chez l'être vivant, pour autant qu'elle a une fonction de déclencheur de certains processus de maturation et de développement proprement organiques. La dimension imaginaire qui intervient à ce niveau de la maturation biologique pourra aussi être retrouvée sur le plan du comportement sexuel de l'animal adulte. Le cycle comportemental sexuel de l'animal se déclenche grâce à la reconnaissance d'une «Gestalt» qui peut être réduite à un nombre très restreint de traits spécifiques. L'animal ne distingue pas entre la présence réelle d'un autre animal et la reproduction artificielle d'une image. Ainsi, Lacan peut soutenir que la maturation et le comportement sexuel sont essentiellement soumis à la possibilité de l'image et de son leurre. La «dimension imaginaire» s'introduit par ce biais. Les premières déterminations de la dimension imaginaire, induites à partir de la seule expérience empirique, permettent d'inscrire le développement et la maturation du nourrisson humain dans le même processus que celui de l'animal. (Thierry Simonelli, "Le Moi chez Freud et chez Lacan", document du web)>>.
- <<La seule fonction homogène de la conscience est dans la capture imaginaire du moi par son reflet spéculaire et dans la fonction de méconnaissance qui lui reste attachée. (Lacan)>>.
(b) Je dois advenir. Au moi qu'il considère comme aliéné, Jacques Lacan oppose le "Je", acteur de la parole. Celui-ci est le sujet divisé de l'inconscient. C'est l'inconscient qui parle et le Je s'en distingue peu à peu. D'ailleurs, <<L'inconscient est structuré comme un langage. (Jacques Lacan)>>.
(c) Alain Touraine en tire une conception du Sujet divisé entre identité et instrumentalité qui tranche autant avec le holisme traditionnel de la sociologie qu'avec l'individualisme méthodologique de l'économie.
(d) Dans "Imaginaire et Imagination" (Encyclopédia Universalis), Pierre Kaufmann (professeur honoraire de philosophie à l'université de Paris-X-Nanterre) pose le problème ainsi :
- << La représentation "fantastique" ne se connaît pas d'original, elle est sans modèle dans le réel, mais elle soutient ce paradoxe de prêter à un contenu irréalisable, ou pour le moins tenu pour irréel, l'apparence d'une réalité. Mais de ce déplacement surgit précisément le problème de l'imaginaire : comment l'image, en tant qu'image, peut-elle parodier le réel ? Comment l'image destinée à reproduire les traits caractéristiques d'un objet se trouve-t-elle revendiquer dans l'imaginaire les traits d'une quasi-réalité ? La relation de l'image à l'imaginaire n'est pas un aspect particulier du problème, c'est le problème même de l'imaginaire.>>.
(e) Pour la psychanalyse, l'inconscient s'exprime par un discours dont le rêve, le lapsus, l'acte manqué, le symptôme, le stigmate ou l'extase mystique sont des fragments épars. Le psychanalyste y entend la tentative et le blocage de la parole de vérité d'un désir. Le rêve n'est pas seulement l'expression d'un désir.Le rêve est la réalisation (dans l'imaginaire) d'un désir. Le projet, qui passe par une demande et assume un risque, est sa réalisation (ou non) dans le réel. Au contraire, le fantasme évite au sujet l'action et le risque, en mettant en acte l'initiative de l'autre.
(f) Pour passer du point de vue individuel de l'inconscient au point de vue collectif de la critique de la science par la science (ce que Karl Marx cherchait à faire à partir du noyau rationnel de l'Économie Politique de Ricardo et de celui de la Philosophie de Hegel), on pourrait dire : comment la critique rationnelle de l'incohérence d'un discours (confusion entre travail commandé et travail incorporé) peut-elle mener à formuler, non pas la solution (plus-value) mais le problème (fantasme) qui traverse toute une tradition philosophique et religieuse ?. Karl Popper nous donne des éléments en opposant conjecture et réfutation, en complétant la cohérence par la pertinence. Marx a critiqué les confusions classiques puis, pour tenter de faire de sa parole de vérité (celle d'un sujet, d'un acteur résolu) un discours de vérité (celui de la science, celui du réel), il a invoque le deus ex machina de la nécessité ou le démon de Maxwell du déterminisme.
(g) Ainsi, Réel, Imaginaire et Symbolique ("le noeud borroméen") sont au coeur d'une problématique dont personne ne détient la clef à lui seul. Ni le prêtre (fut-ce Lacan ou Marx), affecté au discours de vérité de la religion puis de la science ; ni le guerrier spécialiste de la violence physique féodale ou de la violence symbolique libérale ; ni même le producteur ou le travailleur limité, par la domination et la servitude volontaire, à la vision étroite du réel que lui laisse le chosisme.
(h) Sans jamais pouvoir se fonder, le Réel, l'Imaginaire et le Symbolique ne trouvent à se concilier que dans un projet d'intelligibilité qui serait étroitement solidaire d'un projet de développement durable de l'humanité dans la globalité de la nature.
(i) Après son échec scolaire, Adolf Hitler se réfugie dans l'imaginaire et cherche des boucs émissaires à son échec.
- <<Il avait alors un seul ami, August Kubizek, le fils d'un décorateur de Linz, auquel le liait son enthousiasme pour la musique. Pour son anniversaire, il lui offrit une villa dans le style de la Renaissance italienne, qui était le fruit de son imagination : «En parlant, il ne faisait aucune différence entre ce qui était projeté et ce qui était terminé.» Ayant acheté un billet de loterie, il s'égara pendant un certain temps dans un monde irréel dans lequel il habitait au deuxième étage d'une maison patricienne (Linz-Urfahr, Kirchengasse 2) d'où la vue embrassait le panorama de la rive opposée du Danube. Pendant les semaines qui précédèrent le tirage, il choisit le mobilier, sélectionna les meubles, les étoffes et élabora des plans de décoration, il exposa même à son ami son projet d'une vie noblement désintéressée, généreusement consacrée à l'amour de l'art. Son foyer devait être dirigé par « une dame d'un certain âge, aux cheveux déjà grisonnants, mais d'une extrême distinction » et il voyait déjà le soir où « au sommet de l'escalier solennellement illuminé, elle accueillerait les invités qui appartiendraient au cercle des amis soigneusement sélectionnés et seraient en proie au ravissement ». Le jour du tirage vint, mettant en pièces le rêve auquel il avait cru fermement. Il sombra alors dans un accès de fureur sans bornes, maudissant non seulement sa propre malchance, mais aussi, par une escalade caractéristique, la crédulité des gens, l'institution de la loterie et finalement l'État malhonnête tout entier. Très justement, il s'est défini lui-même comme ayant été pendant cette période « un être à part » et, en fait, il n'a vécu que pour lui-même avec une application irritée. En dehors de sa mère et de son naïf admirateur « Gustl », qui lui servit de premier auditeur, le décor de ses années de jeunesse les plus importantes demeura vide au point de vue humain ; en abandonnant l'école il avait également déserté la société. Ayant rencontré, au cours de sa flânerie quotidienne à l'intérieur de la ville, une jeune fille qui, en compagnie de sa mère, passait chaque jour à la même heure au Schmiedtoreck, il fut la proie, il est vrai, d'une inclination passionnée qui se transforma bientôt en un intense sentiment romantique et dura des années. Cependant, il refusa toujours d'adresser la parole à la jeune fille et de se faire connaître d'elle. On a quelque raison de penser que son refus n'était pas dû uniquement à une timidité naturelle, mais qu'il s'expliquait également par le désir de défendre l'imaginaire contre le réel, de ne pas permettre l'intrusion de celui-ci dans le royaume de ses rêves. Si nous en croyons les assertions de son ami, Hitler adressa «d'innombrables poèmes d'amour» à l'inconnue et, dans l'un d'eux, «telle une châtelaine, vêtue d'une ondoyante robe de velours bleu de nuit, elle chevauchait un destrier blanc et traversait des prairies couvertes de fleurs ; sa chevelure ruisselait sur ses épaules comme une cascade de flots dorés. Il y avait au-dessus d'elle un limpide ciel de printemps. Tout n'était que bonheur rayonnant et sans nuages». A partir du moment où il s'abandonna à ses sortilèges, assistant souvent plusieurs soirs de suite aux représentations de l'Opéra, la musique de Richard Wagner avec son pathétique appel à l'émotion, sa tonalité étrangement envoûtante et maléfique, son immense pouvoir d'incantation, lui procura de toute évidence un moyen d'entrer en transes. Rien n'était plus conforme à sa tendance à fuir la réalité que cette musique tournée vers le sublime et baignant dans une atmosphère de luxe bourgeois, rien ne pouvait plus irrésistiblement l'entraîner dans les sphères du rêve. Il est symptomatique qu'à cette époque ses goûts le portaient à rechercher dans la peinture ce qui correspondait à cette musique, soit la fastueuse somptuosité de Rubens et son prolongement décadent, Hans Makart. Kubizek a décrit la réaction extasiée d'Hitler à la représentation de l'opéra wagnérien "Rienzi" à laquelle ils avaient assisté tous deux. Il avait été non seulement conquis par la magnificence musicale et dramatique de l'oeuvre, mais bouleversé par le destin tragique et solitaire du rebelle Cola di Rienzo, ce tribun médiéval qui meurt de n'être pas compris par le monde extérieur. Hitler avait conduit son compagnon au sommet du Freinberg et, dominant Linz plongée à ses pieds dans les ténèbres de la nuit, il s'était mis à parler. «Les mots jaillissaient comme des flots trop longtemps retenus font éclater une digue. En une série d'images magistrales et saisissantes, il m'exposa les grandes lignes de l'avenir qu'il entrevoyait pour lui et pour son peuple.» Lorsque trente ans plus tard, les deux amis de jeunesse se rencontrèrent à Bayreuth, Hitler déclara : «C'est à ce moment que tout a commencé ! » (Joachim Fest, "Hitler. Jeunesse et conquête du pouvoir, 1889-1933", 1973, traduit de l'allemand par Guy Fritsch-Estrangin, Gallimard, Paris, 1973, pages 14-15)>>.
(j) A son projet, qui pour l'instant n'est qu'un rêve, Hitler associe déjà une forte dose de rejet (du travail régulier, de l'amour réel).
(k) Voir Assumer les trois fonction. Monde de l'imaginaire. Mystique. Mysticisme. Ordre symbolique. Réalité apparente. Réalité indépendante. Réfutabilité. Stade du miroir.
(l) Lire "Réalité Représentations". "Temps Phallus". "Verbe Chair".
(B) Biologie.
(a) Pour Edgar Morin, la part de l'imaginaire est une caractéristique de l'humanité.
- <<Rappelons ici que l'imaginaire a sa réalité propre, et que ce que nous appelons réalité est toujours imbibé d'affectivité et d'imaginaire, que le sujet a toujours une existence objective, mais que l'objectivité ne peut être conçue que par un sujet. Cela pour dire qu'il n'y a pas d'un côté le royaume de l'objectivité et du réel que l'on saurait totalement isoler de la subjectivité et de l'imaginaire, ni d'un autre côté, les mirages de l'imaginaire et de la subjectivité. Il y a opposition entre ces termes, mais ces termes sont ouverts inévitablement l'un à l'autre de façon complexe, c'est-à-dire à la fois complémentaire, concurentielle et antagoniste. (Edgar Morin, "Le paradigme perdu : la nature humaine", page 144)>>.
(b) Voir Homo sapiens sapiens. Homo sapiens demens. Imagination. Opposition paradigmatique. Réalité psychique.
(c) Lire "Réalité Représentations".
* * *
Auteur.
Mis en ligne le Jeudi 26 Juin 2008
Explorer les sites.
Consulter les blogs.
Nota Bene.
Les mots en gras sont tous définis dans le cédérom encyclopédique.