Sceytol


(a) Définition. Parmi les nombreux usages du moulin à eau, le sceytol (ou seitol) désigne (en Forez et en Livradois) une scierie mue par la force de l'eau. Entre le Moulin Neuf et le Moulin du Puy, "le Seitol" est au bord de la Durolle.


(b) Etymologie. L'ancien verbe latin <sectare> se retrouve dans le nom masculin classique <sector, oris> "celui qui coupe" et le féminin <sectura, ae> "action de couper", "coupure", "entaille", "incision". Dans "Les remèdes à l'amour", le poète Ovide l'emploie dans le sens de "céder la place". Il a donné le provençal <seito> pour désigner la scie et le patois <siter> en Auvergne. En Forez, on parle le franco-provençal. En latin classique, le verbe <seco, as, secui, sectum, secare> a donné notre adjectif <sécable>, "qui peut être coupé". En Suisse Romande, <Seyte> est un "mot patois désignant une division administrative, du latin secta, participe passé de secare, couper, trancher".

(c) La machine à vapeur puis le moteur à explosion ont fortement contribué à la disparition des scieurs de long puis à celle des sceytols.


(d) Lors du partage de la montagne de Sauvain, un notable, Maître Dulac, mort avant de devenir le beau-père de Louis Lépine, a manifesté l'intention de construire un sceytol en utilisant l'énergie de la cascade de Chorsin. Nous avons observé les ruines du moulin à eau et son béal d'alimentation dans deux randonnées photographiques.


(e) A Verrières-en-Forez, il y avait un sceytol à la Payre. La prise d'eau du béal d'alimentation est toujours sous le pont de la Molle. Le cours d'eau qui fournit l'eau est la Vidresonne.


(f) Référence littéraire. Le père Sorel avait son moulin à eau, et un vaurien de fils, dans un autre Verrières, en Franche-Comté :


- <<Une scie à eau se compose d'un hangar au bord d'un ruisseau. Le toit est soutenu par une charpente qui porte sur quatre gros piliers en bois. A huit ou dix pieds d'élévation, au milieu du hangar, on voit une scie qui monte et descend, tandis qu'un mécanisme fort simple pousse contre cette scie une pièce de bois. C'est une roue mise en mouvement par le ruisseau qui fait aller ce double mécanisme ; celui de la scie qui monte et descend, et celui qui pousse doucement la pièce de bois vers la scie, qui la débite en planches. En approchant de son usine, le père Sorel appela Julien de sa voix de stentor ; personne ne répondit. Il ne vit que ses fils aînés, espèces de géants qui, armés de lourdes haches, équarrissaient les troncs de sapin, qu'ils allaient porter à la scie. Tout occupés à suivre exactement la marque noire tracée sur la pièce de bois, chaque coup de leur hache en séparait des copeaux énormes. Ils n'entendirent pas la voix de leur père. Celui-ci se dirigea vers le hangar ; en y entrant, il chercha vainement Julien à la place qu'il aurait dû occuper, à côté de la scie. Il l'aperçut à cinq ou six pieds plus haut, à cheval sur l'une des pièces de la toiture. Au lieu de surveiller attentivement l'action de tout le mécanisme Julien lisait. Rien n'était plus antipathique au vieux Sorel ; il eût peut-être pardonné à Julien sa taille mince, peu propre aux travaux de force, et si différente de celle de ses aînés ; mais cette manie de lecture lui était odieuse, il ne savait pas lire lui-même. Ce fut en vain qu'il appela Julien deux ou trois fois. L'attention que le jeune homme donnait à son livre, bien plus que le bruit de la scie, l'empêcha d'entendre la terrible voix de son père. Enfin, malgré son âge, celui-ci sauta lestement sur l'arbre soumis à l'action de la scie, et de là sur la poutre transversale qui soutenait le toit. Un coup violent fit voler dans le ruisseau le livre que tenait Julien ; un second coup aussi violent, donné sur la tête, en forme de calotte, lui fit perdre l'équilibre. Il allait tomber à douze ou quinze pieds plus bas, au milieu des leviers de la machine en action, qui l'eussent brisé, mais son père le retint de la main gauche, comme il tombait :

- Eh bien, paresseux ! tu liras donc toujours tes maudits livres, pendant que tu es de garde à la scie ? Lis-les le soir, quand tu vas perdre ton temps chez le curé, à la bonne heure.

(Stendhal, "Le Rouge et le noir", 1830, Livre I, Chapitre 4)>>.


(g) Dans la Montagne Bourbonnaise, à Lavoine, chez Les Pions, on trouve des seytoirs.


- <<La plupart des auteurs représentent les habitants de chez Pion groupés en une vaste communauté n'ayant que de lointains rapports avec les populations voisines. Lors de la création du village, il est possible qu'il ait existé entre les membres du groupe une sorte d'association communautaire. C'est un pays d'eaux vives et la présence, de nos jours, de seytoirs ("scierie") collectifs où le droit d'usage est encore limité entre les bénéficiaires à certains jours, voire à des fractions de journées, pourrait le laisser supposer. Les documents parcourus ne nous permettent pas d'accréditer cette hypothèse car, dans la collecte de la Montagne comme dans les quatre autres de la paroisse de Ferrières, nous trouvons les habitants fixés en communautés familiales distinctes les unes des autres. Le village Pion, pour sa part, en comptait plusieurs au XVIIe siècle. (Claude Alamartine, "Saisies-exécutions au village Pion, 1964, repris in "En Montagne Bourbonnaise... Les Pions", Editions des Amis de la Montagne Bourbonnaise, n° spécial, Hiver 2001, page 68)>>.


(h) Références d'usage du terme :


- Il y a une impasse du Seitol à Chabreloche (63250), près de Thiers.


- <<L'implantation d'une activité industrielle en ce lieu est antérieure au 19e siècle. Les archives du 18e siècle attestent la présence de moulins localisés à la confluence de la Durolle, du Sabot, du Moiron et de la Grande Goutte. En 1821, la famille Dargon construit un "seitol" soit un moulin à bois pour une activité de sciage. Puis en 1826, elle accole au nord du "seitol" un moulin à farine. Sur le cadastre napoléonien de 1835, un bâtiment figure près de la mention "Moulins Dargon". En 1842, Jean Dargon, est meunier au moulin. Jean-Marie Griffon, ensuite, exploite le "seitol". Ses filles, Jeanne et Joséphine se marient à des couteliers, Jean Sauzedde et Joseph Voissier. Une coutellerie est créée en 1921 au-dessus de la scierie qui fabrique aussi des manches de couteaux en bois pour la coutellerie. Un atelier d'émouture prend place dans le moulin, et un atelier de trempe se monte dans un petit bâtiment le long du bief. L'atelier de trempe a aujourd'hui disparu. Au début de l'activité, la coutellerie travaille pour les fabricants de Thiers, puis peu à peu, elle commercialise directement les produits fabriqués. Les deux beaux-frères se chargent de la commercialisation, leur raison sociale est Sauzedde-Voissier, coutellerie spécialisée dans la fabrication de couteaux de table. En 1925, Joseph Voissier quitte la coutellerie. Cette dernière est gérée jusqu'en 1974 par la famille Sauzedde au nom de Sauzedde-Griffon. Elle a comme marque de fabrique une double tête de coq avec les initiales "S.J.". Le bâtiment abritant la scierie et la coutellerie est toujours visible, il a été réhabilité en 2004. En 1925, l'usine emploie 12 à 15 personnes. 1938 : 9 ouvriers dont 2 à l'usine et 7 à domicile. 1940 : 10 à domicile. 1950 : 1 monteur et 1 polisseur à l'usine, et des ouvriers à domicile. Existence d'un fonds d'archives privées. (Puy-de-Dôme, Inventaire général du patrimoine culturel, "Scierie et moulin à farine dits Moulins Dargon, puis Griffon, puis coutellerie Sauzedde-Voissier, puis Sauzedde-Griffon", à Chabreloche, document du web)>>.


(i) Voir A partir d'un mot. Alimentation en eau des jasseries d'altitude. Béal. Bonde. Cascade de Chorsin. Débardage. Durolle. Marie Dulac. Paley. Parties. Route grecque en Forez. Sceytol de Paley. Scie des scieurs de long. Tribunal de Montbrison, le 31 août 1849. Vallée de Chorsin. Vorze.


(j) Randonnées photographiques :


- "Béal du Sceytol", à Sauvain ;


- "L'eau des jasseries", à Garnier.






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Auteur.

Hubert Houdoy

Mis en ligne le Vendredi 4 Juillet 2008



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