Opinion collective


(a) L'opinion collective est l'opinion imaginaire, attribuée à une entité imaginaire (le groupe, le marché, l'opinion publique, la collectivité, la France, les Américains, les Arabes) par des individus réels, dotés d'une opinion personnelle.


- <<Au Moyen-âge, en Europe, en période d'épidémie, les Chrétiens sont persuadés que les Juifs empoisonnent les fontaines publiques. (Chronique des peuples)>>.


- <<Les Américains sont persuadés que les Arabes ont organisé les attentats-suicides du 11 septembre 2001 ("Sagesse des nations")>>.


(b) Il arrive que les individus abandonnent leurs opinions personnelles de manière à suivre l'opinion collective (en y croyant ou sans y croire), de peur des conséquences liées au risque de ne pas suivre le mouvement ou de ne pas le suivre assez vite.


(c) Economie cognitive. De tels mécanismes de croyance sur la croyance sont très importants sur les marchés financiers.


(d) Ces mécanismes tendent à se répandre dans la vie politique, sous l'influence des média et des instituts de sondage.


- <<Suite à l'échec du référendum sur l'adoption du traité pour une constitution européenne en mai 2005, le Président de la République Jacques Chirac s'est senti obligé de demander à son premier ministre, Jean Pierre Raffarin, alors au plus bas dans les sondages, de démissionner. On peut naturellement se demander si cette démission aurait eu lieu si la côte de popularité du premier ministre avait été plus élevée. Il semblerait que non ; dés lors, cette démission semble apparaître comme un moyen d'apaiser une «opinion publique» défavorable. L'opinion publique est désormais partout : à la télévision, dans les unes des journaux (cf Le Monde « 62% des Français se déclarent solidaires du mouvement de contestation contre le contrat première embauche»), dans la rue envahie d'enquêteurs («auriez-vous quelques minutes pour répondre à un sondage ?) et bien sûr dans la sphère politique. Mais tout d'abord, qu'entendons nous par «opinion publique» ? Selon la définition officielle l'opinion publique serait l'agrégation de l'ensemble des attitudes individuelles, des jugements et des convictions de la majorité de la population adulte d'une société donnée. Quant à savoir si elle existe ou pas, la question peut paraître étrange : si on en parle, si on l'étudie tout le temps cela doit forcément signifier qu'elle existe. Pourtant, l'expression «opinion publique » n'a pas toujours existé. Elle apparaît pour la première fois au XVIIIe siècle et désigne alors l'opinion des parlementaires sur les affaires publiques, opinion qui est rendue publique. On considère alors que l'élite a une opinion formée par la raison, l'intérêt collectif, au contraire du peuple gouverné par ses passions et pulsions. Ce sont le suffrage universel masculin, la multiplication des manifestations de rue à la fin du XIXe et la diffusion d'une presse populaire nationale qui provoqueront l'émergence d'une opinion publique vraiment publique. Quant aux techniques de sondage elles ont vu le jour aux Etats Unis dans le milieu des années 1930. Devant le caractère relativement récent de cette expression on peut dès lors se demander si l'opinion publique existe réellement : certes, tout le monde ou presque, peut avoir une opinion, mais existe-t-il une opinion véritablement «collective», telle qu'on puisse dire «le peuple français pense que..». Nous sommes dans une démocratie où, normalement, le principal moyen d'exprimer son opinion est le vote or nous assistons depuis quelques années à la montée en puissance du sondage comme nouvel arbitre politique, un arbitre capable de choisir les candidats à une élection ou mettre à bas une loi jugée «indésirable». Dès lors, que l'opinion publique existe réellement ou pas, devant une telle puissance la véritable question devient quel est l'impact véritable de l'opinion publique (par l'intermédiaire des sondages) sur la vie politique française ? Il semblerait en fait que l'opinion publique en tant qu'agrégation d'opinions individuelles pas toujours valables, concrètement n'existe pas et soit une illusion savamment entretenue (I). Pourtant, cela serait oublier ce qu'on appelle en économie une prophétie auto réalisatrice : l'opinion publique, en tant que croyance érigée au rang de vérité collective existe car le peuple, les politologues et les hommes politiques y croient (II). Depuis les années 60, les sondages d'opinion ont envahi la société française et sont devenus la principale source de beaucoup d'études, politiques ou non. Chacun peut avoir une opinion sur un sujet mais la somme de ces opinions est-t-elle assez légitime pour parler d'opinion collective ? (Amandine Laroche, IEP, Bordeaux, "L'opinion publique existe t-elle ?", résumé, document du web, 20 décembre 2006)>>.


(e) Références d'usage du terme :


- <<L'hypothèse qu'il existe des phénomènes relevant d'une «opinion européenne» s'inscrit dans une préoccupation plus large pour les formes transnationales d'expression de préférences et de mobilisations collectives. L'idée d'une «opinion européenne» suppose notamment de montrer qu'il existe un fait d'opinion reflétant une opinion dominante, à un moment donné, au sein d'un espace européen pertinent, ici assimilé à l'Union européenne, et, par ailleurs, que ce fait d'opinion est le propre des Européens. L'idée d'une «opinion européenne» n'est que partiellement validée par les instruments de mesure des phénomènes d'opinion. L'épreuve de sa consistance suppose également la possibilité de repérer des formes publiques d'expression d'une opinion collective européenne, permettant ainsi de passer d'une opinion commune aux Européens, c'est-à-dire dominante, à une opinion publique européenne, c'est-à-dire une opinion collective qui soit à la fois européenne et publiquement affirmée. (Dominique Reynié, "L'idée d'une opinion européenne", in Raisons politiques 2005, Résumé, document du web)>>.


- <<L'opinion collective n'aime pas avouer ses faux pas et y parvient avec une aisance parfois déconcertante. C'est pourquoi la réputation d'un mythe, d'une parole, dépend essentiellement de la suite des événements. Lorsque Pétain lance le fameux : 'On les aura', en 1916, il choisit, avec habileté une formule qui a le double avantage d'être populaire, presque argotique, qui convient bien à l'Union Sacrée (les poilus, les gueules cassées, etc.). Néanmoins, si la guerre avait été perdue, cette parole lui aurait été amèrement reprochée, comme le 'Paris ne capitulera pas' de Trochu, 'le dernier quart d'heure de Lacoste. (Alfred Sauvy)>>.


(f) Voir Autonomie des croyances collectives. Croyance sociale. Déni par la totalité. Efficience informationnelle. Fiance. Fidance. Fier. Fider. Imitation. Pensée collective. Théorie mimétique.



(B) Autres usages du terme.



(a) Les définitions sociologiques de Gabriel Tarde (1843-1904) exprimées dans "L'Opinion et la foule" (1901).


- <<La différence d'interprétation de deux sondages récents à propos de l'appui à la souveraineté au Québec, publiés respectivement par Le Devoir (Léger Marketing, le 27 avril) et La Presse (CROP, le 28 avril), a mis en lumière un aspect conceptuel fréquemment négligé dans ce type d'enquête sociale à la mode : la notion même d'opinion collective. La Presse a présenté, dans son propre sondage, un article sur le sondage du Devoir dont le titre a provoqué la réaction critique et justifiée de son directeur. Mais au-delà de cette controverse journalistique qui aurait avantage selon moi à se retrouver devant le Conseil de presse du Québec, il faut poser le problème de la définition même de l'opinion collective pour tenter de concilier les résultats contradictoires de ces deux sondages. M'inspirant du sociologue français Gabriel Tarde (1843-1904 : "L'Opinion et la foule", 1901), je définis avant tout l'opinion collective comme étant l'ensemble des idées et des points de vue que s'échangent les individus d'une société, souvent avec l'aide de la communication publique, dans un but de conversation et de discussion sociales. Dans notre milieu québécois et pour les fins d'un des exemples dominants de ce phénomène social, il s'agit moins des conversations de café que des échanges de propos sur les tribunes radiophoniques. Sans parler de toutes les autres formes d'échanges de points de vue personnels entre les membres de la société civile.

Une opinion en trois aspects. Dès lors, ce que les maisons de sondages saisissent dans leurs enquêtes, ce sont trois aspects de l'opinion collective, aspects plus ou moins explicités dans l'élaboration et la formulation de leurs questionnaires. Ces trois aspects sont :

- l'opinion publique, qui est le degré d'unanimité de l'opinion collective ;

- l'opinion populaire, qui est le degré de stabilité de l'opinion collective ;

- l'opinion civique, laquelle est le degré de connaissance de l'opinion collective.

Le 27 avril, "Le Devoir" titre en manchette : «Souveraineté : un OUI à 54 %» ; le lendemain, "La Presse", en page A 2, affirme en surtitre du titre de l'article dont il est fait mention au début de ce texte: «OUI : 47 % ; NON : 53 %». C'est la saisie de l'opinion publique du moment à titre de degré d'unanimité de l'opinion collective. L'opinion populaire en tant que degré de stabilité de l'opinion collective se constate dans les données relatives à l'augmentation de l'appui à la souveraineté dans ces sondages par rapport à des sondages antérieurs. Mais quelles en sont les données relatives à l'opinion civique comme degré de connaissance de l'opinion collective ? Et, plus précisément, qu'est-ce que le public doit avoir comme information pour répondre soit à une question à la manière du référendum de 1995, soit à une question portant sur l'influence des témoignages de la commission Gomery sur le nouveau penchant de ce dernier en faveur ou en défaveur de la souveraineté ? Mystère ! (Jacques Rivet, Université Laval, "Sondages. L'opinion grogneuse", document du web)>>.


(b) Assimilation des informations en connaissances et mise en réseau des connaissances. Le role de la mise en récit des événements, dans la formation de l'opinion, individuelle ou collective.


- <<Mais l'engagement, qu'il soit celui de l'éditorialiste du XIXe et du début du XXe siècle, ou de l'intellectuel au XXe siècle, se traduit surtout à travers des argumentations qui passent par l'écrit. C'est même l'une de ses principales caractéristiques. La construction d'une opinion individuelle, comme d'une opinion collective, passe en effet pour chacun par la mise en récit des événements et de l'information. Il n'y a appropriation de l'argumentation que si l'individu replace les informations dans un « scénario ». Les travaux de sociologie des médias (Paul Lazarsfeld, Elihu Katz) ont montré combien les récepteurs filtrent les informations et les réinsèrent dans leur cadre idéologique et leurs représentations. Pour que cette appropriation soit efficace et contribue à la construction d'une «vision du monde» pour chacun, il convient également qu'un fort lien de confiance (une identification) existe entre le média pourvoyeur d'informations ou d'opinion et le lecteur. Deux aspects qui précisément caractérisaient la presse écrite d'opinion. Mais celle-ci a progressivement disparu et ce sont de nouveaux supports, liés à des fonctions de communication ou de publicité, qui sont aujourd'hui dominants. Dès lors, la question est de savoir comment l'opinion peut se construire lorsque ces médias écrits cèdent la place aux médias audiovisuels et électroniques ? (Marc Lits, université catholique de Louvain, "Espace public et opinion : de la presse écrite à Internet", in revue Sciences Humaines)>>.


(c) On nomme parfois <opinion collective> le consensus d'un comité d'experts.


- <<Ce rapport traite de la stratégie de l'évacuation définitive des déchets à vie longue sous l'angle de la protection de l'environnement et de l'éthique, couvrant notamment les questions d'équité et de justice vis-à-vis des générations actuelles et futures. Cette opinion collective qui émane de professionnels chargés, dans leur pays respectifs, de fonctions importantes dans le domaine de la gestion des déchets radioactifs, devrait contribuer à la tenue de débats constructifs et bien documentés sur le sujet. (Organisation de coopération et de développement économiques, Agence de l'OCDE pour l'énergie nucléaire, Paris, 1995, "Fondements environnementaux et éthiques de l'évacuation géologique : opinion collective du Comité de la gestion des déchets radioactifs de l'Agence OCDE pour l'énergie nucléaire", Résumé)>>.


- Comité de protection radiologique et de santé publique, Agence de l'OCDE pour l'énergie nucléaire, "La radioprotection aujourd'hui et demain : Opinion collective du Comité de protection radiologique et de santé publique de l'Agence de l'OCDE pour l'énergie nucléaire".


- <<De nos jours, on confond souvent consensus et «opinion collective». Il existe des degrés de variation toujours possibles entre individus, et il doit y avoir une implication individuelle forte pour faire suivre la prise de décision de l'action. Auquel cas, la prise de décision nécessite une négociation au bout duquel les autres participants au débat seront satisfaits. L'opinion collective n'est pas un consensus, mais au mieux une opinion reçue, au pire, l'alignement sur une orthodoxie éventuellement à partir d'une manipulation mentale (gouroutisme, propagande). Par ailleurs il existe des consensus émotionnels pouvant aller jusqu'à l'hystérie collective comme le montre l'étude des groupes et des foules. Il existe de nombreux débats et recherches à la fois sur les notions d'intelligence collective et de prise de décision par consensus - discutés dans d'autres articles. Cet article traite de l'idée de consensus dans son sens le plus strict, et non pas de ses implications en politique ou en économie (domaines dans lesquels non seulement le consensus importe mais également l'action subséquente). (Wikipédia)>>.


(d) Lire "Décision Représentation




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Auteur.

Hubert Houdoy

Mis en ligne le Mercredi 25 Juin 2008



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