Vision cognitive du développement


(a) Présentation succinte. La vision cognitive du développement est une conception actuellement minoritaire voire totalement confidentielle, face à la dominance solidement établie de la vision économique du développement. Cette dernière est celle des grandes institutions internationales (FMI, Banque Mondiale, Organisation Mondiale du Commerce).


(b) Avenir. La vision cognitive du développement a peut-être une chance de se développer, dans la mesure où sa rivale actuelle, la vision économique du développement, est condamnée à disparaître. Pour cela, la condition minimale serait que l'humanité ne disparaisse pas en appliquant obstinément la vision économique du développement.


(c) Amorce de définition. La vision cognitive du développement vise un développement durable. Mais elle ne vise pas la durabilité du développement économique actuel. Non pas pour un jugement de valeur à son égard. Mais, plus simplement, parce que le développement économique actuel ne peut pas être durable ou soutenable (<sustainable>), du fait qu'il repose sur un gaspillage énergétique. Même le passage de notre <économie pétrole> à une éventuelle <économie hydrogène> ne se fera pas sans de considérables modifications dans notre mode de vie et dans nos motivations. A la date présente (2008), le passage à une économie hydrogène suppose le succès, relativement rapide, de la fusion contrôlée et donc du projet ITER. Cet horizon reste donc très lointain.


(d) Plus généralement, la vision cognitive du développement repose sur une analyse critique de la notion de progrès, en particulier de celles de progrès technique et de progrès des connaissances.


(e) Oppositions paradigmatiques et horizon astronomique. Serge Latouche oppose <croissance> et <décroissance>, comme nous opposons <croissance économique> et <développement durable>. Tout dépend du sens que l'on donne à ces mots et de l'horizon que l'on envisage. Une décroissance ne peut pas durer des millénaires. Si l'humanité se décide à savoir ce qu'elle sait, il est possible qu'à court terme (aux échelles biologiques ou géologiques) elle doive faire une transformation qui ressemble à une forme de décroissance de ce qui n'est pas fondamentalement utile (publicité et armes n'ont d'utilité qu'au sein d'une compétition). Ensuite, elle peut se concentrer sur un développement durable d'elle-même, d'ici la probable transformation de notre Soleil en géante rouge puis en naine blanche.


(f) Dans l'immédiat, nous sommes d'accord pour dire que c'est l'économisme qu'il faut abandonner.


- <<La société de croissance peut être définie comme une société dominée par une économie de croissance, précisément, et qui tend à s'y laisser absorber. La croissance pour la croissance devient ainsi l'objectif primordial, sinon le seul, de la vie. Une telle société n'est pas soutenable parce qu'elle se heurte aux limites de la biosphère. [...] Entendons-nous bien. La décroissance est une nécessité ; ce n'est pas au départ un idéal, ni l'unique objectif d'une société de l'après-développement et d'un autre monde possible. Mais faisons de nécessité vertu, et concevons, pour les sociétés du Nord, la décroissance comme un objectif dont on peut tirer des avantages. Le mot d'ordre de décroissance a surtout pour objet de marquer fortement l'abandon de l'objectif insensé de la croissance pour la croissance. [...] Pour concevoir la société de décroissance sereine et y accéder, il faut littéralement sortir de l'économie. Cela signifie remettre en cause sa domination sur le reste de la vie, en théorie et en pratique, mais surtout dans nos têtes. (Serge Latouche, "Pour une société de décroissance", in Le Monde Diplomatique, Novembre 2003)>>.


(g) Il faut sortir de ce moule mental récent, qui, nolens volens, a donné une si forte empreinte à notre pensée. Il faut abandonner la vision économique du développement. C'est la vision cognitive du développement ou de l'avenir de l'humanité qu'il faut explorer.


(h) La question du temps de travail et celle de la productivité ne peuvent pas être simplement inversées, comme on passerait de la croissance à la décroissance, par un simple changement de signe algébrique.


- <<Une réduction massive du temps de travail imposé pour assurer à tous un emploi satisfaisant est une condition préalable. En 1981 déjà, Jacques Ellul, l'un des premiers penseurs d'une société de décroissance, fixait comme objectif pour le travail pas plus de deux heures par jour [Voir «Changer de révolution», cité par Jean-Luc Porquet in Ellul, l'homme qui avait (presque) tout prévu, Le Cherche-Midi, 2003, pp. 212-213]. (Serge Latouche, "Pour une société de décroissance", in Le Monde Diplomatique, Novembre 2003)>>.


(i) Nous ne sommes pas en mesure de poser le problème en ces termes. L'Economie Politique n'est pas née au sein du GIEC au début du XXI ème siècle. Elle est né dans les îles britanniques à la fin du XVIII ème siècle (Adam Smith, "Recherches sur la nature et les causes de la Richesse des Nations", 1776). Elle est fille du Mercantilisme et de la guerre économique entre les monarchies de l'Europe. Sa problématique n'a guère changé jusqu'à ce jour.


(j) En effet, d'un point de vue épistémologique, l'Economie Politique n'est pas comparable à la Physique. Aujourd'hui, nous avons de bonnes raisons de supposer que la Physique est une science. Quitte à changer d'avis plus tard. Ce que dit la Physique de l'énergie nucléaire reste valable, que l'on utilise cette énergie dans une bombe atomique ou dans une centrale nucléaire. Et c'est valable pour les autres branches de la Physique (vent, lumière solaire, marée). Si l'humanité se dotait des instances politiques nécessaires à la gestion de son avenir pacifique commun, on pourrait réduire les usages militaires de l'atome au profit de ses usages civils. La Physique ne serait pas changée pour autant. On pourrait aussi proposer un remplacement de l'énergie nucléaire par d'autres formes d'énergie. La Physique resterait la même. Il faudrait faire des choix politiques pour adapter les moyens disponibles aux fins poursuivies. Les lois physiques d'hier continueraient à s'appliquer.


(k) Mais il n'en est pas de même pour l'Economie Politique. A proprement parler, il n'existe pas de Science économique. Son langage mathématique ne doit pas faire illusion. Ni la notion de valeur, ni la notion d'utilité ne sont homologues à la notion de masse ou à la notion d'énergie en Physique. Il n'y aura jamais l'équivalent d'un e=m*c^2 en Economie Politique. Les mesures séparées de la productivité du travail et de la productivité du capital ne sont que des singeries par rapport aux formules de la Physique. Parce que Ricardo avait renoncé à cette question, nous ne savons toujours pas ce qu'est la richesse. Cela n'empêche pas les statistitiens de calculer des PNB, des PIB et toute cette sorte de choses.


(l) Cela veut dire que, a priori, nous ne savons rien sur le temps de recherche (combien d'années avant de disposer d'une technique praticable) ni sur le temps de travail (combien d'heures de travail chaque semaine) qu'il faudra pour réaliser les objectifs que nous nous donnerons. Et qui ne sont pas encore fixés.


(m) La vision cognitive du développement commence par ce constat d'ignorance. Elle commence, aussi, au bord du gouffre où nous a conduit la vision économique du développement. Nous ne pouvons pas effacer les dernières décennies de l'humanité. Ayant atteint une puissance industrielle capable à la fois de déregler le climat et d'épuiser les énergies fossiles, nous devons partir du constat de cette situation.


(n) C'est l'avenir durable de l'humanité qui devient le problème initial et non pas la compétition entre les entreprises ou entre les Etats. C'est dans ce contexte que doit s'imaginer quelque chose qui est à la fois une science et une politique du développement de l'humanité. C'est ce que nous visions, dès 1999, par la formule <Géologie politique>. C'est ce que Michel Serres appelle de ses voeux : <que les instituts de sciences politiques fusionnent au plus vite avec ceux de physique du globe et d'histoire naturelle ("Récits d'humanisme")>.


(o) Si l'humanité cherche sa survie durable, nous créons l'équivalent de la révolution copernicienne, dans les disciplines des "sciences sociales". Sociologie, Economie, Etudes politiques et Psychologie ont alors un objet commun. Pour la première fois de leur histoire, elles ont une petite chance de définir une forme de scientificité. Celle-ci ne se calquera probablement pas sur celle de la Physique. Mais toutes pourront collaborer à des modèles de simulation et à des scénarios élaborés en commun.


(p) Nous allons "dans le mur" ou "dans le gouffre", mais la vision économique du développement nous laisse aussi des connaissances scientifiques. Nous ne pouvons pas faire comme si nous ne savions pas ce que les siècles de gaspillage nous ont appris sur la Terre, sur la Biosphère, sur le Système solaire et sur l'Univers.


(q) Par contre, en Economie, nous ne pouvons être sûrs de rien. Si demain matin (ce qui n'est pas joué), l'humanité se décide à chercher un chemin de survie durable, sur Terre puis au-delà, elle se trouve devant la plus totale absence de connaissance scientifique dans ce domaine. Mais elle peut s'appuyer sur la Physique, sur l'Astrophysique, sur la Climatologie, sur la Biologie, sur la Géologie, sur l'Agronomie, etc.


(r) C'est pourquoi il faut revenir sur la sociologie des sciences au cours des siècles de gaspillage énergétique. Sur quelle idée de la connaissance et sur quelle pratique de la cognition avons nous vécu, si nous ne savons pas ce que nous savons. A suivre...


(s) Voir Gaspillage. Tokamak.


(t) Lire "Géologie Politique". "Progrès Technique".






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Auteur.

Hubert Houdoy

Mis en ligne le Lundi 23 Juin 2008



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