Frontières mouvantes
En Forez.
(a) Les communes établies par la Révolution Française découlent de frontières naturelles (rivières, sommets, lignes de crêtes, bois, marais, landes), politiques (fiefs, seigneuries) ou administratives (paroisses). Même depuis 1791, le nombre et la superficie des communes ont changé. Leurs limites étaient déjà instables dans le passé. Ainsi, nombre de lieux, situés hier sur le territoire d'une paroisse ou d'une seigneurie, sont aujourd'hui dans une commune qui porte un autre nom. Même les frontières naturelles sont instables.
(b) Sur les bords du Lignon, les limites de Sainte-Agathe-la-Bouteresse, de Saint-Etienne-le-Molard, de Trelins et de Montverdun suivent des méandres qui correspondent à la position du Lignon en 1791. Mais ces méandres ne sont pas ceux du Lignon d'aujourd'hui. Ils ne sont pas non plus ceux dont parlait Honoré d'Urfé, dans L'Astrée, au XVII ème siècle. Ainsi, l'ancien pont de bois (sur piles de pierres), dit pont de la Bouteresse, dont parlent Anne d'Urfé et Papire Masson se trouve aujourd'hui dans un pré des Foriats à plusieurs centaines de mètres du Lignon. Pourtant, il est toujours à proximité des ruines de l'abbaye de Bonlieu. Quant au pont de Saint-Clément, à Saint-Etienne-le-Molard, il porte le nom d'une ancienne paroisse, maintenant disparue, fondée au XI ème siècle par l'abbaye de Savigny.
(c) A Chalmazel, sur la rive gauche du Lignon, le hameau de Juel est sous le Pic de Juel (961 mètres). En 1248, quand Jean de Marcilly, seigneur de Chalmazel achète à Guy de Serre la dîme de Juel, elle concernait les paysans de la grande paroisse de Saint-Just-en-Bas. Juel a changé de territoire. Mais ce n'est pas le cas de tous les biens de la famille de Serre inféodés au seigneur de Chalmazel.
(d) La différence entre les paroisses et les fiefs maintient une distinction entre la communauté paroissiale et les dépendances des paysans par rapport à leurs propriétaires nobles. Tous les paysans d'une paroisse (Roche-en-Forez, Lérigneux, Sauvain) n'ont pas le même seigneur ou les mêmes seigneurs. Aux frontières mouvantes s'ajoutent des domaines enchevêtrés.
(e) A Jeansagnières, tout près du Col de la Loge, on trouve le Bois de Migois et la loge de Migois (à 1150 mètres). En 1220, le chevalier Guy de Cousan dicte son testament. A sa fille Ermengar, femme d'Etienne de Serre, il lègue ses biens de Migois à Jeansagnières, sa grange d'Epezy à Saint-Georges-en-Couzan et des cens à Saint-Laurent-Rochefort. En 1247, Bernard de Serre, fils ou petit-fils d'Etienne de Serre, avoue ses biens à Jean de Marcilly. Ces terres ne passent pas pour autant dans la paroisse où réside le seigneur ni, plus tard, dans la commune de Chalmazel. D'autant que le hameau de Serre, qui donne son nom à cette famille est situé sur la commune de Saint-Laurent-Rochefort, entre l'Anzon et le ruisseau d'Aubègue. Ils ne sont pas les seuls à Serre.
(f) En 1282, les frères Armand et Erail de Corbeillon, donzeaux, inféodent en franc-fief, aux nonnes de Bonlieu, des cens et des tailles sur des terres du Puy de Serre. La colline est bien celle qui porte le hameau de Serre. Aujourd'hui, on la nomme le Haut du Sert, à moins que ce ne soient les Hauts de Serre. En outre, si Corbillon est maintenant sur la commune de Champoly, ses seigneurs étaient considérés comme des paroissiens de Saint-Didier-sur-Rochefort.
(g) Si les frontières des paroisses sont mouvantes, le domaine des seigneurs et la hiérarchie féodale entre eux le sont beaucoup plus. L'orthographe des noms des lieux (toponymes) et des noms des familles (patronymes) est tout aussi instable. D'autant que la famille de Cousan n'est pas celle des Damas de Couzan, même si les premiers devinrent les vassaux des seconds.
(h) Voir Frontière Forez-Auvergne. Parage. Praval. Ruisseau d'Aubègue. Vassaux ou voisins de Couzan.
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Mis en ligne le Mardi 22 Juillet 2008.
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