Frontière Forez-Auvergne


(a) Une partie des monts du Forez appartient à l'Auvergne. Il s'agit du versant oriental des monts du Forez. D'où le Parc Livradois-Forez. C'est la différence entre la géographie physique et la géographie politique. Sur les hauts des monts du Forez, la frontière entre le Forez et l'Auvergne traverse les Hautes Chaumes.


(b) A l'époque celtique, le Forez était le pays des Ségusiaves et l'Auvergne le pays des Arvernes. Le vainqueur romain a déplacé la frontière, d'Egarande à Rouffix. Le Forum Segusiavorum appartenait à la Lyonnaise, le pays des Arvernes appartenait à l'Aquitaine. Puis l'Eglise a maintenu cette division dans ses évêchés. Des histoires différentes ont provoqué des clivages qui ne correspondent pas toujours à la réalité des modes de vie.


- <<Comme l'histoire qui a tracé une frontière, les parlers locaux font échec à l'unité géographique : les paysans se distinguent, de part et d'autre de la ligne des sommets, en Auvergnats - ou plutôt "Auvergnas" puisque le féminin est "Auvergnasse" - et "Fourinas". Les Auvergnats de notre région limitent le Forez à la partie montagnarde du département de la Loire qu'ils connaissent et des communes dont elle dépend. Les Foréziens ont une notion également restrictive de l'Auvergne. (Maurice Damon, "Les Jasseries des Monts du Forez")>>.


(c) Les deux versants des monts du Forez n'ont pas le même relief. Les terres cultivables sont plus nombreuses en Forez, sur des monts étagés et fracturés. Les pentes orientales, trop raides ne permettent pas le défrichement.


- <<Un habitant de Saint-Bonnet dispose en moyenne de 0.93 hectare de terrain labourable, contre 0.20 pour un habitant de Valcivières. "Un Auvergnat vivra là où un Forézien crèvera !" Si Valcivières était toute l'Auvergne, le dicton forézien ferait une juste réputation aux Auvergnats. Et comme le disaient et le disent encore les Auvergnats, ceux des communes de notre domaine auraient raison de considérer les Forez comme un pays riche. (Maurice Damon)>>.


(d) Les Auvergnats étaient encore plus nombreux que les Foréziens à partir, chaque année, comme scieurs de long, défricheurs, porteurs d'eau, maçons, terrassiers, patères ou charbonniers. D'autres, les "marraires" creusaient les étangs et construisaient leurs digues dans les marais ou les marèches de la plaine du Forez. Comme François Lambert d'Herbigny en 1697 pour le Lyonnais, Lefèvre d'Ormesson nous donne de précieux renseignements.


- <<Il sortait tous les ans, des montagnes d'Auvergne du côté du Forez (auvergnat) ... grand nombre de personnes pour aller travailler à la scie ... et aux remuements des terres pour les défricher et arracher des souches. (Lefèvre d'Ormesson, "Mémoire sur la province d'Auvergne, fait en 1698")>>.


(e) Une paroisse comme Valcivières ressentait un besoin beaucoup plus grand du surplus de pâturages offert par les Hautes Chaumes, par dessus les forêts.


- <<Finalement, l'économie de Valcivières, à la fin du XIX ème siècle, reposait sur trois pôles :

- les activités agro-pastorales, dans des exploitations pour la plupart de très petites dimensions ;

- les activités artisanales et commerçantes, qui donnaient l'occasion d'un flux d'argent à l'intérieur du village ;

- les activités exercées hors du village, qui avaient pour double effet d'alléger le poids des charges de consommation à supporter par l'ensemble du village et de faire rentrer de l'argent au pays.

C'est cette économie de subsistance qui définit le type général de l'exploitation pastorale pratiquée à Valcivières. (Maurice Damon)>>.


(f) Sur cette basse, d'autres différences, sociales, viennent se greffer. Ce sont souvent les plus perceptibles, parce que les plus chargées de sens. Par rapport à celle de Valcivières, où les patrons de domestiques sont rares, la montagne de Saint-Bonnet-le-Courreau, plus précisément, du village de Courreau, est la montagne des riches.


- <<L'économie paysanne la plus caractéristique à Valcivières est alors celle d'une ferme qui retire une récolte de un à quatre hectares de terrains cultivés, y compris les fumées de la montagne, qui possède un troupeau de 3 à 6 vaches, lequel pâture sur les communaux et passe l'été, soit près de la moitié en jasserie... Et qui n'a pas de jasserie, ne disposant pas de toute façon de terrains suffisamment étendus pour faire vivre sa famille de ses revenus agricoles, ne peut pas être paysan à part entière. Il est de ceux qui, les premiers, formaient le lot des journaliers, des domestiques, des émigrants, des sabotiers... (Maurice Damon)>>.


- A Courreau, <<les propriétaires des jasseries étaient des "riches". Ces riches étaient à la tête de fermes importantes, selon l'ordre de grandeur du village. Dans les quartiers élevés de la commune, les grosses maisons avaient une jasserie. Par rapport à l'ensemble de la commune, ces exploitations n'étaient pas les seules à occuper les sommets de la hiérarchie économique locale, mais elles comptaient parmi les grosses maisons de Saint-Bonnet... Un signe de cette aisance était la présence de domestiques. Toutes les fermes de Saint-Bonnet ne comptaient pas de personnel étranger à la famille ; mais les exploitations où l'on pratiquait l'estivage étaient toutes, quant à elles, de celles qui en employaient. Et c'étaient des vachers et vachères qui passaient l'été en jasserie. (Maurice Damon)>>.


- <<La disparité économique entre les deux versants, pour ne pas être extrême, n'en est pas moins manifeste. Elle suffit à alimenter les représentations que les deux populations ont l'une de l'autre. Aussi bien les Chevérans et les autres Auvergnats pouvaient-ils feindre de croire que, "dans le plus riche Forez, les bergères avaient des louis d'or dans leurs poches", tandis que ceux de Saint-Bonnet, avec les autres Foréziens, même les plus pauvres, se réconfortaient en imaginant l'Auvergne comme un pays de misère. (Maurice Damon)>>.


(g) Le Forez fournit un débouché aux bois (rambertes sur la Loire), aux fourmes, au beurre (Montbrison, Saint-Etienne), à la main-d'œuvre et au bétail de la proche Auvergne. Inversement, les Auvergnats viennent chercher le seigle de semence et le vin de table en Forez.


- <<Les Auvergnats s'embauchent d'abord chez eux ; mais quand le pays n'offre plus de débouchés, ils se dirigent volontiers vers le Forez, où ils trouvent un emploi. Les foréziens ne vont qu'exceptionnellement s'employer en Auvergne. (Maurice Damon)>>.


(h) Parmi les domestiques, une fille de Valcivières a épousé le fils d'un propriétaire de Roche-en-Forez, qui lui avait fait un enfant. Le fait (le mariage, pas la grossesse !) était assez rare pour être noté dans l'histoire locale. Généralement, un fils de propriétaire n'épouse qu'une fille de propriétaire, même de l'autre côté de la frontière. Les barrières sociales priment sur les limites régionales. Un pauvre Auvergnat faisait la cour à une fille de propriétaire Forézien. Les frères ont attendu le galant avec le fusil, pour bien lui faire comprendre qu'il fallait renoncer à l'idée d'un mariage et à l'opportunité d'entrer gendre dans la maison.


- <<La relation Auvergne-Forez serait donc le produit d'une structure indépendante de la délimitation géographique, qui placerait les grosses maisons dans une position dominante, non parce qu'elles sont plus souvent foréziennes, mais parce que leur rôle et leurs dimensions économiques font dépendre d'elles les domestiques dont elles utilisent le travail. (Maurice Damon)>>.


(i) Voir Etangs foréziens. Frontière naturelle. Frontières mouvantes. Grosses maisons. Jasseries de Garnier. Limites de 1358. Limites Forez-Auvergne en 1317. Maison paysanne. Mémoire sur le Gouvernement de Lyon. Montagne communale. Petites maisons. Sagnes.




* * *


Auteur.

Hubert Houdoy

Mis en ligne le Mardi 22 Juillet 2008.



Explorer les sites.

Réseau d'Activités à Distance

A partir d'un mot

Le Forez

Roche-en-Forez



Consulter les blogs.

Connaître le monde

Géologie politique


Nota Bene.

Les mots en gras sont tous définis dans le cédérom encyclopédique.


Où trouver les nouveautés du réseau de sites : Quid Novi ?