Haut du jour
En Forez.
(a) Géographie des Hauts des monts du Forez. Le Haut du Jour est un point haut (1327 mètres d'altitude) du plateau de Molinvé. Ce sommet intermédiaire domine la vallée glaciaire qui sert d'écrin au hameau de Chorsin, sur le territoire communal de Sauvain. Du Haut du Jour, de redoutables falaises, parfois boisées, "surplombent" le village encaissé.
(b) Variation toponymique. Le Haut du Jour est aussi nommé <Haut du Tour> par la carte IGN, série bleue, 2732Est, intitulée "Saint-Georges-en-Couzan et Pierre-sur-Haute".
(c) Préciosité. <Le haut du jour> (sanscrit <uddina>) est une expression littéraire du style précieux, pour désigner le milieu de la journée, l'heure de midi, quand le Soleil est au Zénith. Elle voisine avec <demêler le confus> et <l'obscur des vallons>. Elle se maintient à la période classique du siècle de Louis XIV.
- <<Or, belles Bergeres, jusques icy ceste recherche ne m'avoit guere rapporté d'amertume, mais, helas ! c'est ce qui s'en ensuivit qui m'a tant fait avaller d'absinthe, que jusqu'au cercueil il ne faut pas que j'espere de gouster quelque douceur. Il advint pour mon malheur, qu'un estranger passant par ceste contrée me vid endormie à la fontaine des Sicomores, où la fraischeur de l'ombrage, et le doux gazouillement de l'onde m'avoient sur le haut du jour assoupie. Luy, que la beauté du lieu avoit attiré pour passer l'ardeur du midy, n'eut plutost jetté l'œil sur moy, qu'il y remarqua quelque chose qui luy pleust. Dieux quel homme, ou plutost quel monstre estoit ce ! Il avoit le visage reluisant de noirceur, les cheveux racourcis et meslez comme la laine de nos moutons, quand il n'y a qu'un mois ou deux qu'on les a tondus. La barbe à petits bouquets clairement espanchée autour du manton, le nez aplaty entre les yeux et rehaussé et large par le bout, la bouche grosse, les levres renversées, et presque fendues sous le nez : mais rien n'estoit si estrange que ses yeux : car en tout le visage il n'y paroissoit rien de blanc, que ce qu'il en découvroit quand il les rouoit dans la teste. (Honoré d'Urfé, "L'Astrée", Partie I, Livre VI, Histoire de Diane, Lettre de Filandre à Diane)>>.
- <<Astrée qui escoutoit leur different sans parler, fut en fin contrainte de dire à Diane : Je pense, sage bergere, qu'en fin ce berger ostera du tout la parole à Phillis.
– Mais plustost l'amour, respondit Silvandre, car jusques icy elle a pensé qu'elle aimoit, et maintenant elle voit le contraire.
Ces belles bergeres alloient de cette sorte, trompant la longueur du chemin. Et parce que c'estoit sur le haut du jour, et que le soleil estoit en sa plus grande force, elles demanderent à Silvandre s'il y avoit beaucoup de chemin jusqu'au lieu où il les vouloit conduire. Et ayant sceu qu'elles n'en avoient encores fait la moitié, elles resolurent de s'arrester à la premiere fontaine, ou sous le premier bel ombrage qu'elles rencontreroient ; car Silvandre leur dict qu'elles en trouveroient une bien tost, où mesme il y avoit un cerisier tout chargé de fruicts. En cette resolution, elles redoublerent leurs pas ; mais la rencontre qu'elles firent de Laonice, de Hylas, de Tircis, de Madonte, et de Tersandre, les arresterent quelque temps. (Honoré d'Urfé, "L'Astrée", Partie II, Livre III)>>.
- <<Le second secret est, qu'on ne doyt point dresser les jeunes Chiens dedans les toiles, par ce qu'un Cerf ne faict que tournoyer, ne se pouvant esloigner d'eux, qui le voyent a toutes heures: et si on les fait courir apres hors de la toile, et qu'un Cerf dressast, se forloignant un peu d'eux, ils l'abbandonneroyent incontinent: et qui plus est, ilz se gastent encores a la toile en autre maniere, car si un Cerf y tournoye deux ou troys tours, ilz prenent aussi tost le contrepied que le droit, se rompans et mettans hors d'haleine, sans apprendre a quester ni a chasser, ne faisans que lever la teste pour veoir le Cerf. Le tiers secret est, de ne dresser les Chiens ne faire courir au matin, s'il est possible, par ce que si on leur accoustume l'esgail, et qu'ilz vienent a courir sur le haut du jour, ayant senty la chaleur du Soleil, ilz ne voudront plus chasser. Mais autrement vous les pourez dresser, et donner curee en ceste maniere. (Jacques du Fouilloux, "La Vénerie", 1561)>>.
- <<Les nôtres ont été aussi fort fracassés, y ayant tel vaisseau qui a reçu jusqu'à cent coups de canon, comme aussi il n'y a point de galère qui n'en ait reçu et qui n'ait fait perte et de soldats et de chiourmes. Le 21, à la pointe du jour, les deux armées se trouvèrent à une portée et demie de canon, mais par un si grand calme qu'il était du tout impossible de se pouvoir approcher ; de sorte que tout ce que l'une et l'autre purent faire fut de se faire remorquer à la mer par les galères, espérant toujours que sur le haut du jour il ferait du vent ; ce qui arriva, mais si fort partagé entre les deux armées, que tout le jour s'employa à gagner le dessus, et d'autant que la nôtre n'était pas en état de combattre celle des ennemis sans nos brûlots, qui faisaient une grande partie de nos forces , il nous fut impossible de leur prendre le vent, attendu que le nombre de nos galères n'était pas assez grand pour remorquer lesdits brûlots et nos vaisseaux de guerre ; si bien que nous restâmes tout ce jour-là à une lieue et demie les uns des autres sans se pouvoir joindre. (Henri d'Escoubleau de Sourdis, Archevêque de Bordeaux, "Correspondance", édition Eugène Sue, Imprimerie Crapelet, 1839)>>.
- <<MOPSE
Point d'affaire.
LYCARSIS
Quoi ? vous ne voulez pas m'entendre ?
NICANDRE
Non.
LYCARSIS
Eh bien !
Je ne dirai donc mot, et vous ne saurez rien.
MOPSE
Soit.
LYCARSIS
Vous ne saurez pas qu'avec magnificence,
Le Roi vient d'honorer Tempé de sa présence,
Qu'il entra dans Larisse hier sur le haut du jour,
Qu'à l'aise je l'y vis avec toute sa cour,
Que ces bois vont jouir aujourd'hui de sa vue,
Et qu'on raisonne fort touchant cette venue.
NICANDRE
Nous n'avons pas envie aussi de rien savoir.
LYCARSIS
Je vis cent choses là ravissantes à voir.
Ce ne sont que seigneurs, qui des pieds à la tête,
Sont brillants et parés comme au jour d'une fête ;
Ils surprennent la vue, et nos prés au printemps,
Avec toutes leurs fleurs sont bien moins éclatants.
Pour le Prince entre tous, sans peine on le remarque,
Et d'une stade loin, il sent son grand monarque ;
Dans toute sa personne, il a je ne sais quoi,
Qui d'abord fait juger que c'est un maître Roi.
Il le fait d'une grâce à nulle autre seconde,
Et cela sans mentir lui sied le mieux du monde.
On ne croirait jamais comme de toutes parts,
Toute sa cour s'empresse à chercher ses regards :
Ce sont autour de lui confusions plaisantes,
Et l'on dirait d'un tas de mouches reluisantes,
Qui suivent en tous lieux un doux rayon de miel.
Enfin l'on ne voit rien de si beau sous le ciel,
Et la fête de Pan parmi nous si chérie,
Auprès de ce spectacle est une gueuserie ;
Mais puisque sur le fier vous vous tenez si bien,
Je garde ma nouvelle, et ne veux dire rien.
MOPSE
Et nous ne te voulons aucunement entendre.
LYCARSIS
Allez vous promener.
MOPSE
Va-t'en te faire pendre.
(Molière, "Mélicerte", Comédie pastorale héroïque, 1666, Acte I, Scène III, Final)>>.
- <<La chose alla comme il l'avoit prévue.
Voilà Mazet, à qui pour bienvenue
L'on fait bêcher la moitié du jardin.
Il contrefait le sot et le badin,
Et cependant laboure comme un sire.
Autour de lui les nonnes alloient rire.
Un certain jour, le compagnon dormant,
Ou bien feignant de dormir, il n'importe
(Boccace dit qu'il en faisoit semblant),
Deux des nonnains le voyant de la sorte
Seul au jardin, car sur le haut du jour
Nulle des sœurs ne faisoit long séjour
Hors le logis ; le tout crainte du hâle ;
De ces deux donc, l'une approchant Mazet
Dit à sa sœur : Dedans ce cabinet
Menons ce sot. Mazet étoit beau mâle,
Et la galande à le considérer
A voit pris goût ; pourquoi sans différer
Amour lui fit proposer cette affaire.
L'autre reprit : Là-dedans ? et quoi faire ?
Quoi ? dit la sœur ; je ne sais, l'on verra ;
Ce que l'on fait alors qu'on en est là :
Ne dit-on pas qu'il se fait quelque chose ?
(Jean de La Fontaine, "Mazet de Lamporechio", Nouvelle tirée de Boccace, 1669)>>.
- <<Sur le haut du jour, Vers le midi. Cette façon de parler a vieilli. (Dictionnaire de l'Académie française, édition de 1835)>>.
- <<Je suis donc tout seul dans ma solitude, et je me livre à des études bien peu réglées, parce que je sais très-peu et que je suis paresseux. Je travaille, sur le haut du jour, à tout ce qui a rapport au dessin. Je perfectionne cette suite de pierres gravées que vous connoissez ; j'en ai beaucoup effacé pour les refaire avec plus de soin, et, comme je voudrois que mes occupations pussent être utiles à la société, j'ai commencé la suite des médailles impériales d'or du roi. C'est une des plus belles collections qui soient au monde ; j'en ai déjà fait près d'un cent ; les monuments qui sont à leurs revers m'amusent et m'instruisent. (Comte de Caylus, Lettre à l'abbé Conti, de Paris, le 1er décembre 1730)>>.
- <<Comme le soleil était radieux et doux ! Nous allions par les campagnes désertes. Il voulait être de mes jeux, Il était plus enfant que moi. Vers le haut du jour, quand la fatigue me prenait, il me conduisait à l'ombre d'un bois touffu. Il s'asseyait au pied d'un arbre et je m'endormais dans ses bras. Il veillait, lui, écartant de moi les mosquitos et les lances ailées. Parfois je faisais semblant de dormir, et je le regardais à travers mes paupières demi-closes. Ses yeux étaient toujours sur moi; en me berçant il souriait. Je n'ai qu'à fermer les yeux pour le revoir ainsi, mon ami, mon père, mon noble Henri ! L'aimez-vous à présent, ma mère ? Avant le sommeil ou après, selon mon caprice, car j'étais reine, le dîner était servi sur l'herbe ; un peu de pain noir dans du lait. Souvenez-vous de vos plus délicieux festins, ma mère. (Paul Féval, "Le Bossu", Le Petit Parisien, Partie III, Les Mémoires d'Aurore, Chapitre II, Souvenirs d'enfance)>>.
(d) Parlure. Au Québec, si <au petit jour> signifie "de grand matin", <le haut du jour> désigne "le matin".
- <<Pas une souche n'apparaissait dans toute la vaste étendue de la ferme. Ça et là, des ormes, des plaines, des érables épandaient vers la terre leurs rameaux touffus. «Ces arbres, me dit mon hôte, servent à abriter mes animaux dans les grandes chaleurs de l'été ; sur le haut du jour, vous pourriez voir les vaches couchées à l'ombre du feuillage, ruminant nonchalamment jusqu'à ce que la faim les pousse à redemander une nouvelle pâture à la terre». (Antoine Gérin-Lajoie, 1824-1882, in Trésor de la langue française au Québec)>>.
- <<Oh ! les jolies histoires de princesses, de nains, de géants, et dites avec ces intonations mesurées, caressantes, si communes autrefois dans le langage des vieux Canadiens. Les inflexions de voix surtout, toutes ces modulations si douces, si musicales, dont le secret est maintenant à peu près perdu, comment pourrai-je assez en redire le charme ? Dans la bouche de mon aïeul, les j'allions, les je n'avons point, etc., et autres modalités normandes, donnaient du relief à ses phrases les plus ordinaires. Puis c'était l'emploi fréquent de mots comme rousée pour rosée, couleurer, etc. Une mère amounetait son enfant, quand il était trop couriace. Un avantage s'appelait toujours une embélie, et le mot dépenses se traduisait par coûtage, coûtement. A la chasse, on n'abattait pas le gibier, on le dégradait, et un sentier d'orignal était toujours un ravage. Un autre joli mot, surtout, revenait fréquemment, demeshui pour désormais, dorénavant. Et dans le domaine du pittoresque, donc ! Les héros se levaient sur le haut du jour, et marchaient tant de lieues entre les deux soleils. Les petits d'un troupeau s'appelaient des écroîts. Le temps ne se brouillait pas, mais se marécageait, et une chose en ruines était une chose défuntisée, ou bien en délabre. Quand le narrateur voulait aussi parler d'une personne qui ne réalisait pas les espérances qu'elle avait fait concevoir, il disait qu'elle s'était dédite. (Sylva Clapin, "Dictionnaire canadien-français", Boston, 1894)>>.
(e) Autres occurences :
- Dans un journal édité en France au mois de juillet, <le haut du Tour> désigne le plus élevé des cols de montagne franchi par les champions cyclistes du Tour de France.
- Les formules mathématiques <Plus haut du jour - Plus haut de la veille>, <Plus haut du Jour – Clôture de la Veille> et <Plus bas du jour- Clôture de la Veille> n'intéressent que les maniaques de la Bourse.
- Terme de broderie. "Si vous utilisez un jour large, brodez le haut du jour avant de préparer votre toile".
(f) Voir Bois de Chorsin. Cascade de Chorsin. Expression toute faite. Famille de Chorsin. Guillaume de Chorsin. Hameau. Mon hameau. Pont de Chorsin. Ruisseau de Chorsin. Vallée de Chorsin. Zacharie de Chorsin.
(g) Parmi les randonnées photographiques sur les Hauts des monts du Forez :
- "Béal du Sceytol", à Sauvain ;
- "Montherboux", à Sauvain ;
- "Ruisseau de Chorsin", de la Roche Gourgon au ruisseau de Pierre Brune ;
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Mis en ligne le Vendredi 11 Juillet 2008
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