Herbage



(A) Généralités.



(a) Le mot <herbage>, dérivé de <herbe> est attesté dans un écrit de 1131.


(b) Définition. Un herbage est un "pré qu'on ne fauche jamais et dans lequel on fait paître les bestiaux pour les engraisser".


- <<Prairie naturelle dont l'herbe, consommée sur place par le bétail, est suffisamment fertile pour l'engraisser. Prairie ; embouche, pâturage, pâture, pré. Herbages plantés (de graminées : pâturin, dactyle, fléole des prés, fétuque des prés, ray-grass, vulpin… ; de légumineuses : trèfle blanc, trèfle des prés… ; de plantes diverses : chardon, pissenlit, plantain…). Herbages non plantés. Herbages de Normandie. Mettre des boeufs à l'engrais dans un herbage. (Le Grand Robert)>>.


- <<la Dame Bigue, supérieure, vendait comme cela se faisait sous ses prédécesseurs les volailles, dindons, poulettes, cochons et vaches nourris dans l'hôpital et gardait l'argent pour l'achat de linge, désormais cette vente se ferait sous la surveillance du trésorier, les animaux seraient vendus au profit de l'hôpital et les vaches donneraient du lait pour l'hôpital et seraient vendues grasses ensuite pour être remplacées par des maigres. Il y en avaient trois nourries dans les herbages de l'enclos. (François Hue, "Histoire de l'Hospice-Général de Rouen. 1602-1840", 1699)>>.


(c) Evolution sémantique. En 1559, <herbage> signifie "herbes, végétaux cueillis". On dit <se nourrir d'herbages> ou <vivre d'herbages (Académie française)>.


- <<la soupe, à neuf heure ; la classe jusqu'à midi : la lecture, l'écriture, l'histoire sainte, les quatre règles d'arithmétique ; le dîner à midi avec la soupe et l'éternel bouilli, que les enfants appelaient le collet ; à une heure, la cloche qui les appelait de la récréation à des travaux d'aiguille sur lesquels vivait la maison ; l'ouvroir, où les plus petites ourlaient les tochons, où les plus habiles entre les petites essayaient des boutonnières ; à trois heures, le morceau de pain suivi de la courte récréation ; de là jusqu'à sept heures, l'aiguille reprise et les torchons ; puis le souper d'herbages, la récréation d'après souper, et le coucher à neuf heures. (Edmond et Jules de Goncourt, "Soeur Philomène", édition Bourdilliat, 1861, page 16)>>.


(d) Références littéraires :


- <<Mais vous, simples Agneaux, qui n'êtes point trouvés

Dans le puant bercail de ces boucs réprouvés,

Qui des iniquités, secouez le servage,

Oyez, sentez, prenez, la voix, la main, l'herbage,

Dont le Ciel vous semonce, vous reçoit, vous nourrit :

(Jean de Sponde, "Stances et sonnets sur la mort", 1597)>>.


- <<Autant la terre de Chypre nous avait paru négligée et inculte, autant celle de Crète se montrait fertile et ornée de tous les fruits par le travail de ses habitants. De tous côtés, nous remarquions des villages bien bâtis, des bourgs qui égalaient des villes, et des villes superbes. Nous ne trouvions aucun champ où la main du diligent laboureur ne fût imprimée ; partout la charrue avait laissé de creux sillons : les ronces, les épines, et toutes les plantes qui occupent inutilement la terre sont inconnues en ce pays. Nous considérions avec plaisir les creux vallons où les troupeaux de boeufs mugissaient dans les gras herbages, le long des ruisseaux ; les moutons paissant sur le penchant d'une colline ; les vastes campagnes couvertes de jaunes épis, riches dons de la féconde Cérès ; enfin les montagnes ornées de pampre et de grappes d'un raisin déjà coloré, qui promettait aux vendangeurs les doux présents de Bacchus pour charmer les soucis des hommes. (François de Salignac de la Mothe-Fénelon, "Les Aventures de Télémaque", 1699, Livre V)>>.


- <<Sitôt qu'elle y fut, elle se mit à deux genoux pour faire une bonne prière, dont elle avait grand besoin et dont elle espérait grand confort ; mais elle ne put songer à autre chose qu'au pauvre champi qu'il fallait renvoyer et qui l'aimait tant qu'il en mourrait de chagrin. Si bien qu'elle ne put rien dire au bon Dieu, sinon qu'elle était trop malheureuse de perdre son seul soutien et de se départir de l'enfant de son coeur. Et alors elle pleura tant et tant, que c'est miracle qu'elle en revint, car elle fut si suffoquée, qu'elle en chut tout de son long sur l'herbage, et y demeura privée de sens pendant plus d'une heure. (George Sand, "François le Champi", 1849, Chapitre IX)>>.


- <<Lucerne, 14 août 1832. Le chemin de Bâle à Lucerne par l'Argovie offre une suite de vallées dont quelques-unes ressemblent à la vallée d'Argelès, moins le ciel espagnol des Pyrénées. A Lucerne, les montagnes, différemment groupées, étagées, profilées, coloriées, se terminent, en se retirant les unes derrière les autres et en s'enfonçant dans la perspective, aux neiges voisines du Saint-Gothard. Si l'on supprimait le Righi et le Pilate, et si l'on ne conservait que les collines surfacées d'herbages et de lapinières qui bordent immédiatement le lac des quatre cantons, on reproduirait un lac d'Italie. (François-René de Châteaubriand, "Mémoires d'outre-tombe", 1850, Partie III, Journal de Paris à Lugano)>>.


- <<Cependant les quatre banquettes se garnissaient, la voiture roulait, les pommiers à la file se succédaient ; et la route, entre ses deux longs fossés pleins d'eau jaune, allait continuellement se rétrécissant vers l'horizon. Emma la connaissait d'un bout à l'autre ; elle savait qu'après un herbage il y avait un poteau, ensuite un orme, une grange ou une cahute de cantonnier ; quelquefois même, afin de se faire des surprises, elle fermait les yeux. Mais elle ne perdait jamais le sentiment net de la distance à parcourir. (Gustave Flaubert, "Madame Bovary", 1857, Partie III, Chapitre V)>>.


- <<La mer de Sargasses, à proprement parler, couvre toute la partie immergée de l'Atlantide. Certains auteurs ont même admis que ces nombreuses herbes dont elle est semée sont arrachées aux prairies de cet ancien continent. Il est plus probable, cependant, que ces herbages, algues et fucus, enlevés au rivage de l'Europe et de l'Amérique, sont entraînés jusqu'à cette zone par le Gulf Stream. Ce fut là une des raisons qui amenèrent Colomb à supposer l'existence d'un nouveau monde. Lorsque les navires de ce hardi chercheur arrivèrent à la mer de Sargasses, ils naviguèrent non sans peine au milieu de ces herbes qui arrêtaient leur marche au grand effroi des équipages, et ils perdirent trois longues semaines à les traverser. (Jules Verne, "Vingt mille lieues sous les mers", 1870, Partie II, Chapitre XI, La mer de Sargasses)>>.


- <<Elle se taisait, puis reprenait avec un vague sourire :

- Nous autres, nous avons des routes droites pendant des lieues, entre les arbres qui font de l'ombre... Nous avons des herbages entourés de haies plus grandes que moi, où il y a des chevaux et des vaches... Nous avons une petite rivière, et l'eau est très froide, sous les broussailles, dans un endroit que je sais bien.

- C'est comme nous ! c'est comme nous ! criait Deloche ravi. Il n'y a que de l'herbe, chacun enferme son morceau avec des aubépines et des ormes, et l'on est chez soi, et c'est tout vert, oh ! d'un vert qu'ils n'ont pas à Paris... Mon Dieu ! que j'ai joué au fond du chemin creux, à gauche, en descendant du moulin ! (Emile Zola, "Au Bonheur des dames", 1883, Chapitre XII)>>.


(e) Parents linguistiques :


- Le verbe <herbager>, terme de 1409, signifie "mettre à paître dans un herbage" ;


- Nom masculin. Un herbager est un "éleveur", une "personne qui s'occupe de l'engraissement des bovins" ;


- Adjectif. <Herbager, ère>, terme de 1736, signifie "caractérisé par des herbages" ; le col de la Colombière offre un paysage herbager ;


- L'herbagement, terme de 1877, est "l'action d'herbager des bestiaux".



(B) Civilisation.



(a) Au Mésolithique, entre le Paléolithique (chasseurs, cueilleurs) et le Néolithique (distinction entre éleveurs et cultivateurs), l'herbage ("culture" de l'herbe) pourrait avoir été la première forme de l'agriculture. D'autant que nous ne savons pas comment apparaît la domestication et l'élevage. Les animaux domestiques semblent avoir souvent été d'abord destinés aux sacrifices faits aux dieux.


(b) Voir Caïn et Abel. L'orge et le blé. Nomades primitifs. Premières domestications. Premières semailles. Révolution néolithique.



(c) En Forez.



(a) Un herbage est un pré où pousse de l'herbe. Mais, réservé au pacage du troupeau familial, ce pré n'est jamais fauché ni labouré. L'herbage fait l'objet d'une fumure et d'une irrigation.


(b) Un herbage s'oppose à un champ comme au pré de fauche.


(c) On peut opposer un herbage de plaine à l'herbage d'estive. L'herbage des Hauts des monts du Forez a été gagné sur la forêt, par un déboisement Gallo-Romain. Les agriculteurs doivent lutter contre la forêt dont la bruyère et le sorbier des oiseleurs sont les précurseurs.


- <<En Lombardie, près de Milan, dès le Moyen âge, on savait récolter cinq à six coupes de foin dans une prairie irriguée.>>.


(d) Dans les Côtes du Forez, il est très rare qu'un moulin à eau ne soit pas complété par une prairie, sans parler de la culture du chanvre.


(e) Au béal d'alimentation du moulin s'ajoutent souvent deux béals d'irrigation du pré de pacage ou du pré de fauche attenant.


(f) Voir Climax. Essartage. Etages de la végétation. Frayage de la Goutte de l'Oule. Formation des Hautes Chaumes. Fumées. Jasserie. Jasseries de Garnier.


(g) Parmi les randonnées photographiques sur les Hauts des monts du Forez :


- "Etages de la végétation", de Moingt à la Grande Pierre Bazanne ;


- "L'Eau des Jasseries", à Garnier.




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Auteur.

Hubert Houdoy

Mis en ligne le Vendredi 11 Juillet 2008



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